M comme moins cher!

Créé en 1925 par Gottlieb Duttweiler sous la forme d’une Société Anonyme, la Migros voulait alors proposer aux consommateurs des produits de première nécessité, au prix de gros, en supprimant les intermédiaires. Par la suite, plusieurs magasins fixes furent ouverts sous la forme de coopérative. Ce n’est cependant que le 15 mars 1948 que le premier magasin libre-service de Suisse vit le jour à Zürich. Encore une brillante idée de Duttweiler, s’étant inspiré du modèle Américain.
À partir de là, la machine Migros sera lancée et l’entreprise ne cessera de grandir. Après la création de stations essence, des restaurants, la fondation des écoles-clubs, le rachat de plusieurs autres groupes comme Globus et Denner, ainsi que la fondation d’une Fédération des coopératives Migros, le Géant Orange s’impose aujourd’hui comme la plus grande entreprise de distribution de Suisse.
On comprend donc qu’au fondement même de la coopérative, se trouvait une volonté de proposer des produits du quotidien à des prix largement inférieurs à la moyenne. Mais qu’est-il advenu du principe de base ayant poussé son fondateur à créer la Migros? Sa politique de prix est-elle toujours fidèle au Leitmotiv de ses débuts? Tels sont les points que Larticle.ch a voulu éclaircir avec le directeur de la région Neuchâtel-Fribourg.
Né à La-Chaux-de-Fonds, Fabrice Zumbrunnen a suivi des études en Science économique et sociale à l’Université de Neuchâtel. Bien qu’il ne se soit jamais imaginé faire carrière, il est depuis 2005, Directeur régional à la Migros. Malgré cela, c’est en tant que gérant au sein de la Coop qu’il commença à faire ses armes, un hasard non calculé. Par la suite, il travailla quelques temps dans le domaine médical, pour finalement revenir dans le monde de la distribution, en occupant plusieurs postes chez le Numéro 1 Suisse du domaine.
Bien qu’il ait sans doute un emploi du temps très chargé, c’est avec sympathie qu’il a accepté de répondre à nos questions, afin de faire le point sur la politique de prix exercée par la Migros. Petit compte rendu de notre entretien :
Monsieur Zumbrunnen, en tant qu’ancien Chef du département marketing de la Migros, pouvez-vous nous dire d’où vient l’idée du lutin qui fait faire les économies? Ainsi que l’esprit ludique que l’on retrouve dans toutes vos publicités?
M.Z.: Migros essai d’avoir une publicité un peu décalée. C’est un peu notre marque de fabrique. Il faut dire qu’on a cette image de grande entreprise et on aime bien jouer avec cette image par différents personnages ou par un encrage dans la vie quotidienne. Communiquer sur le prix est quelque-chose de fondamentalement ennuyeux. Il nous est donc venu l’idée de travailler avec un personnage. A la base il fallait avoir un élément décalé avec un personnage qui ne soit par réel et qui ait ce côté un peu dérangeant, qui vient remettre l’esprit des managers à l’ordre.
Depuis décembre 2010, vous annoncez une baisse de prix durable sur 2’247 produits, est-ce une volonté de répondre à un besoin des consommateurs? Ou est-ce que c’est un projet de longue date qui attendait de pouvoir se réaliser?
M.Z.: Migros a toujours eu dans ses principes d’avoir le meilleur rapport qualité/prix possible. Il se trouve qu’avec la modification du paysage concurrentiel, le rapport qualité/prix s’est transformé en une quasi obsession pour le prix. Parallèlement, nous sommes la dernière entreprise du commerce de détail au monde, à abandonner l’étiquetage des prix sur les produits et ceci amène des économies qui, pour une entreprise comme la nôtre, se chiffrent en millions et en dizaine de millions. On avait fait une promesse à nos clients, à savoir que le jour où on abandonnerai cela, on leur redistribuerai les gains, d’où cette campagne de prix qui coïncide. Il y avait donc une volonté de dire qu’on tenait nos promesses.
Est-ce que dans les 2’247 produits annoncés il y a des produits dont le prix baisse chaque année? Ou est-ce que ces diminutions là ne sont pas prises en compte?
M.Z.: D’une manière générale, nos prix ont chaque année baissé. Cela peut être lié à plusieurs éléments dont : les conditions d’achat, la concurrence qu’il peut y avoir entre les fournisseurs, à la force du franc suisse et notamment à une amélioration de la productivité à tous les étages. Toutes les entreprises : fournisseurs, logistiques ainsi que nos magasins, améliorent leur productivité pour proposer des prix plus bas. Dans le budget des ménages, les dépenses alimentaires comptent largement pour moins de 10% , ce qui place la Suisse dans le peloton de tête des pays pour lesquels la nourriture n’est pas un problème. Maintenant, quasiment tous les articles, sur une durée de 5 ans – ces 2’247, mais aussi les autres – ont certainement baissé.
Monsieur Hauser [1] a déclaré que la répercussion de la baisse des coûts de production (dans le cas de produit M-budget) ne pouvait pas s’effectuer sur chaque  produit, mais qu’un choix avait été opéré parmi ces derniers, pouvez-vous nous expliquer de quel manière vous choisissez dans de tels cas?
M.Z.: On ne fait pas les choses de manière linéaire. Prenons un exemple avec le chocolat : si vous baissez vos coûts de production du chocolat et que vous vous rendez compte que vous pourriez baisser linéairement de 2% le prix de vos produits, plutôt que de baisser de 2% sur toute la gamme, on va essayer de se concentrer sur les produits qui ont l’impact le plus grand sur les consommateurs. Après, il y a aussi ce que fait la concurrence ; s’il y a une guerre des prix dans le chocolat noir, si c’était l’article de bataille, on serait certainement beaucoup plus axés là-dessus.
On a pu remarquer que la Coop avait baissé plusieurs de ses prix, alors est-ce que ces réactions ne sont pas aussi le résultat de la présence de hard discounter comme Aldi et Lidl qui s’imposent de plus en plus?
M.Z.: Oui et non. Oui, dans le sens que la sensibilité-prix a augmenté de manière indéniable. Ce n’est pas que depuis l’arrivée des hard discounter. Depuis un certain nombre d’années  et pas que dans la distribution, il y a un esprit du temps qui fait que le prix devient un facteur très important. Derrière ces baisses de prix chez les deux principaux distributeurs, il y a davantage qu’une réaction face aux hard discounter, une guerre entre ces deux distributeurs. Parce qu’aujourd’hui, les hard discounter ont peut-être de l’ordre de 2% de part de marché, on ne peut donc pas parler d’éléments significatifs. Lorsque l’on compare les prix qu’ils pratiquent en Suisse, avec ceux que les mêmes enseignes pratiquent à l’étranger, on se rend compte qu’il y a environ 30% d’écart de prix, parce que nous avons un protectionnisme des marchés agricoles qui est énorme et qu’ils doivent travailler avec les mêmes conditions cadre que nous. C’est pour cette raison qu’ils n’arrivent pas à creuser l’écart en matière de prix par rapport à Migros ou Coop, réalité que beaucoup ont de la peine à admettre.
Finalement, en exclusivité pour Larticle.ch, est-ce que vous pourriez nous en dire un peu plus sur le prochain grand événement prévu par la Migros?
M.Z.: (rire) Je ne divulgue jamais rien car on essaie de donner les exclusivités à nos clients. Ce que je peux vous dire, c’est que Migros continue de travailler sur les différents axes qui ont toujours été les siens. La campagne de prix est principalement lié à un événement (ndlr : l’abandon de l’étiquetage des prix sur les produits). Pour Migros, le fait d’être le meilleur marché et d’offrir le meilleur rapport qualité/prix fait partie de sa raison d’être, de son ADN, donc pour nous c’est une sorte d’obligation permanente. Parallèlement, on continue de travailler sur tous les autres thèmes qui nous sont chers comme le développement durable, le fait d’offrir de nombreux articles, le fait d’avoir des conditions de production sociale exemplaires et le fait de continuer d’investir dans la culture et dans la société en général.
AST
1. Président de l’administration de la Fédération des coopératives Migros.

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