Né à Todmorden, en Angleterre, le mouvement «Incroyables comestibles» ne finit pas de se répandre en Europe et même en Suisse! De Lausanne jusqu’au Locles, en passant par Yverdon et Morges, il est venu semer ses graines en Suisse romande jusqu’aux rives du Lac de Neuchâtel. En quoi consiste ce mouvement et que représente-t-il aux yeux des habitants de la région ? Est-il reconnu par les autorités locales ? Rencontre avec Thérèse Schwab, enseignante retraitée vivant à St-Blaise et l’une des membres active de cet élan local.
C’est quoi être Incroyables comestibles ?
Le projet est née à Todmorden, une petite ville non-loin de Manchester, c’est de là qu’est partie l’idée de viser l’autonomie alimentaire. Le principe est simple : trouver un espace publique inexploité (terrasse, balcon, terrains vague, etc.) et le transformer en jardin potager où tout le monde peut apporter son coup de main et même se servir lors des récoltes. Ce mouvement a pris une ampleur telle, que la petite bourgade en est venue à organiser un festival annuel des Incroyables comestibles. L’engouement s’est répandu en Europe particulièrement en France et a atteint la petite agglomération de St-Blaise, au bord du lac de Neuchâtel.
Les débuts à St-Blaise : de l’intérêt au concret
«J’ai toujours essayé de sensibiliser mes élèves à la nature par la création d’un petit parcours à travers le village notant les buissons indigènes accueillant les oiseaux.» témoigne Thérèse Schwab, enseignante retraitée et pratiquant durant son temps libre, la poterie dans un atelier non loin de chez elle.
L’idée s’est principalement développée en 2014 dans le Réseau Solidarité, un mouvement protestant dont elle fait partie. Objectif: un projet alternatif à la société économique actuelle. Très vite, un petit groupe de la paroisse a décidé de prendre les choses en main en créant une association : L’Atelier du Ruau, un espace d’expression collectif. «Nous avons loué un local au dessus de mon atelier de poterie où nous organisons nos réunions, des cours de cuisines bio et également des workshop pour s’initier à la permaculture».
Une aspiration à partager
Le mouvement est aujourd’hui très fortement influencé par ce qui se fait en ce moment au niveau cinématographique avec des films comme « En quête de sens » ou « Demain ». «Notre but est de créer des liens et des occasions de partages, un peu à l’image du Colibri, mouvement lancé par Pierre Rhabi, écrivain et penseur d’origine algérienne très engagé dans l’agriculture écologique». L’anecdote accompagnatrice du mouvement illustre bien les propos à ce sujet : c’est l’histoire d’un petit colibri qui, suite à un incendie dans la jungle, s’affaire à jeter de l’eau d’un ruisseau non loin de là sur les flammes. Les autres animaux le regardent, stupéfaits, et lui font remarquer que son effort est vain. Le colibri leur répond : «oui je sais mais je fais ma part du boulot».
C’est dans cet esprit là que Thérèse Schwab se garde bien de rester terre à terre : «Nous nous considérons plutôt comme des apprentis et non des professionnels ; c’est pourquoi il arrive souvent que l’on demande conseil à des connaisseurs dans le domaine de l’agriculture biologique». Les valeurs demeurent cependant bien strictes : «Nous utilisons également les graines de paysans du coin car la plupart des semis que l’on trouve dans le marché sont traités et l’on ne peut plus les multiplier soi-même. De cette manière, nous privilégions les petits exploitants plutôt que les mains mises des grands géants de l’économie ».
Les réactions face aux autorités communales
«Nos relations avec la commune sont en ce moment en suspens, avoue Thérèse Schwab, mais il faut savoir que la philosophie des incroyables comestibles est de faire tâche». Même si le principe semble être idéal, Thérèse Schwab relativise la portée du projet, en particulier dans un cadre comme la Suisse : «Le mouvement partis de Todmoren s’est bien marié aux autorités dans un contexte de crise économique. Là pour le moment, ça ne fait pas très sens auprès des autorités de la commune car le contexte est différent. Elles sont plutôt axées en ce moment sur la question de fusion des communes de l’Entre-Deux-Lac. Les habitants s’intéressent beaucoup à ce que l’on fait mais ne sont pas forcément intéressés à y participer plus activement. Il faut savoir que ce mouvement marche peut-être mieux dans les cadres d’urbanisation où la végétation est déjà plus rare que dans les villages». Même si la portée du projet reste à petite échelle dans le cadre de St-Blaise, l’envie de partager reste bien présente et Thérèse Schwab ne perd pas espoir. «Nous continuons de partager notre amour de la terre avec les gens qui sont reliés par la même flamme. A l’atelier du Ruau, ruelle des Voûtes, nous organisons de nombreuses activités ouvertes à tous. Nous espérons faire germer des idées un peu plus loin.»
Pour les légumes, il faudra attendre le passage des Saints de glaces. En attendant, les courges et autres légumes et fruits qui seront mis à disposition devant l’Atelier du Ruau l’été prochain, les jardins de la commune de St-Blaise demeurent un merveilleux coin pour tous promeneurs qui venaient à passer par là.
Pour en savoir plus :
Simon Zulauf