À Sion, en août 2015, un nouveau concept d’école est apparu. Pour la première fois en Suisse francophone, les cours se déroulent en plein air, dans la nature. Comment cela se passe-t-il alors que l’hiver est là et que les températures ont nettement baissé?
Au milieu des pives, des branches, de la neige, des cailloux et des animaux, une dizaine d’enfants jouent les lundi, mardi et jeudi. La journée commence avec un bonjour en chanson. Puis, on s’amuse à calculer le nombre de personnes ainsi que les parties du corps : « Si on est 8 personnes, alors il y a 16 mains ! ». Les jours et les dates sont ensuite abordés grâce au calendrier, suivis de la chanson avec les gestes. Celle-ci sera très vite interrompue par la venue d’un écureuil qui capte l’attention des enfants et les pousse à lui courir après. Certains grimpent à l’arbre, d’autres l’observent avec des jumelles. À l’heure du goûter, vers 10 heures, on discute de ce qu’on a appris ces derniers temps, des animaux qu’on a vus, etc. Dès que tout le monde a fini, on recopie un plan de la forêt afin de réaliser prochainement une chasse au trésor. Chacun s’applique à recopier les différents éléments de leur environnement et on entraîne l’écriture en légendant certains points. Pour finir la matinée, chacun peut faire ce qu’il souhaite. Quelques-uns optent pour la construction de figurines en argile. À midi, on sort son pique-nique et tout le monde mange assis par terre. La fin de la journée approche et c’est séance exploration. Il ne reste que le temps de lire une petite histoire sur une nappe posée à même le sol et c’est déjà l’heure de rentrer chez soi.
Voici une journée ordinaire dans cette école pas si ordinaire puisqu’elle se déroule en plein air. Isaline Pilet, enseignante, accueille dans sa classe des élèves de première et deuxième enfantine, trois journées par semaine entre 9h et 14h. En été, ils louent une roulotte à côté d’un jardin potager. Mais maintenant que les températures sont descendues, les jeunes écoliers occupent un local où se trouve tout le nécessaire: matériel pour écrire, tableau noir, jeux, piano, etc. Cependant, la majeure partie des cours se déroule en extérieur, sur un grand terrain parsemé d’arbres. Chaque début de journée, les enfants arrivent équipés : combinaison de ski ou pantalon de pluie, bonnet, gants et bonnes chaussures. Objectif : passer un maximum de temps dans la nature. Ils restent, en moyenne, deux tiers du temps à l’extérieur, un quota qui varie suivant la météo : « Le principal problème pour travailler dehors, c’est l’humidité, car on ne peut pas utiliser les cahiers et certains matériels. Le froid nous permet de faire des activités en mouvement donc il est moins gênant. », explique Isaline Pilet.
Ce concept d’école en plein air est novateur en Suisse romande, mais il existe déjà depuis quelques temps en Suisse alémanique et vient, à l’origine, des pays du Nord. Isaline Pilet a travaillé dans une autre classe, à Fribourg, dont le principe était le même, avant de se rendre en Valais. C’est un projet qui lui tient à cœur : l’association Educaterre, dont elle fait partie, a travaillé deux ans sur cette idée avant d’ouvrir la classe en août 2015. Un nouveau type d’école qui possède plusieurs avantages selon elle : « À l’extérieur, il y a un peu pour tous les goûts, pour toutes les motivations. Certains enfants vont aller creuser, observer des choses très pointues, se rappeler de noms très difficiles. D’autres utiliseront l’espace au niveau de leur corps. Tout est possible! Les enfants sont dans un vrai contexte, ils aimeraient comprendre ce qu’ils ont vu, donc ils vont aller chercher dans un livre. Par ailleurs, le fait qu’il y ait peu d’élèves permet d’aller au rythme de l’enfant. On laisse autant de place à la créativité, qu’au corporel, qu’à l’affectif et qu’à l’intellect. On essaie d’utiliser principalement les projets et les motivations de chacun. Les élèves sont beaucoup plus acteurs de ce qu’ils font, et du coup les apprentissages se fixent mieux si c’est eux qui ont envie de le faire. »
C’est d’ailleurs pour ces raisons que les parents des élèves ont choisi cette option : « Dès le début, nous cherchions quelque chose d’un peu différent, mais il n’y avait pas grand chose dans la région. Les gens autour de nous savaient que nous sommes proches de la nature, et intéressés par d’autres approches d’éducation pédagogique, donc quand l’information est parue dans le journal, pleins de gens nous ont passé l’info. », explique Catherine Pittier, maman d’un des élèves. Pour elle, les atouts de ce nouveau concept, c’est « le côté d’être à l’extérieur, la manière de faire d’Isaline : dans le calme, dans l’écoute, au rythme de l’enfant, de prendre le temps et de ne pas se laisser happer par un programme. »
Quant au prix, il est de 385 francs pour les premières années et de 530 francs pour les deuxièmes qui viennent un jour de plus. Cependant, ces tarifs varieront peut-être l’année prochaine puisqu’ils dépendent du loyer du local. Cette école privée est donc légèrement plus chère que l’école publique gratuite, subventionnée par l’état.
Un projet prometteur, reste à voir si la réintégration de ces enfants au cursus scolaire public sera aisée. Isaline n’est pas inquiète à ce sujet : « les enfants s’adaptent facilement ». De plus, le plan d’étude romand est respecté.
Géraldine Overney