L’avènement de l’informatique et du réseau Internet fait désormais partie intégrante des études universitaires. Des cours, des travaux pratiques et toutes sortes de documents sont à disposition des étudiants via le web. Mais ce nouvel outil de travail est-il réellement nécessaire? Convient-il au corps enseignant et aux étudiants? Petit tour d’horizon à l’université de Lausanne.
Céline Rochat
Depuis quelques années, les universités suisses se sont dotées de serveurs inernet performants, permettant aux étudiants d’utiliser des documents interactifs depuis leur domicile via le net. L’université de Lausanne met à disposition de chaque étudiant un « coin de stockage », appelé « my.unil ». Ce dossier personnel est protégé par un mot de passe et il permet à l’étudiant de mémoriser des cours ou d’aller chercher divers documents sur d’autres dossiers personnels myunil, celui d’un professeur par exemple.
Mais cette nouvelle manière de travailler convient-elle aux étudiants et au corps enseignant? Madame Anne Bielman, professeur assistant d’histoire ancienne à l’université de Lausanne, utilise régulièrement ce genre de dossier avec les étudiants de première année. Son cours d’introduction à l’histoire ancienne est basé sur des dossiers d’étude que les étudiants doivent préparer chaque quinzaine. Certains de ces dossiers ont un support papier, et d’autres, appelés modules « électre » sont disponibles sur la toile. « Les avantages de ces dossiers sont nombreux. A la base, nous avions imaginé cette méthode de travail afin d’économiser le papier: Un dossier se compose d’au moins 10 pages. Sachant qu’il y a environ 260 étudiants par volée, et qu’il y a 6 séances de TP (travaux pratique) de ce genre, c’est une économie non négligeable. » commence l’enseignante. «Il y a aussi des avantages graphiques » continue-t-elle. « On peut plus facilement utiliser des photos ou des peintures comme source d’études. Dans des dossiers photocopiés, les images ressortent souvent très mal, et on ne distingue plus les détails. »
Malgré les avantages que cela apporte, la majorité des étudiants déplorent l’absence d’un support papier. Patrick, étudiant de ce cours le confirme: « S’il est vrai que l’on peut travailler sur des dossiers bien illustrés, il est néanmoins dommage de ne pas disposer de support papier. Cela rend le travail plus difficile et plus compliqué. Plus long aussi. Chaque étudiant ne possède pas forcément un ordinateur ou une connexion Internet à la maison. Si tel est le cas, la rédaction devient périlleuse car un travail de ce genre prend au minimum 4h. ». En fait, d’après une étude faite en 2004 auprès des étudiants de l’UNIL, seulement 10% d’entre eux possèdent un ordinateur personnel.
Ce dernier élément fait rejaillir le débat sur la « sociabilité » des universités en Suisse, à tel point que l’on peut se demander si ce genre de méthode de travail n’est pas une façon de plus d’écarter les étudiants moins aisé de l’université. De plus en plus d’enseignants l’utilisent. L’étudiant qui dépend des salles de travail mises à disposition à l’université est fortement désavantagé. Ces salles sont rares et déjà surchargées. Madame Bielman a aussi son opinion sur le sujet: « Internet ne devrait pas être utilisé comme moyen distinctif. Il faut à tout prix éviter de creuser le fossé social qui existe déjà ». Et de reconnaître: « L’université n’est pas, et n’a jamais été sociale. Elle lutte malgré tout contre le modèle anglo-saxon (où les universités sont payantes), mais la résistance est meilleure ici qu’en Suisse alémanique. » Le rectorat est lui-même « entre deux feux ». Il se doit de répondre aux exigences supérieures, fédérales, qui veulent conjuguer formation et compétitivité. Mais il doit considérer les remarques « logiques »des étudiants et du corps enseignant, qui demandent une université ouverte à tous. Il est vrai que l’arrivée du processus de Bologne (voir encadré) n’arrange rien.
Sociabilité mise à part, les étudiants se doivent de s’adapter à ces nouvelles techniques et de travailler avec. S’il on en croit son utilisation actuelle, le web est le support de cours de l’avenir. Pourtant Linda, une étudiante tessinoise de l’université de Lausanne le dit franchement: « Ces modules électre? Je déteste! ». Et elle n’est pas la seule dans ce cas, la majorité sont du même avis. Si les étudiants n’aiment pas cette méthode de travail et qu’ils le disent, pourquoi les professeurs s’obstinent-ils donc à mettre les cours sur le web? « L’université se doit de s’adapter à la technologie moderne » répond Anne Bielman. Et d’enchaîner: « Peut-être que dans cinq ans il sera ringard de distribuer des documents sur papier, mais il faut un temps d’adaptation. Et si les étudiants ne supportent vraiment pas de travailler de cette façon, qu’ils le fassent savoir. Ce n’est qu’en ayant des arguments basés sur du « vécu » qu’ils pourront avoir un réponse concrète des enseignants et du rectorat. » Selon l’étude effectuée il a deux ans, les étudiants ont usé de leur voix. L’an passé une partie des questions des modules ont été recréés dans une version .pdf 1) imprimable.
L’université se veut donc à la pointe de la technologie, et elle le fait savoir. Mais au dépend de qui? Demain, les suisses « moyens » pourront-ils encore fréquenter les universités, ou ces dernières seront-elles réservées aux enfants des familles les plus aisées du pays? La réponse viendra avec le temps, et l’avancée d’Internet!
C.R.
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