Le violon du fou

La folie est un conte fantastique sous la plume de Selma Lagerlöf. Dans Le Violon Du Fou, elle écrit les errances d’un homme mis en marge par les gens du 19ème siècle. Mais la première femme à avoir remporté le Prix Nobel de littérature tente surtout de faire revenir un fou à la raison grâce à un amour d’enfance.

Photo : Web

Il déambule sur le trottoir. La tête à des années lumières de la route qu’il traverse et le regard perdu dans le vide. Est-il fou ? Le note-t-on ? Au temps des burnouts et des pressions professionnelles certains plongent dans une forme d’isolement que les uns appellent folie et que les autres nomment problèmes mentaux. Les plus radicaux diront que c’est la connerie humaine qui les oppresse et leur fait perdre la tête. C’est peut-être vrai ou tout faux. Voilà ce que pourrait essayer de comprendre Selma Lagerlöf dans Le Violon du Fou.

Et ce fut ce qui arriva : à chaque morceau qu’il jouait, le voile d’obscurité se retirait un peu. Le violon le mena à travers les années, le réveilla au souvenir des études, des amis, des journées de vacances.

 

Le récit se déroule dans la province du Värmland où a habité Selma Lagerlöf. Ce n’est pas seulement le paysage qui est à l’honneur mais bien plus la psychologie d’un homme bien éduqué perdant la tête. La retrouvera-t-il ? Peut-être qu’il oubliera même ses gammes de violons.

Gunnar Hede commence à peine des études et le violon l’intéresse par dessus tout. Son ami Ålin le met en garde : son instrument est aussi un danger. Les affaires de la famille du jeune étudiant connaissent une chute terrible. Il se croit riche. Mais il n’a plus un sou. Il doit dès lors apprendre à travailler d’arrache-pied pour réussir et essayer de relancer ainsi le domaine familial.

Dès cet instant, Gunnar Hede promet de retrouver la raison dans le but de relever le domaine familial en l’enrichissant à nouveau. Une femme l’aidera. Même s’il ne reste plus de fer dans les mines. Il découvre ensuite que son jeu de violon charme au point de faire danser l’assistance, sans raison. Bientôt, le jeune homme croise la route d’artistes vagabonds. Dans la bande, une jeune fille, Ingrid, s’occupe d’un vieil homme également violoniste. Celui-ci découvre le talent de Gunnar Hede qui se perdra plus tard dans la folie.

Qui sort droit d’une tombe brasse des pensées douces et lumineuses à l’égard de tout ce qui vit et bouge à la surface de la terre.

Gunnar Hede perd par la suite ses habits de « gosse de riche » et la folie le revêt de tissus quelconques. Il erre en vendant des objets sans valeur à la recherche de ce qu’il ignore. Jusqu’au jour où il ressuscite une femme au son du violon. Cet événement changera sa manière d’appréhender la vie et les relations.

Peu de temps après, la ressuscitée réalise que l’homme qui l’a sorti de sa tombe n’est autre que le jeune étudiant ayant joué en compagnie de son grand-père. Elle n’était qu’une enfant lorsqu’elle accompagnait la roulotte des saltimbanques de la famille Blumgren. Elle le cherche, enquête et souhaite lui faire retrouver raison avec détermination.

Un moment, il demeura sans respirer. L’obscurité venait vers lui tel un sauveur invoqué. Elle arrivait vers lui, enveloppant tout comme un brouillard. Un petit sourire s’inscrivit sur ses lèvres. Il sentait ses propres traits se relâcher, il sentait son regard redevenir celui de l’homme fou.

La plume de Selma Lagerlöf écrit donc les moments fous et lucides de Gunnar Hede. Cette écriture la distingue d’autres écrivains puisqu’elle perd le lecteur avant de le retrouver. Elle le pousse à réfléchir pour deviner quand son personnage est embrouillé et le moment où il retrouve ses esprits.

À la fois candide et sombre, elle donne un aperçu de la folie sans devenir moralisatrice. Elle ajoute enfin des éléments fantastiques au récit qui n’est qu’un long conte. La romancière suédoise suppose une chose: avoir voulu comprendre, par l’imagination, ce qui pousse tellement de gens vers une forme de folie ou l’autre.

A.W. 

Selma Lagerlöf, Le Violon du fou, Babel, Actes Sud, 2001 ; 150 p.

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