Analyse

Politique d’embauche des étudiants étrangers en Suisse

Des reformes entreprisent par le conseil national en vue de redorer son blason sur la scène internationale en matière d’emploi pour tous, sans discrimination raciale, sexuelle et religieuse.
Il s’agit d’un pas, mais c’est déjà presqu’un pas de géant que vient de franchir le conseil national suisse en reformant un certain nombre d’articles portant sur la politique d’emploi des étrangers sur son sol.

En effet, depuis de nombreuses années, les milieux académiques et les milieux économiques dénoncent les difficultés auxquelles sont perpétuellement confrontés les étudiants et les diplômés issus d’États autres que ceux membres de l’UE et de l’AELE (association européenne de libre échange, comprend l’Islande, le Lichtenstein et la Norvège), lorsqu’ils souhaitent obtenir une autorisation de séjour. Ces étudiants sont classés dans la catégorie de pays tiers, ce sont notamment les pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. La politique d’alors était réellement discriminante et très sélective (la priorité était accordée à un suisse, ensuite à un européen et après à un autre originaire d’un pays AELE, et enfin au candidat du pays tiers) au point où l’étudiant étranger, finissant ses études, entame des recherches d’emploi soit dans d’autres pays européens, soit se tournait vers le Canada, terre d’immigration où il était assuré d’obtenir un emploi à la mesure de sa formation. Cette mesure, drastiquement appliquée, eut pour conséquence la fuite de cerveaux et parallèlement pour la Suisse un vide (tant au niveau scientifique, technique que culturel) à combler.

C’est justement pour dénoncer cette inégalité de fait que des voix des associations et des réseaux se sont faits entendre. Dans son initiative parlementaire du 19 mars 2008, le conseiller national Jacques Neirynck propose d’adapter la réglementation de la LEtr en ce qui concerne l’ordre de priorité applicable à l’admission en vue de l’exercice d’une activité lucrative (priorité accordée aux travailleurs indigènes), les conditions d’admission, le séjour à des fins de formation ou de perfectionnement, et l’octroi facilité d’une autorisation d’établissement. Rejoint par d’autres personnes de sphère différentes (avocats, juristes, humanistes, économistes), ce projet de loi verra enfin le jour à compter du 1er Janvier 2011 à travers deux articles :

Art. 21, al. 3
En dérogation à l’al. 1, un étranger titulaire d’un diplôme d’une haute école suisse peut être admis si son activité lucrative revêt un intérêt scientifique ou économique prépondérant. Il est admis provisoirement pendant six mois à compter de la fin de sa formation ou de son perfectionnement en Suisse pour trouver une telle activité.
Art. 34, al. 5
Les séjours temporaires ne sont pas pris en compte dans le séjour ininterrompu de cinq ans prévu aux al. 2, let. a, et 4. Les séjours effectués à des fins de formation ou de perfectionnement (art. 27) sont pris en compte lorsque, une fois ceux-ci achevés, l’étranger a été en possession d’une autorisation de séjour durable pendant deux ans sans interruption. http://www.admin.ch/ch/f/gg/pc/documents/1806/Bericht.pdf.
Selon Maître Eric Bersier que nous avons contacté cette loi représente une véritable révolution car l’innovation principale consiste en la possibilité, pour les titulaires d’une haute école suisse, de recevoir à titre temporaire (6 mois) un permis de séjour pour leur permettre de rechercher du travail ou de constituer leur propre entreprise (start-up) dans le pays. Ces start-up sont des micro-entreprises créées par les étudiants étrangers qui emploieront du personnel d’ici ou d’ailleurs en stimulant la recherche, la compétitivité et la création de valeurs ajoutées pour le bénéfice bien évidemment de la Suisse
Par ailleurs, soulignons que les économistes également abondent dans ce sens en relevant toutefois le dilemme qui longtemps hantait les autorités fédérales car les étudiants étrangers sont au compte du contribuable suisse qui débourse annuellement de 500 à 1 million de francs pour la formation de tous les étudiants y compris des étrangers. Et ne pas pouvoir tirer profit de ces têtes pensantes serait un gâchis. Par conséquent, cette loi, au delà de son caractère apparemment socialiste est aussi purement capitaliste
Bien évidemment cette loi a été sujette à un referendum le 07 Octobre dernier, et apparemment elle semble avoir été abrogée par le conseil national. Au plan européen, l’UE prévoit l’octroi d’une carte dite « carte bleue » destinée à séduire les matières grises des tiers états en facilitant leur séjour et leur insertion socioprofessionnels sur le sol européen. Faut croire que les pays tiers le sont doublement ; après l’appropriation et l’exploitation de leurs matières premières, vient le tour de l’exploitation des têtes pleines ; les cerveaux vides sont mieux là où ils sont, c’est-à-dire dans le 1/3 que les autres voudront bien leurs laisser.

Maintenant, le travail supplémentaire à fournir sera d’informer les agences de placements, puisque dans l’ancien système, mêmes ces AFP étaient réticentes à sélectionner la candidature d’un étranger pour la soumettre aux entreprises tant les dossiers administratifs étaient longs et ardus. Pour se faciliter la tache, elles écartaient volontairement les dossiers à problèmes tels que ceux des étudiants étrangers diplômés. Une étape à été franchie (l’existence d’une loi dorénavant qui donne les mêmes chances à tous) une autre devra être entamée par une large campagne de communication afin que chacun de nous sache ses devoirs, mais également ses droits dans ce pays qu’on souhaite laïc, respectant les droits de la personne et finalement moderne avançant au rythme du monde.
par Apsa

Actualité

Cachez ce pauvre que je ne saurais voir!

En Suisse, s’il y a un sujet plus tabou que le salaire d’un patron, c’est bien la pauvreté. On atteint alors les sommets du politiquement incorrect quand on la voit progresser. C’est ce regard qu’a décidé de porter « Si Jamais », l’exposition sur l’aide sociale en Suisse, réalisée par le CSIAS et enrichie par le service social de la ville de Lausanne.

La pauvreté peut s’aborder sous bien des angles. Le premier qui s’offre à nous, en arrivant aux alentours de l’exposition, est celui des chiffres. Des petites vignettes collées au sol et foulées par les passants nous renseignent de ces réalités numéraires: 3,4 milliards de francs, le coût annuel de l’aide sociale; 2/3 des bénéficiaires de l’aide sociale vivent dans une ville de plus de 10’000 habitants; 3,1% de la population est au bénéfice de l’aide sociale. Une réalité peut-être morne, qui laisse difficilement apparaître l’humain derrière les statistiques. Car d’individus, là est la question. Ce n’est qu’en entrant sur le site proprement dit de l’exposition qu’on commence à envisager les trajectoires humaines qui découlent de ces chiffres.

En effet, l’exposition « Si Jamais » se tient sur deux plans relativement différents. D’une part, le projet originel de la Conférence Suisse des Institutions d’Aide Sociale (CSIAS), qui présente un panorama plutôt exhaustif des données relatives à l’aide sociale allant des différences intercantonales en la matière jusqu’à la mise à disposition d’un logiciel nous permettant de faire une projection de notre budget si nous devions avoir recours à cette aide. D’autre part, la ville de Lausanne et son service social se sont donnés pour mission d’enrichir l’exposition du CSIAS par les informations spécifiques à la ville. Cette contribution met l’individu au centre de la question de la pauvreté, notamment par l’émouvante contribution de Jonathan Rochat et du photographe Hugues Siegenthaler à travers une présentation en mots et en images de bénéficiaires de l’aide sociale. Ils (se) racontent leur vie, le puissant engrenage dans lequel on peut se trouver entrainé quand le lien social se fait plus ténu. Ils parlent aussi de leurs perspectives, et c’est bien le plus dur quand on vit dans le dénuement.

Le point fort de cette exposition se retrouve dans la volonté de donner des chiffres sérieux sur la pauvreté. Bien loin des débats de comptoirs, certaines données permettent de tordre le cou à des idées aussi tenaces qu’erronées (par exemple: 1/3 seulement des personnes soutenues par l’aide sociale sont sans emploi) ou de prendre conscience de ces réalités qui ne s’offrent pas naturellement à nos yeux, comme le déplacement des personnes pauvres dans les centres urbains, par souci d’anonymat peut-être. Autre chiffre intéressant: « plus de 50% des personnes qui auraient droit à l’aide sociale n’y recourent pas », nous dit le journal de présentation de l’exposition. Les motifs peuvent paraître flous, mais l’envie de ne dépendre de personne et la honte que de recourir à une aide étatique n’y sont assurément pas étrangères.

Saluons l’initiative de ce projet ambitieux qu’est celui de vouloir présenter la pauvreté sous son jour le plus objectif, à l’antithèse des argumentaires tendancieux de certains de nos politiques. Espérons que la question de la pauvreté cesse d’être ce tabou national qui empêche tout raisonnement et qui nous conforte dans un immobilisme face à un sujet en expansion. Votons, car l’austérité sociale progressive à laquelle nos institutions se voient sujettes se doit d’être combattue! 
MAG