Qu’il serait ennuyeux de vous présenter le festival en vous énumérant banalement les concerts un à un. Et dans l’ordre. Soyons de bons Helvètes. Non, ce qui intéresse les gens, c’est l’envers du décor, les backstages, le monde du staff ! On vit sur place pendant neuf jours (ou devrais-je dire neuf nuits), entre haleines enfumées et boule Quies usagées. Résultat : deux semaines pour s’en remettre. Topo :
Arrivé sur place, on aperçoit au loin l’énorme tente qui se détache du ciel, faisant trembler l’air par les soundchecks emplis de basses. Cette année, c’est les dix ans du Caprices. Ils prévoient du lourd, avec plus de 600 staffs à son actif et un site d’une capacité de 10’000 personnes. Il est alors 16h00 et le festival est déjà en ébullition. On fait connaissance avec les premiers sur place, on observe les dernières préparations. Nous avons là un site plus grand et plus concentré que celui de l’année dernière. Ça sent le progrès du billet vert. Le tournis me vient lorsque je me revois entrer pour la première fois dans la grande salle, « The Moon » qu’elle s’appelle, encore vide, grand espace lunaire qui va vivre comme nous neufs jours de festivités.
Je voudrais soi dit en passant m’excuser auprès des déités académiques et des instances supérieures du savoir universel pour mon péché, en ratant bien une semaine et demie de cours. Les forces de la musique ont eu selon moi leur mot à dire. Bref.
On se rend très vite compte du rythme à adopter. On devient alors un staff, un vrai, et on aime ça. Être staff, c’est profiter de tous les aspects de la vie en travaillant peu. Mon porte-monnaie peut en témoigner: il ne s’est pas ouvert une seule fois en dix jours, à part pour sortir des billets de train (j’ai l’AG). Le staff s’arrange comme il peut pour voir le plus de concerts possibles. Le bon filon : travailler la journée. Malgré le dur combat de l’après-soirée, on fait avec, car tout bon staff se soutient, sachant que l’après-midi est l’heure de la sieste. Des noctambules sociaux, voilà ce qu’est un staff. Et il vient de partout! Le staff est suisse, valaisan (différenciation inconsciemment faite), français, belges, espagnol, québécois. Mais on ne fait plus attention à ça, car le staff aime la bière. On en a pour tous les goûts !
Je travaillais personnellement au catering staff et artistes, ce qui importe peu pour votre culture générale. Il est intéressant cependant de remarquer quelques aspects de ce job assez dynamique. Premièrement, on travaille avec les rouages qui font tourner le festival : Les cuistos, Mesdames et Messieurs, les cuistos ! La cuisine est un monde peu commun dont nous ne connaissons pas grand-chose. On ne sait pas trop d’où ils viennent, les gars. Premier contact : Je vais en cuisine pour demander de la sauce blanche. Le Chef me regarde et lance une blague, d’un geste pour le moins perturbant, dont je ne ferais ici aucunes remarques. Merci pour la première impression. Voyez le film « Ratatouille », la scène détaillant la vie cachée de chaque cuisinier. Et bien il n’y a rien d’irréaliste là-dedans, ce monde mériterait une étude ethnographique poussée qui risquerait d’en étonner plus d’un ! Pour plus de détails made-in-kitchen, veuillez me contacter ultérieurement à mon adresse universitaire. On reste aujourd’hui dans le politiquement correct.
Deuxièmement, ce job m’a permis de voir passer sous mon nez la majore partie du staff. Et je peux vous dire, la gueule du gars de la sécurité lors de sa tranche horaire n’est pas du tout la même vers 4h00 du mat’. Mais assez parlé du staff. Laissons-le comater dans l’espace détente, les canapés y sont si confortables…
Les avantages de ma position m’ont donc permis d’agrandir considérablement ma liste de concerts, me rendant très vite compte de la variété du Caprices au niveau du choix des artistes. On va aller en crescendo, par des soirées très calmes, comme avec Noa et Roger Hodgson, chanteur de Supertramp, tous deux amenant une vraie splendeur vocale et instrumentale au festival. C’est maman qui était contente. D’autres ont réussi à remplir entièrement le site du festival, merci à Sophie Hunger, Nelly Furtado, -M- ou encore Mika (ces deux derniers ont d’ailleurs su titiller mon attention par leur présence scénique).
On eut notamment droit à la scène hypnotico-artistique, véritables performances audio-visuelles de Tori Amos, Portishead, Björk ou encore Amon Tobin, mixant sur des vagues planantes au milieu d’amas de cubes incandescents (je n’arrive pas à trouver d’autres mots). Anecdote : Parler de Björk me rappelle son aptitude à prendre au pied de la lettre le nom du festival. Car oui, ses « caprices » ont fait la une des staffs : Pas un chat dans la salle et les backstages lors des répétitions, le menu du soir préparé minutieusement et apporté dans ses loges, les ragots allaient même à dire qu’il fallait cacher nos potentiels tatouages en sa présence. Bravo Madame, on se rattrape du moins avec son concert et son titanesque générateur à rayon Tesla.
Le hip-hop était aussi au rendez-vous avec Nas, cette fois sans son acolyte Marley, Cypress Hill, toujours aussi maîtres dans l’art et Method Man et Redman, enfumant les salles d’une ambiance… apaisante. Anecdote : Le Chef cuisto m’amène ce soir-là un cake au chocolat, me proposant de le goûter. Très bon, avec cependant un arrière-goût dont je n’arrivai pas à identifier. Il me regarda avec un sourire et me dit qu’il l’avait spécialement cuisiné pour Method Man et Redman. La connexion ne s’est pas faite tout de suite. Sacré cuisto.
Un soir était notamment réservée aux fervents du rock, passant à The Heavy et Peter Doherty aux stroboscopes de Black Rebel Motorcycle Club, nous présentant leur nouvel album. Ces derniers nous ont prouvé que le rock n’a pas encore quitté la planète Terre, malgré leurs riffs de guitares stratosphériques. Parfait me diriez-vous comme première partie d’Alice Cooper, qui on se demande comment a réussi à sortir de son cercueil. Son boa du Vivarium de Lausanne a en tout cas fait sensation.
Mais la scène qui, loin de toute autre, a été la plus présente au Caprices fut celle du clubbing. Vitalic, Kevin Saunderson, Fatboy Slim, Dj Shadow, Sebastian, 2ManyDjs, Simian Mobile Disco, Sven Väth, sans compter tous les autres Djs présents sur les pistes au Modernity ! La musique électronique fait maintenant partie intégrante de ce festival. Surement le meilleur moyen de contrer le froid abominable qui règne en dehors des bâches de la tente.
Beaucoup de choses sont à raconter, surtout quand l’on vit une expérience de neuf jours comme celle-ci. Entre les frasques des acteurs derrière les coulisses et l’intensité vécue aux différents concerts, on se fait tous une idée personnelle de ce qu’un festival peut nous apporter. Le Caprices, lui, fait partie de ce genre d’évènements à ne pas rater, marquant à jamais notre mémoire (et notre foie) par les rencontres et la musique.
La montagne résonnera à nouveau l’année prochaine.
M.Z.