Livre du quotidien – Un alcoolique de passage

La Chute d’Albert Camus est un classique. Le récit fait souvent partie de la sélection des livres dans les lycées mais il a aussi souvent touché les lecteurs de tous âges. Quand Jean-Baptiste Clamence, le personnage principale de La Chute d’Albert Camus, surgit dans un bar de Neuchâtel alors l’histoire prend une autre envergure.

Photo : Web

C’était au bar, un jour d’été. Les couleurs fleurissaient sous la canicule. La terrasse pullulait de gens sortant du travail pour boire un verre et se reposer de la journée tout en profitant du soleil. Les clients rigolaient sous les rayons. À l’intérieur, une atmosphère lourde pesait puisque personne n’était assis autour des tables.

Tout le monde se réjouissait de l’arrivée des beaux jours tandis qu’à l’intérieur, un homme, gris et le visage creusé, parlait seul de sa vie d’avant. Il disait avoir 42 ans mais paraissait être un vieillard de 72  ans. Il racontait sa vie d’alors, quand il jouait au tennis. Il confiait même avoir remporté une coupe d’importance nationale.

Il disait encore avoir participé à la création des premiers ordinateurs au monde. Il avait utilisé des technologies avant tout le monde. Ses paroles nombreuses aux effluves d’alcool contrastaient de manière forte avec les rires de la terrasse. Il ne lâchait pas son verre de whisky et racontait sa chute aux enfers.

Jean-Baptiste Clamence à Neuchâtel

C’est alors le spectre de Jean-Baptiste Clamence qui surgit à Neuchâtel. Cet alcoolique qui se confessait dans l’ombre des personnes profitant des rayons de la terrasse ressemblait étrangement au personnage principal de La Chute. Même si la confession qu’il faisait n’était pas du même ordre et ne débutait pas dans un bistrot d’Amsterdam.

La voix éraillée indiquait la débandade que le client vivait sans vraiment s’en rendre compte. À l’image du lecteur de La Chute qui n’arrive pas tout à fait à saisir la frontière entre la vérité et le mensonge dans la confession de Clamence. Même la trame de l’histoire se dévoile seulement au fil des mots.

Ce flou pouvait se lire sur les lèvres fatiguées du client. Les paroles contenaient la fatigue d’un brûlé vif qui accélérait à chaque gorgée l’heure de sa mort. Il suintait l’alcool et les yeux brillaient de trop d’excès en tout genre. Mais la discussion était tout de même touchante.

Cet homme solitaire accoudé sur le bar possédait également un trait d’absurdité. Il racontait son passé comme s’il le vivait toujours alors qu’il oubliait le présent dans un verre. Un paradoxe qui a aiguillé la pensée vers ce livre publié en 1956 chez Gallimard. Et qui laisse pensif.

A.W. 

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