La vie dans une ville peut se révéler très différente si vous êtes un touriste. Lorsque l’on voyage à l’étranger, on pense à tous les endroits que l’on a envie de voir et l’on est souvent heureux de trouver des indications dans sa langue natale. On se trouve plongé dans une sorte de bulle, similaire à un monde à part dans lequel on ne partage plus vraiment les mêmes préoccupations que les gens qui vivent dans la ville que l’on visite. C’est comme si on accédait à un statut particulier. A partir de là, soit on continue à être un touriste, soit on profite de cette position d’observateur pour relever des petits détails qui font partie intégrante de la vie de la ville. J’ai choisi cette attitude lors du récent voyage que j’ai fait à Salzburg.
Premiers contacts
J’arrive à la gare de Salzburg un vendredi en fin de soirée. Le trajet ne fut pas de tout repos à la suite de déviation et de bouts de parcours effectués en bus. La première chose qui me frappe, c’est que les diverses indications utiles aux voyageurs sont écrites en plusieurs langues. En dehors des informations qu’elles fournissent, elles me disent que Salzburg est une ville à touristes, habituée à les recevoir et que j’appartiens à leur espèce.
Le lendemain m’amène son lot de visites. J’opte pour le Festung Hohensalzburg, le château fort qui surplombe la ville. Pour m’y rendre, je traverse la vieille ville. La circulation y est interdite, ce qui permet aux passants de flâner en toute quiétude. Les boutiques sont nombreuses et vendent, pour la plupart, des souvenirs. D’autres sont des magasins de luxe où l’on trouve vêtements et parfums de marque. Le Mozartkugel apparaît dans un grand nombre de vitrines. Il s’agit d’un chocolat rond, fourré au massepain, un rendez-vous gustatif pour le touriste. Sans surprise, j’ai vu très peu d’autrichien en manger.
Une fois au château, j’ai la possibilité de suivre une visite avec un audio guide. Les commentaires sont conventionnels, mais il est toujours amusant de voir un groupe de vingt personnes déambuler sur des remparts, l’oreille pendue à ce qui ressemble à un téléphone portable. Nous sommes ensemble, mais en même temps, chacun se trouve dans sa bulle. Du château, nous avons une vue imprenable sur la ville, qu’il s’agisse du centre ou des quartiers résidentiels.
De retour dans les rues de Salzburg, mes pas m’entraînent devant la maison qui a vu naître Mozart. L’ancienne bâtisse est prise d’assaut par les touristes qui veulent tous une photo de ce lieu. Rien ne distingue cette maison des autres, mis à part qu’elle est en rénovation et qu’elle abrite le musée à la mémoire du compositeur. Sans cela, je serais passée devant sans la remarquer.
L’autre face de Salzburg
Salzburg est une ville de musique et de culture, cela ne fait aucun doute pour celui qui la parcoure. Il n’est pas étonnant de tomber sur un excellent musicien au détour d’une ruelle, entouré d’un groupe de personnes en train de l’écouter. Pendant l’été, il est possible d’assister à des concerts en pleine rue. De plus, il y a un nombre incroyable de galeries d’art concentrées au centre ville. En passant la porte de l’une d’entre elle, on se retrouve nez à nez avec des Dalí, des Picasso, des Warhol ou encore des Max Ernst.
Cependant, comme dans toute cité urbaine, Salzburg possède une autre facette moins dorée mais plus humaine. Sur le seuil même de la maison de Mozart, une jeune femme, emmitouflée dans des vêtements dépareillés et usés, est en train de tracer sur le sol à la craie des personnages de Walt Disney, pour gagner quelques sous. Chaque jour de la semaine, elle vient ici, sauf le dimanche qui est le jour du repos.
Je visite la cathédrale de Salzburg, le Dom St Rupert, un très beau bâtiment tout en rondeurs, peu commun avec les édifices gothiques qui nous viennent à l’esprit lorsque l’on parle de cathédrale. Dans cette ville, les gens sont très croyants et l’on retrouve des symboles religieux un peu partout, sans compter le nombre d’église relativement important (plus d’une dizaine dans le centre de la ville). En outre, il n’est pas rare de voir des moines franciscains en robe de bure marcher dans les rues. D’ailleurs, sur le Kapuzineberg, une colline boisée au milieu de la ville, entourée par une muraille, se situe un monastère franciscain encore en activité. En se promenant dans la forêt, on peut tomber sur un bien singulier personnage ; un homme, entre deux âges, qui a élu domicile au milieu des arbres. Lui aussi se trouve dans une sorte de bulle, hors du temps et des inquiétudes, bien qu’il s’agisse d’une autre atmosphère que celle dans laquelle on évolue lorsque l’on est touriste. Pour se protéger de la pluie, il s’est aménagé un abri dans la muraille qui surplombe la vieille ville de Salzburg. Il a également construit une sorte de coin cuisine, représenté par une planche sur laquelle il pose divers couverts. Ce Robinson de la ville goûte le plaisir qu’il y a à lire un livre au soleil. Non loin de lui repose un monticule de cadavres de bouteilles de bières bon marché.
Les villes ont une vie propre qui est bien différente de celle que le voyageur rencontre quand il les visite. A force de d’y habiter, on commence à se sentir moins étranger. Cependant, il faut aussi un certain temps pour que la ville elle-même ne nous considère plus comme touriste. En y vivant le temps de vacances, ce processus est irréalisable, mais il reste possible néanmoins de remarquer des petits détails qui font la vie de tous les jours sur place. Je considère personnellement qu’il est tout aussi passionnant de prêter attention aux habitants de la ville et à leurs habitudes que d’aller voir tous les monuments et les musées. Finalement, c’est aussi un moyen d’apprendre sur l’endroit que l’on visite et de connaître des expériences plus humaines.