Jean-Jacques Beljean

Jean-Jacques Beljean est pasteur à l’aumônerie des étudiants de l’université de Neuchâtel. Avant cela, il a occupé pendant cinq ans la paroisse francophone de Bâle, puis pendant sept ans, une paroisse à la Chaux-de-Fonds. Il a également été président du conseil synodal pendant douze ans. Il a accepté de répondre à quelques questions au sujet de Noël et de sa signification.

Quelle est la spécificité du Noël protestant ?
Le protestantisme a une aversion pour les liturgies compliquées. Mais depuis quelques années, il connaît un renouveau liturgique. Peut-être est-ce dû à l’influence de Taizé et de frère Roger . Le protestantisme a retrouvé des formes anciennes comme la veillée de Noël, depuis environ une trentaine d’années. Il se réintéresse à la tradition, et c’est plutôt quelque chose de positif. On redécouvre l’Eglise et des traditions qui ont un sens. Cela a renforcé la tradition de Noël.
Lors de la réforme à Neuchâtel, on avait supprimé la fête de Noël, jugée mineure par rapport à la fête principale de la tradition chrétienne, Pâques. Elle a été ensuite réintroduite au XVIIème siècle sous la pression populaire.
Effectivement, Pâques est centrale dans la christianisme. Mais Noël fait la spécificité de la foi chrétienne, car elle marque le fait que Dieu s’est fait humain. C’est l’incarnation de Dieu. Et ce fait n’existe dans aucune autre religion. Noël signifie un changement dans la « politique » de Dieu. Avant, Dieu avait un rôle de créateur, un rôle historique et même politique (si l’on regarde l’histoire du peuple d’Israël). A partir de la naissance du Christ, Dieu a une nouvelle stratégie : faire tout à travers l’être humain. Dès ce moment, trouver Dieu, c’est regarder l’autre.
Noël a ce sens-là : Dieu s’est fait homme.

Avez-vous l’impression que le Noël chrétien a fait place à un Noël païen, avec une dérive commerciale ?
La fête de Noël est redevenue comme la fête de la lumière chez les Romains. On retrouve ces aspects de lumière, de couleurs, de musique, et de sentimentalité. En plus de cela, il y a dans Noël aujourd’hui des intérêts commerciaux. Mais ce côté commercial symbolise le besoin des gens de donner et de recevoir. Ce sont les ingrédients de la mobilisation des sentiments.

Pensez-vous qu’il faudrait tenter de modifier cela ?
Il ne faut pas changer les choses. Il faut les infléchir. La date de Noël a été fixée arbitrairement car on ignore la date de naissance de Jésus. Mais elle est très proche de la date de la fête du soleil. On a donc christianisé une coutume antérieure. On pourrait aujourd’hui christianiser ce Noël commercial comme une fête de la solidarité. En se faisant homme, Dieu s’est fait solidaire avec les humains. L’être humain doit maintenant être solidaire avec les autres hommes.

Et que faites-vous pour cela ?
Il faut avoir des contre-modèles, pas des oppositions, en proposant des moments de célébration, des mouvements de solidarité, par exemple. Pour moi, l’opposition est stérile. Il faut conserver un vrai signe du sens de Noël en « négociant » avec les commerçants, par exemple. L’aspect commercial des fêtes est au détriment de la solidarité, et très difficile à vivre pour certaines personnes. Ce n’est pas un jugement. Mais aujourd’hui, Noël peut être une source de plaisir et de souffrance (au niveau matériel). Pour ma part, je préférerait une simplicité solidaire.

Quel est votre rôle dans tout cela, en tant que pasteur ? Pensez-vous devoir être un garant des traditions religieuses ?
Mon rôle n’est pas lié à la fête de Noël. Le rôle du pasteur est de faire que les autres soient plus tolérants et plus solidaires les uns envers les autres. Car dans l’autre, il y a aussi une image de Dieu, et Noël exprime très bien cela. Je ne suis pas un garant des traditions, mais un transmetteur. Mon rôle est de transmettre le sens et la valeur de la tradition. C’est une question de foi. La foi est quelque chose de personnel. De même que Dieu a pris forme humaine dans une crèche, de même, il a pris place dans la société du premier siècle. Il doit maintenant prendre place dans celle du vingt-et-unième siècle. C’est le même mouvement.

Avez-vous observé un rapprochement des gens avec l’Eglise au moment de Noël ?
Il y a des gens qui viennent au culte de Noël alors qu’ils ne viennent pas le reste de l’année. C’est un besoin de retrouver une identité chrétienne et communautaire. Noël rapproche. Ce n’est pas un signe que les gens sont ritualistes. C’est vraiment un besoin de religion. Ça éveille en eux le meilleur, quelque chose de plus, d’insoupçonné. Pour moi, rapprochement au moment de Noël est très positif.

Propos recueilli par Anne-Marie Trabichet

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