Tout le monde l’a vue. Elle, c’est la photographie de Matti Juhani Saari, l’étudiant responsable de la tuerie dans le lycée de Kauhajoki en Finlande. Mercredi 24 septembre, elle est en une de certains quotidiens –dont le Matin Bleu et 20 minutes. Décryptage.
Arme au poing, son regard perce l’objectif. Matti Juhani Saari se crée une mise en scène. Il porte un blouson noir. Son regard et son pistolet fixent le spectateur. L’attitude d’un vrai méchant. L’image de l’étudiant est banale. Elle pourrait provenir de n’importe quel jeu vidéo ou film violent. Elle surprendrait peu, si elle était destinée à l’un de ces deux divertissements. Cette photographie choque, car elle est vraie : Matti Juhani Saari a tué. Dix personnes sont mortes sous les tirs de cet homme.
Difficile de différencier fiction et réalité à travers ce portrait. L’étudiant joue avec les stéréotypes des armes à feu. Il suffit de comparer sa posture avec celle du rappeur 50 Cent sur ce poster (http://imagecache2.allposters.com/images/pic/GB/LP0938~50-Cent-Gun-Affiches.jpg). Le « gun » est pointé abruptement sur une invisible victime : celui qui regarde. La comparaison s’arrête ici, la fiction aussi.
Matti Juhani Saari savait probablement que ses vidéos (dont les photographies sont tirées) allaient être utilisées par les médias. Il n’est pas le premier –et vraisemblablement pas le dernier- à théâtraliser ses actes. Cho Seung-Hui, l’auteur de la tuerie de Virginia Tech (en avril 2007) a tourné, lors de la fusillade, une vidéo qu’il a ensuite envoyé à la chaîne de télévision, NBC. Ces jeunes assassins ont conscience de leur image médiatique. Et ils la travaillent.
En publiant la mise en scène de Matti Juhani Saari, les journaux entrent dans son jeu. La photographie fait partie de l’information globale, mais sa valeur informative est faible. Elle est tirée d’une vidéo enregistrée par l’étudiant lui-même. C’est une sorte d’autoportrait. Le tueur se montre tel qu’il souhaite que le public le voit.
La photographie a sa place dans un article concernant la fusillade du lycée finlandais. Elle illustre le caractère violent du tueur. Mais en la mettant en une, le vrai sujet : la tuerie est éclipsé par sa cause : le tueur. Celui-ci vit son quart d’heure de célébrité mondiale : une version tragique de la citation prophétique d’Andy Warhol.
Si cette image informe peu, elle choque. Elle effraie. Elle attire. Ce sont probablement les raisons qui ont poussées les rédactions à la mettre en une. Elle crée une multitude d’émotions et de questions. Ces unes de journaux misent sur l’émoi suscité par la photographie pour attirer les lecteurs. L’émotion supplante l’information. Cette méthode fonctionne. Mais jusqu’à quand ? Et avec quel impact sur les lecteurs ?
Nolvenn Gambin