Sound City, le rockumentaire signé Dave Grohl

soundcityFondés en 1969 et contraints à fermer en 2011, les studios d’enregistrement de Sound City trouvent un second souffle en 2013 dans ce documentaire incontournable pour tout amateur de musique ! Dave Grohl, ex-batteur de Nirvana, nous raconte l’histoire de ces studios avec humour, émotion et talent.

Photo : Web

L’ingénieur du son arrive dans le studio en silence, allume les lumières une à une et met en route une vieille table de mixage… On entend alors le sifflement des bandes magnétiques qui défilent, le clic mécanique à chaque manipulation, et de l’autre côté du studio le son d’une guitare qui s’accorde. Tout cela, c’est le son de la musique qui respire, c’est l’attente d’une première note…

La première scène de Sound City s’ouvre donc dans un silence presque complet, de manière sobre, touchante et très esthétique. Elle marque surtout les débuts de Dave Grohl en tant que réalisateur. On le connaissait bruyant et virevoltant au micro des Foo Fighters et à la batterie de Nirvana, mais il se révèle ici sous un autre jour. Il s’est en effet senti investi d’une mission, celle de rendre un dernier hommage aux studios qui ont changé sa vie. Etant à la fois producteur, réalisateur, compositeur et narrateur du film, Dave Grohl mène la réalisation de ce film… à la baguette ! Une multitude d’images d’archives et témoignages de stars, musiciens, producteurs et autres viennent agrémenter sa narration dont les mots choisis font mouche à chaque fois, entre humour et émotion.

« When you walk into Sound City, you love it or you hate it. »

Il revient dans un premier temps sur le passé tantôt glorieux, tantôt désastreux de ces studios et nous dépeint la vie à l’intérieur de ceux-ci. Sound City, c’était un ensemble de studios en Californie, une table de mixage unique au monde valant deux fois le prix d’une maison, une salle permettant un son de batterie inégalable et des dizaines de disques de platine ornant les couloirs. Mais c’était également des murs décrépis, une odeur de bière constante, des tapis imbibés de Jack Daniels et des fournitures de seconde main… le grand luxe !

Sound City fait surtout partie intégrante de l’histoire de la musique. Après des débuts timides en 1969, les studios ont connu la gloire à la fin des années ’70 en enregistrant Neil Young, Fleetwood Mac, Santana et d’autres… Ils ont ensuite souffert face à la rude concurrence du digital et des boîtes à rythme dans les années ’80 avant de revenir sur le devant de la scène dans les années ’90 avec « Nevermind », l’album culte de Nirvana. C’est en 2011 que les studios ont été contraints à la fermeture, dépassés par la concurrence technologique et par les attentes de cette nouvelle génération.

« A piece of Rock’n’Roll History »

Sound City était donc voué à l’oubli. Mais c’était sans compter sur Dave Grohl et sa passion pour la Neve, la table de mixage qui « a changé sa vie ». Il a en effet racheté cette pièce unique, fabriquée sur mesure et à la main par l’entreprise de l’ingénieur Rupert Neve, afin de l’installer dans son propre studio. Allait-il en faire une pièce de collection ? L’utiliser comme table de nuit ? La transformer en table de mixage ultra-moderne ? Absolument pas ! C’est bel et bien pour l’utiliser telle quelle qu’il l’a rachetée. Il a alors invité les musiciens qui ont marqué l’histoire de Sound City afin de faire revivre la machine et retrouver un peu du son et de l’esprit qui l’animaient.

La deuxième partie du film nous montre donc ces nombreuses collaborations, parmi lesquels on peut citer Paul McCartney, Josh Homme, Trent Reznor, Stevie Nicks, Rick Springfield… Nous sommes alors les spectateurs privilégiés de moments musicaux magiques. On suit le processus créatif de ces artistes, les relations entre les musiciens et ces moments où tout se crée à partir de rien. L’apothéose du film est certainement la collaboration entre Paul McCartney et les anciens membres de Nirvana… un pur moment d’anthologie. On les voit improviser, réfléchir et s’inspirer les uns les autres jusqu’à ce qu’un petit bijou de rock brut naisse de tout ça : « Cut Me Some Slack ». C’est une des 11 chansons retenues pour l’album du film « Real to Reel », sorti en mars 2013. Les compositions tirées de ces sessions d’enregistrement sont variées et très réussies, dans un esprit résolument rock. On peut tout de même se demander si la production de l’album n’est pas un peu trop léchée pour un documentaire qui fait la part belle à l’authenticité dans la musique…

« How do we keep music to sound like people? »

En effet, le film pose beaucoup de questions sur la musique, l’évolution de celle-ci, sur la spontanéité et la créativité. A une époque où tout peut être manipulé ou retouché par ordinateur, comment garder une touche humaine dans la musique ? Dave Grohl se pose la question et finalement, c’est justement dans son humanité que réside la force de son film. Sincère, drôle et touchant, c’est avant tout l’histoire de personnes passionnées qui ont toutes été marquées par un lieu et une expérience commune et qui ont tenu à le partager. Le mérite revient pour beaucoup à l’excellent travail de réalisation de Dave Grohl. En compositeur expérimenté, il a façonné son documentaire telle une partition de musique. Il excelle dans les changements de rythme et manie les silences, l’émotion et les points d’orgue tel un vrai chef d’orchestre. Son hommage à Sound City est réussi.

S.R.