La fièvre de l’or dévore plus d’un homme. L’obsession du minerai tue les familles. La recherche de richesses change le paysage. Ces trois phrases résument L’Or de Blaise Cendrars. Le lecteur y plonge dans un temps où la Californie était l’eldorado. Il découvre ce qui se cache derrière l’ambition d’un homme : Johann August Suter.
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L’histoire de ce roman ressemble à celle des émigrés. Ces hommes qui espèrent le bonheur ailleurs. Ces femmes qui fuient un pays pour réaliser leurs rêves. Ces humains qui poursuivent un idéal comme des entêtés. Rien ne les arrête. Ils ignorent parfois ce qui les attend. Ils ont une idée précise en tête et la suivent. Ils recherchent souvent un travail pour nourrir leurs familles. Ils souhaitent notamment construire une vie plus digne et plus libre pour leurs enfants. Tous les métiers sont concernés. Ils partent d’un pays où la misère affole. Ils s’enfuient d’une nation où la pression est trop grande. Le chômage les pousse à tenter une chance autre part. Le rythme de vie effréné les épuise et ils s’imaginent plus sereins loin de la routine du bureau.
Aujourd’hui, l’histoire du général Suter fait réfléchir. Elle pourrait être celle d’un Espagnol fuyant la crise nationale, celle d’un Suisse cherchant des terres pour bâtir une ferme ou celle d’un Français rêvant d’un restaurant en bordure d’océan. Blaise Cendrars, l’avide voyageur et écrivain suisse, raconte l’histoire d’un homme qui découvre des terres immaculées et décide de les cultiver pour créer la Nouvelle-Helvétie. Ce qui ressemble beaucoup aux destins des colons suisses ayant fuit pour cultiver des champs qu’ils avaient perdus dans notre pays. L’Argentine accueille de nos jours, par exemple, de nombreux émigrés européens et pas seulement des anciens nazis.
Revenons au récit de L’Or. Suter abandonne toute sa famille pour construire petit à petit un empire de l’autre côté du monde : des champs, des scieries, des vignobles, des élevages de bétails, etc. Il est un colonisateur. C’est est un peu d’Histoire. C’est surtout une fiction qui se déroule au 19ème siècle. Elle est construite pour passer des éclats aux cendres d’un homme dont le succès grandit avant de dépérir. Nous y parcourons les longues nuits d’insomnies sur les navires pour rejoindre la Californie. À l’époque, le voyage n’était pas une affaire facile. Les maladies tuaient plus que les accidents. Suter parvient à construire une entreprise très rentable. Il devient l’un des hommes les plus riches du monde. C’est encore un paradis. Soudain, la première pépite d’or apparaît sur le territoire de Suter. C’est un employé qui la découvre.
« Mais ce qui intéresse avant tout Suter dans ce trafic, c’est la parole vivante des voyageurs qui montent et descendent les rivières. Sa maison est ouverte à tous et sa table toujours mise. Une barque armée, montée d’escalves noirs, arraisonne les bateaux qui passent et les mène à l’estacade. L’accueil est tel que la maison ne désemplit pas ; aventuriers, colons, trappeurs qui descendent chargés de butins ou misérables, tous également heureux de se refaire là et de se remettre des fatigues de la brousse et des prairies ; chercheurs de fortune, casse-cou, têtes brûlées qui remontent la fièvre aux yeux, mystérieux, secrets. »
Cet événement apparaît comme un levier qui précipite les bonnes affaires de Suter en enfer. Du jour au lendemain, la rumeur de la découverte de l’or se propage comme une peste. D’abord en Californie et puis l’information gagne le monde entier. Les premiers hommes affluent en masses sur les terres de Suter. Ce dernier les accueille dans sa ferme de bon coeur tant qu’il peut. Puis, ils deviennent trop nombreux à saccager l’eldorado. Toutes les terres de Suter sont détruites par des villages improvisés. Des villes se construisent. San Francisco s’érige dans ce qui était jusqu’à là un territoire aride.
Ensuite une ligne de chemin de fer est construite de la côte est à la côte ouest américaine. Les chercheurs d’or viennent de plus en plus nombreux. Heureusement pour Suter, ils dépendent encore des vivres et des matières premières qu’il produit dans son entreprise. Il s’enrichit. Mais l’alcool, produit par des concurrents, fait des dégâts innommables. Sa femme le rejoint. Ses enfants s’installent dans deux autres fermes. L’affaire de famille fonctionne à merveille. Enfin, les hommes deviennent trop nombreux. La vie change. Les humains se déshumanisent. Le commerce devient illégal. Que peut faire Suter ?
A.W.