On commence à en avoir par-dessus la tête de la manière dont l’ethnologie se présente au grand nombre. Elle ressemble de plus en plus à un gros foutoir ! Cette fois-ci je ne peux retenir mon indignation. Je me suis rendu à l’exposition figures de l’artifice au musée d’ethnographie de Neuchâtel. Je vous livre mes impressions…
Figures de l’artifice, à nouveau un des ces éternels titres accrocheurs ; dont la moitié des gens ne comprendront pas le sens. On a pu le lire partout à Neuchâtel, sur des affiches représentant un bel homme, presque nu, doté d’ailes d’ange, sur un fond rose bonbon. C’est désolant, ça dégouline de guimauve. L’argument esthétique de cette affiche réside dans le fait qu’il suscite l’interrogation du public : « Mais que sont donc que ces figures de l’artifice ? »
Pour comprendre, on se rend alors bêtement au MEN, dans les hauteurs de la ville. On arrive dans une ancienne maison de maître, aménagée en musée et parallèlement en faculté universitaire. Un lieu avec beaucoup de cachet. Puis, on va au bureau d’accueil du musée, on paie son entrée et on pousse une porte à double-battants ; la visite commence…
D’entrée je me suis dit : « Me voilà à nouveau dans une des ces expositions où le visiteur passe pour un imbécile ! ». On traverse des salles toutes plus absurdes les unes que les autres, dans lesquelles sont répartis des objets inhabituels et à priori sans grand rapport : Chucky la poupée tueuse, une reproduction du Minotaure, un morceau de gazon synthétique, des photos d’opérations chirurgicales, des imitations de peaux d’hommes en plastique accrochées sur des cintres, des bandes dessinées imprimées au format « microscopique », etc.
Bref, le MEN a réussi son coup ; le visiteur est paumé, choqué, surpris et perdu. On se sent vraiment idiot et inculte. La mode d’aujourd’hui pousse à se démarquer, à surprendre et à impressionner ; on peut donc concéder au musée d’ethnographie, que pour cette exposition, il s’est parfaitement illustré.
Le vrai reproche qui je lui adresse, c’est la manière laxiste qu’il a de présenter les choses. En effet, il n’y a aucune description, aucune légende ; si ce n’est quelques écritures murales qui nous expliquent grossièrement que l’exposition retrace le périple du mythologique Dédale, en associant des figures choisies tant dans le domaine des pratiques sociales et des recherches scientifiques, que dans celui des récits mythiques et populaires.
J’ai à peine terminé d’écrire le paragraphe précédent que je me représente déjà la scène de mes professeurs d’ethnologie et des conservateurs du musée qui accourent vers moi en scandant : « Cette exposition à pour but de faire l’objet d’une réflexion, c’est pour cette raison qu’elle n’est pas clairement détaillée ! ».
L’objet d’une réflexion ? Parlons-en ! Cette exposition tient plus, selon moi, d’un simple cabinet de curiosités, dans lequel on déambule tranquillement sans chercher à comprendre. Dans les premières salles, on a parfois l’impression que la sélection des objets exposés, s’est fait aléatoirement, dans un hasard total.
Pourtant, Marc Olivier Gonseth – conservateur du MEN et pour l’occasion auteur de figures de l’artifice – voit comme objet de son exposition, une réflexion sur le rapport que les sociétés du 21ème siècle entretiennent avec les technologies de pointe, susceptibles de modifier la carte et les frontières de l’humain. Cette exposition est censée nous informée et nous sensibiliser sur le mélange du social et du scientifique ; en montrant le comportement humain face aux Dieux, aux animaux et aux machines.
La confusion qui règne dans figures de l’artifice, ne permet pas, selon moi, de saisir la vraie visée de l’exposition. Heureusement l’aspect ludique sauve la mise ; on retiendra notamment la manière dont le concepteur à réussi à créer une salle où l’on peut vivre l’expérience d’une illusion d’optique, autrement qu’en l’observant sur papier. On notera aussi la très bonne idée de fond ; celle du personnage de Dédale qui se ressent tant dans la disposition des salles (à la manière labyrinthe), que dans le l’ambiance générale du musée.
Ce que je reproche concrètement au musée d’ethnographie de Neuchâtel et cela n’engage que moi, c’est d’avoir échoué sa prestation ; l’exposition avait pour but de mettre en rapport la technologie et le comportement humain. Le pari n’est pas gagné.
Notons encore que c’est la personne de Kevin Warwick qui a inspirée l’exposition : un professeur de cybernétique anglais qui s’est fait implanter dans le bras une puce électronique connectée directement à son système nerveux, et permettant ainsi d’actionner par la pensée un membre artificiel. De surcroît, je salue l’initiative qu’avait prise le MEN en l’invitant pour une conférence au mois de mars de cette année.
Au final, ma balance penche tout de même dangereusement du côté négatif pour figures de l’artifice. Allez y faire un tour, faites-vous une idée par vous-même, de préférence avant la fin de l’exposition qui s’achèvera le dernier jour de 2007.
Tristan Barrabas