Népal, entre ciel et terre (épisode 1)

Voyage au coeur du Nepal en trois épisodes. Découvrez le premier épisode.

Photos : Raphaël Crettol

Episode 1: Claque à Katmandou et chasse au tigre

Après plus de 11h de vol et une escale à Abu Dhabi, j’aperçois les premiers sommets népalais. A travers mon petit hublot griffé et rayé, je distingue des montagnes majestueuses et des enchaînements de collines qui émergent soudain du brouillard. C’est entre ces monts escarpés et ces profondes vallées que je vais m’immiscer durant deux mois.

Si l’atterrissage sur le tarmac de l’aéroport Tribhuvan (du nom d’un roi) se fait en douceur, l’arrivée sur le sol népalais n’est pas de tout repos. Entre les photos passeport, le changement de monnaie, les formulaires à remplir et la file d’attente, il me faut une bonne heure pour boucler mon visa de trois mois, directement dans le hall de l’aéroport. C’est là aussi que je fais connaissance avec un local qui me vaudra des acrobaties spectaculaires durant mon séjour: les toilettes. Un premier coup d’œil permet de constater l’absence de papier toilette. Construite sur le modèle des toilettes turques, la version népalaise comporte un petit sceau d’eau qui fait office de papier toilette et de chasse d’eau. Ceci me permit de comprendre plus tard, pourquoi les gens saluent et mangent toujours en se servant de leur main droite. Pour ma part, je n’étais pas encore prêt pour adopter cette coutume locale et je pris le soin de toujours emmener avec moi mes rouleaux de papier toilette.

Arrivé devant le carrousel à bagages, j’expérimente une énième fois l’agréable sensation de soulagement lorsque mon sac à dos de 75 litres surgit sur le tapis roulant. Mon compagnon de voyage sur le dos, je suis prêt à sortir au grand jour et affronter la frénésie de la capitale. Mais je n’ai pas le temps de poser un pied hors de l’aéroport que des dizaines de rabatteurs se précipitent sur moi pour me proposer un taxi ou des hôtels. Il est vrai qu’avec mon Lonely Planet à la main et mon air complètement paumé, j’ai tout de la victime idéale. Et pourtant, mon guide de poche m’avait formellement mis en garde contre ces taxis officieux. Mais impossible de leur échapper! Au moment où j’allais en choisir un complètement au hasard, un autre « proie » me fait signe. Il s’agit d’un sympathique Parisien qui se trouve dans la même situation périlleuse que moi. En deux temps trois mouvements, nous nous retrouvons dans un taxi qui nous mène au centre-ville directement à « son » hôtel. « Je vous montre juste les chambres, mais bien entendu vous n’êtes pas obligé de rester ici », nous indique le taximan. Tous deux exténués par cette journée interminable, nous choisissons de rester dans cet hôtel. Le rabatteur a réussi son coup.

Complètement déphasé par mon long voyage et le décalage horaire, je dors à poings fermés durant 15 heures pour ma première nuit sur sol asiatique. Avec l’heure d’hiver, le décalage horaire est de 4h45 par rapport à la Suisse. Il est de 15 minutes avec l’Inde, une façon de marquer sa différence avec son grand voisin, nous aurons l’occasion d’y revenir. Avec l’horaire d’été, le décalage n’est « plus que » de 3h45 par rapport à l’heure suisse. Pas simple quand il s’agit de skyper avec ma famille, ma copine ou mes amis. Après cette nuit réparatrice, je descends dans les ruelles de Katmandou pour me prendre une belle claque, en compagnie de mon compagnon de route parisien. Les rues de Thamel –  le quartier touristique de Katmandou – sont bondées et débordent d’activité. Un mélange de poussière et de pollution attaquent la gorge et piquent les yeux par moment. Pour se déplacer, il faut se frayer un chemin entre les vélos, scooters et taxis qui noient la ville sous un concert de klaxons. Les boutiques s’alignent les unes après les autres. On y trouve absolument de tout: tissus en pashmina, habits de trekking, nourriture locale et occidentale, bols tibétains, etc… et à tous les prix! Au Népal, absolument tout se négocie, du paquet de mouchoirs à la chambre d’hôtel! Un franc suisse équivaut à environ 100 roupies népalaises, la monnaie locale. Même s’il peut paraître parfois malhonnête de négocier pour quelques centimes de francs suisses, on s’y fait assez vite.

Mi-février, les températures sont agréables la journée, mais le pays n’est pas encore entré dans la haute-saison. Ceci nous permet d’éviter les touristes et d’être complètement dépaysés parmi la population locale, même à Thamel. La nouvelle de l’arrivée de deux nouveaux touristes s’est rapidement répandue. Après deux jours, la moitié du quartier était au courant qu’un Suisse et un Français étaient arrivés à Katmandou et des personnes nous accostaient régulièrement pour proposer leurs services, faire connaissance ou simplement par curiosité. Durant plusieurs jours, nous déambulions jusqu’à nous perdre dans le dédale des rues de la capitale…mais jamais pour très longtemps, car les Népalais, toujours très aimables et serviables, nous remettaient aussi tôt sur le bon chemin.

Mais rapidement, dans une ville autant polluée et étouffante, le besoin d’air se fait sentir. Je décide donc de me diriger vers le Sud du pays, dans une région appelée « Teraï ». C’est là qu’habite près de la moitié de la population. Il s’agit d’une longue plaine recouverte de savanes et de forêts tropicales qui fait frontière avec l’Inde. Cette région est notamment réputée pour son parc naturel, le Chitwan Park. C’est précisément là que je me rends, avec l’infime espoir d’y voir le fameux tigre du Bengale. Mais avant d’affronter les grands animaux de la brousse, il s’agit de vaincre les petits insectes qui pullulent dans cette région chaude et humide. Moustiques, araignées, tiques et sangsues sont des locataires bien embarrassants dans mon dortoir. Pas spécialement ami avec ce genre de bestioles, je préfère m’emmitoufler dans mon sac de couchage de montagne, plutôt que de laisser un centimètre de peau à l’air libre. Cette technique m’a valu des nuits torrides et étouffantes, mais a eu le mérite de me protéger plutôt bien de ces envahisseurs. Encore que… (Episode 2, à venir dans la prochaine édition)

Durant quelques jours, je pars à la découverte de la vie sauvage dans la jungle népalaise, flanqué de deux guides. Ceux-ci m’expliquent quelle attitude adopter face aux différents animaux que l’on pourrait rencontrer. J’apprends notamment qu’il faut faire face à un ours et qu’il faut privilégier la course en zigzag pour échapper à un rhinocéros qui charge. Moyennement rassuré par ces informations, je m’enfonce dans la jungle silencieuse et mystérieuse. Les safaris à pied et à dos d’éléphant me permettent de voir une multitude d’animaux sauvages: cerfs, antilopes, singes, python, oiseaux, éléphants et même trois massifs rhinocéros unicorne, une espèce en voie de disparition. Mais le plus impressionnant restera la descente en canoë d’une rivière bordée de crocodiles et de gavials. Outre cette biodiversité fabuleuse, c’est le calme et la tranquillité de cet endroit qui m’a marqué. Car cette jungle profonde est un univers à part, à la fois paisible et grouillant d’activité, silencieux et résonnant de mille bruits et sifflements.

Je serais volontiers resté plus longtemps dans le Teraï pour profiter de cette quiétude…  et tenter de voir un de ces fameux tigres dont je me demandais de plus en plus s’ils n’étaient pas que légendes. Mais il me fallait poursuivre mon périple et passer de la chaleur de la plaine au froid transperçant des montagnes himalayennes où m’attendait le point culminant de mon voyage: le trek des Annapurnas.

(A suivre dans les prochaines éditions…)

R.C.

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