Les attentats de Paris du 13 novembre dernier ont suscité foule de questions et réactions. La MAPS (maison d’analyse des processus sociaux) de l’université de Neuchâtel a organisé une discussion publique le 24 novembre. Objectif : réfléchir, partager et discuter de cette actualité.
Photo : source: Guillaume Perret
Archéologie, ethnologie, géographie, histoire, linguistique, psychologie, éducation et économie ; toutes ces disciplines se sont retrouvées dans une salle remplie d’étudiants et professeurs, tous concernés par les événements. Janine Dahinden, coordinatrice de la MAPS, et cinq autres collaborateurs de l’université de Neuchâtel jouent les médiateurs. Objectif de la séance ; réfléchir aux contributions que peuvent effectuer les sciences humaines et sociales aux questions soulevées par les actions du 13 novembre, porter un regard sur ces événements à travers les lunettes de sa spécialité.
De l’importance des lieux à celle des émotions
Les lunettes d’Ola Söderstorm scrutent les endroits et les localités, forcément. Le professeur de géographie humaine et culturelle insiste sur l’importance des lieux ainsi que des liens entre ceux-ci. En particulier, il s’intéresse à Molenbeek-Saint-Jean, en Belgique, où vivait Salem Abdeslam, l’un des responsables des attaques. Le fait qu’il s’agit d’une commune avec un fort taux de chômage ne suffit pas à expliquer la vulnérabilité du jeune homme devenu terroriste, il faut chercher plus loin. Les liens entre Molenbeek et la Syrie islamiste sont non négligeables car, les recrutements de djihadistes ne se font presque plus dans les mosquées, mais via les réseaux sociaux et les publicités générées par ceux-ci.
Christin Achermann est anthropologue sociale et professeure en études de migrations. Son message du jour : Prenons du recul et essayer d’analyser la situation plutôt que d’être guidés par nos seules émotions. Les attentats de New York de septembre 2001, mais aussi ceux de Madrid en 2004 et de Londres en 2005 peuvent tous être mis en relation avec ceux de 2015. Un amalgame s’est constitué entre la sécurité et la migration. Un climat d’insécurité et de peur a commencé à se diffuser, mais de manière très floue. Il y a deux grandes sources de malaise en Europe qui sont d’une part ces attentats et d’autre part la crise migratoire. Tous deux, bien qu’étant différents, sont souvent liés ensemble par la presse et les politiciens. Mais les émotions sont là, accompagnées par la peur, rappelle Tania Zittoun, professeure de psychologie et éducation. La forme la plus extrême de la peur est la terreur et cette dernière est justement le but recherché par le terror-isme. Il faut rester attentif aux décisions prisent en matière de politique qui sont basées sur ces émotions et non pas sur des faits.
La naissance de l’Etat Islamique
Cette actualité soulève plusieurs questions, dont celle de la naissance du groupe Etat islamique (EI) créé en 2004 en réaction à la guerre d’Irak menée par les Etats Unis. Comment, dix ans plus tard, une personne née en Europe peut-elle être amenée à haïr la société où elle a grandi et être recrutée par l’EI ? se demande Francesco Garufo, maître assistant en histoire contemporaine. Les responsabilités et les intérêts des pays occidentaux sont à interroger ainsi que la notion de communautarisme, associée aux thèmes de la sécurité et des migrations. Aujourd’hui plus que jamais, le multiculturalisme en Europe et l’intégration sociale sont remis en question. De quoi interroger la politique d’intégration en Europe qui, selon certains, a échoué, alors que pour d’autres, doit plutôt subir une modification en misant sur une politique sociale d’inclusion.
Quelle guerre ?
Des enfants meurent tous les jours sous les bombardements en Syrie et ce n’est que quand la ville de Paris est touchée, que toute la communauté internationale se mobilise. Et voilà que tous les médias répètent les termes de François Hollande : la France est en guerre. Un mot employé de façon excessive et inadéquate, selon Peter Schnyder, professeur de littérature allemande moderne. Parmi les pistes de réflexion encore proposées durant cette réunion : les manières de prévenir le terrorisme, le rôle de l’éducation, ou encore l’islam, cette vaste croyance dont même la majorité des musulmans n’en connaissent qu’une infime partie. De la matière de réflexion il en reste ; de quoi décider d’organiser un second forum dans les semaines à venir avec la présence de plus d’experts.
Seka