Un hiver dans le Luberon


La commune de Bonnieux, dans le département de Vaucluse, semble endormie en cette mi-février. Le ciel est pourtant azur, mais les ruelles provençales sont désertes, les restaurants fermés. Banal constat d’un hiver dans le Sud de la France ou véritable fléau pour ces villages vivant essentiellement du tourisme ?

Perché à 420 mètres d’altitude, Bonnieux fait face à Lacoste et son château. Chaque été, des touristes du monde entier se pressent dans le Luberon afin de découvrir sa richesse géologique, ses marchés provençaux, son ocre, sa gastronomie ainsi que les nombreux petits hameaux perchés qui surplombent les champs de lavande.
Chaussures aux pieds et sac au dos, la marche permet de rencontrer les personnes qui vivent à l’année dans ces régions touristiques. La période creuse existe, et elle est longue. C’est le quotidien des restaurateurs et hôteliers qui peinent à boucler les fins de mois en hiver. C’est l’autre face de la magie saisonnière de lieux paisibles qui s’éteignent complètement lorsque les journées raccourcissent.

Les rares touristes croisés lors de cette semaine de randonnée dans la région du Luberon et des Monts de Vaucluse, sont en voiture et semblent désemparés face au calme plat qui règne dans les communes traversées. Les devantures des épiceries et des boulangeries annoncent des congés annuels. Difficile de s’imaginer le tumulte estival qui va suivre. Pourtant, en observant attentivement, l’on devine déjà les stratégies déployées par les commerçants et les services de l’hôtellerie : boutiques de souvenirs, publicités alliant gastronomie et nature, pléiade de chambres d’hôtes et de “Bed & Breakfast” qui ont le vent en poupe, sentiers culturels et vélo-routes. La panoplie marketing est large et judicieusement ficelée. Mais alors qu’en est-il des locaux ? Comment vivent-ils la hausse du tourisme face à l’abandon des villages par les jeunes ? C’est qu’ici, comme dans d’autres régions, le travail est saisonnier, les revenus sont faibles et l’agriculture a du mal à survivre. Les communautés de communes créées (afin de faciliter la gestion locale des zones peu urbanisées) ne plaisent pas aux autochtones, qui ne se retrouvent plus dans leurs traditions et ont l’impression de passer aux oubliettes. “Bientôt Lacoste sera vide d’habitants, c’est malheureux, je suis Lacostois et j’ai vu le village se transformer. Aujourd’hui les gens viennent pour les vacances ici, mais n’ont plus envie de faire vivre le village. Il n’y a plus de vie ici c’est tout.” Ces paroles d’un propriétaire d’une chambre d’hôtes font écho à l’impression laissée par la traversée de ce village désert.

A Roussillon et à Rustrel, les ocres dominent, d’un orange vif et puissant, renforcé par les rayons du soleil encore doux. Pourtant l’office de tourisme de Roussillon (dont les heures d’ouverture sont réduites en hiver) ne voit pas défiler beaucoup de monde. Celui d’Apt, sous-préfecture du département de Vaucluse avec ses 12.325 habitants, est fermé à cette période de l’année. C’est le pied de guerre pour trouver des établissements qui proposent un couchage pour la nuit à des prix raisonnables. Les refus s’essuient parce que le prix du chauffage est supérieur à celui d’une nuitée pour deux randonneurs disposant, qui plus est, d’un faible budget.
A environ deux kilomètres de Roussillon, la Poterie de Pierroux fait office d’exception. Morgane, mère de deux enfants, raconte :  “C’est vrai que les personnes de passage sont très rares à cette période de l’année, on est beaucoup à faire une activité rémunérée complémentaire pour pouvoir vivre. Ce n’est pas toujours évident, mais c’est aussi la loi des saisons et du tourisme, on sait qu’on est dans une région à deux temps distincts”.

Se dégage dès lors la question sur le bien-fondé de la centralisation des institutions touristiques et du fonctionnement saisonnier en général au sein des régions qui vivent d’une économie basée essentiellement sur le tourisme. Un contraste absolu : en hiver, la survie dans des régions reculées, préservées et peu accessibles; en été, le tourisme de masse, le surmenage des installations touristiques et le ras-le-bol croissant d’un grand nombre de professionnels, des hôteliers aux restaurateurs en passant par les commerçants. Le Luberon, sa richesse géologique et sa diversité en terme de faune et de flore, ont amené la Fédération des parcs naturels régionaux de France à créer le syndicat du Parc naturel régional du Luberon, dont les communes attenantes ont signé une Charte d’appartenance. Cette porte d’entrée à la préservation de l’environnement et du patrimoine est également une aubaine pour les villages qui y sont implantés (quatre-vingt-cinq communes au total), et pose le contraste entre le sentiment des gens qui y vivent et ceux qui y passent, ou encore ceux qui sont en charge de l’administratif et de la cohésion interne du syndicat.

Quel est l’avenir des parcs régionaux et nationaux ? Quel est l’avenir des communes, des villages et des hameaux qui les constituent ? Il semble que la volonté d’une gestion centralisée des hauts lieux touristiques de France porte préjudice aux traditions locales et à l’identité de chaque village, dont l’histoire est le patrimoine est revisité par des institutions qui prônent une identité plus globale, à un niveau régional… voir national.

NoAn.

Gorges d'Oppedette
Gorges d’Oppedette

 

Colorado provençal
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