Les contes aussi semblent à la mode. Le septième art les ramène à la vie les uns après les autres, pour le plaisir des petits mais des grands aussi. Peter, Alice, Oz et les autres, une affaire d’enfance ? Infantile que de les ressortir du fond de l’armoire, la maturité et l’expérience en poche ? Découverte.
Photo : WALKER Tim, Story Teller, London (UK) : Thames & Hudson, 2012.
Tim Walker détonne dans un milieu aujourd’hui bien terre-à-terre même si l’inventivité n’y est pas en reste. Le photographe de mode britannique peut en effet faire sourire. En comparaison à Helmut Newton, bien enraciné dans l’âge adulte, si bien que sa fantaisie se résumait à la nudité et osons le dire, à la pornographie, il a l’âme d’un enfant. Sa fantaisie ? Un avion fait de baguettes de pain. Aucune retouche image, une lumière naturelle et un décor bien réel. Dans sa photographie, tout doit avoir eu lieu, tout doit exister. Il ne triche pas. On le croit naïf, perdu dans l’ère du digital et du consumérisme. Bien loin d’être infantile, Tim Walker déplore l’évolution de la société actuelle qui en oublie même le sens de l’émerveillement, pour ne citer que celui-là. C’est pourquoi il reconfigure la forme et retourne à l’état d’innocence. Et non, il ne voit pas pour autant la vie en rose.
La lumière sans l’obscurité, et vice-versa, est inconcevable à ses yeux. Il s’inspire d’ailleurs de leur parfaite balance auprès d’Arthur Rackham, illustrateur au travail sinistre. Lisse en apparence peut-être, le conte de fée ne peut provoquer d’impact émotionnel que si une qualité plus obscure y est perceptible. Une leçon tirée des fables troublantes de Hans Christian Andersen. Cette noirceur, le photographe la doit aussi à son attirance pour l’image du poète mourant et du concept de « gothic-ness » et tout ce qu’il implique. L’authenticité et la beauté authentique sont ses deux centres d’intérêts. Ce qui est inhabituel est beau, pour ainsi dire. On le croit romantique, le dernier à l’affiche à vrai dire, dépassé par cette société au rythme de consommation effréné. Stefano Tonchi, éditeur du magazine W, soulève par ailleurs qu’il n’est pas « le genre de gars que tu peux appeler et à qui tu peux dire : j’ai 12 robes blanches. Peux-tu les shooter sur un fond blanc ? ».
Tim Walker avoue ne jamais avoir réellement aimé la mode mais plutôt les gens. Le portrait est pourtant sa bête noire. Il dit par ailleurs « se retirer » et laisser son sujet prendre les commandes lors de la prise de vue. Il fait confiance, parce que lui aussi, même caché derrière son Pentax 67, s’expose à la vulnérabilité. Chaque histoire qu’il raconte, chaque photographie qu’il réalise, fait partie d’un processus d’introspection dont il est l’objet. Pur hasard si le recueil de ses œuvres s’intitule “Story Teller“ ?
C.
Site du photographe : http://timwalkerphotography.com