Le sujet de l’abolition de la prostitution est un vaste débat qui connaît de grandes différences d’opinions et qui touche à de nombreux domaines. Certains pays d’Europe ont décidé de prohiber le marché du sexe, d’autres de mettre en place une réglementation.
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Actuellement, en Europe la question de la prostitution est traitée de nombreuses manières différentes. En Suisse, la prostitution est légale depuis 1942, mais chaque canton a ses propres lois. L’idée de l’abolition du marché du sexe se pose et engendre de grands débats. Les façons de procéder face au sujet peuvent être multiples. Certains pensent qu’il faut interdire le travail du sexe, d’autres qu’il faut le réglementer.
La Suède a décidé depuis 1999 de pénaliser le client. Ce dernier est soumis à une amende. Dans les faits, la prostitution de rue a réduit de moitié, cependant les prostituées oeuvrent à présent dans la clandestinité, ce qui précarise d’autant plus leur situation. La Suède a été suivie par l’Islande, la Norvège et l’Ecosse.
A l’opposé, l’Allemagne a décidé en 2002 de réglementer. Elle a reconnu le métier de prostituée au même titre que toute autre activité professionnelle. Les travailleuses/travailleurs du sexe ont acquis des droits sociaux (couverture maladie, chômage et retraite). On a noté, depuis cette décision, une baisse d’activité criminelle accolée à la prostitution. Mais tout ne passe pas aussi bien partout. En Grèce, la prostitution est autorisée mais de nombreux réseaux mafieux gèrent le milieu. Dans certains pays comme la Belgique et le Royaume-Uni, on condamne le proxénétisme, mais pas la prostitution.
Plus proche de la Suisse: en décembre 2013, la France a adopté à l’Assemblée Nationale un texte de loi ayant pour fin de punir pénalement les clients des prostituées. Ce texte avait auparavant soulevé une polémique. Notamment, en réaction à celui-ci, un groupe de personnalités avait rédigé « l’appel des 343 salauds » qui avait pour slogan: « touche pas à ma pute ». Ils empruntaient leur nom au « Manifeste des 343 salopes », écrit en 1971 dans le but d’instaurer le droit à l’avortement. Les deux textes peuvent-ils être comparés? Peut-être si l’on considère le fait qu’ils ont les deux une idée touchant à l’abolition de la morale chrétienne.
Pour certains, la prostitution est une violence faite aux femme. Yann Buttet, membre du PDC Valais, parle de « défendre les plus faibles », de « femmes qui subissent des violences au quotidien » et même de « traite des êtres humains ». D’autres ne sont pas de cet avis. Elizabeth Badinter, féministe française, affirme: « Faire ce qu’on veut avec son corps, c’est un acquis du féminisme ».
La prostituée vend (ou loue)-t-elle son corps? Pour Philipe, qui est un client de prostituées ainsi qu’un membre de l’association de défense des travailleurs du sexe et qui est invité sur le plateau de l’émission « Infra-Rouge », le fait d’aller voir une prostituée est plus qu’un achat d’un contact charnel; c’est un moment de communication, de contact humain. Parfois même, un lien amical ou amoureux se crée avec la prostituée. Fabian Chapot, coordinateur travaillant à l’association de solidarité « Aspasie » qui défend les droits des travailleuses/travailleurs du sexe à Genève, souligne que cette rencontre tarifée n’est pas pratiquée que par des hommes compulsifs du sexe, mais le plus souvent par des hommes sensibles en manque d’affection qui profitent de ce « non-lieu » où ils n’ont plus vraiment d’identité.
Objectivement, la prostitution consiste en une vente d’un service sexuel. Cependant, Il y a une différence entre une prostituée contrainte de travailler sous la pression d’un réseau mafieux ou une prostituée indépendante. Il existe aussi des travailleuses/travailleurs du sexe « de salon » qui mettent à disposition leurs services dans une chambre d’hôtel par exemple, certain(e)s par le biais de sites internet. Elles/ils sont parfois des prostitué(e)s occasionnel(le)s, et même des étudiant(e)s qui offrent leurs services pour arrondir leurs fins de mois.
Elizabeth Badinter fait la différence entre le fait de combattre la prostitution et de combattre les réseaux mafieux où les prostituées sont exploitées. Par ailleurs, elle pense qu’en prohibant la prostitution, il risque d’y avoir d’autant plus de réseaux mafieux qui se créent. Pour elle, les féministes qui luttent pour l’abolition de la prostitution stéréotypent le problème et le ramène à une certaine « haine du pénis », à un problème de domination masculine. Or, la prostitution vise un public plus large qu’uniquement masculin. Elle pense que cette volonté de pénalisation du client est trop moralisatrice et prend les femmes pour des « victimes à protéger. »
Pour Marianne Schweizer, travaillant à « Aspasie », l’abolition de la prostitution n’est « objectivement pas possible ». Elle affirme: « La prostitution existe depuis toujours et abolir la prostitution c’est un espèce d’idéal (…) à mon avis pour pouvoir abolir la prostitution, il faut commencer par abolir la pauvreté. »
En Suisse, chaque canton procède différemment. A Zurich, le système « driving sex » a récemment été installé. Des « boxes », plus précisément 9 garages, ont été construits loin du centre ville. C’est un lieu plus sûr pour les prostituée et personne ne peut les voir sauf les clients qui se rendent sur place. Cependant, des centaines de prostituées continuent d’exercer leur activité dans la ville de Zurich, hors de ces boxes. A Genève, les prostituées doivent s’enregistrer à la brigade des moeurs pour avoir le droit d’exercer. A Lausanne ce n’est pas le cas, ce qui fait que des réseaux de proxénètes amènent des filles des pays de l’Est (Bulgarie et Roumanie principalement). Des contrôles policiers sont régulièrement effectués, mais ils n’empêchent pas le proxénétisme. Le système réglementé genevois permet aux prostituées d’avoir la liberté de leurs choix. Angelina, prostituée à Genève et présidente du syndicat des travailleuses et travailleurs du sexe, précise qu’elle « ne fait jamais ce qu’elle n’a pas envie de faire ». La prostituée a des droits et peut fixer ses limites face au client.
Les façons de traiter le sujet sont nombreuses et les avis d’autant plus. Les domaines concernés sont multiples: politique, morale, droit, économie (à noter que le chiffre d’affaire de la prostitution est de 3.5 milliards de CHF par année en Suisse). L’abolition améliore-t-elle vraiment les conditions des travailleuses/travailleurs du sexe? Ou, au contraire, comme l’affirment certaines prostituées qui sont allées protester dans la rue le soir même de l’adoption du texte de loi en décembre 2013 à Paris, la répression dégrade leur situation. Est-ce aux politiciens de décider? Où fixer les limites? A l’extrême, certaines féministes américaines militent actuellement pour l’abolition de la pornographie, tandis que d’autres pensent comme Pascal Bruckner que « L’intelligence des démocratie c’est de légiférer dans l’imperfection humaine. »
L.O iz
Elizabeth Badinter fait la différence entre le fait de combattre la prostitution et de combattre les réseaux mafieux où les prostituées sont exploitées.
Je suis d’accord avec cette dame, je trouve que la loi sur la prostitution votée en décembre 2013 en France est une loi hypocrite.
Comment est-ce possible de pénaliser d’un côté le client et de l’autre, autoriser les personnes à se prostituer.
Pourquoi dans ce cas ne pas abolir la prostitution ?
Il y a ici quelque chose qui m’échappe, verbaliser un client de prostituée 1500€, ce n’est pas cher payer pour un viol autorisé finalement par l’état…
Les femmes et les hommes sont libres de leurs corps, point bar.
Pour le reste, bien sur qu’il faut lutter contre les réseaux mafieux et de traite.
Tout le monde est d’accord sur ce point.
Mais Laissons les personnes saines d’esprit et de corps décider pour elles même.
C’est ce que l’on appelle la démocratie.