Thierry Lang au Théâtre du Pommier

Pianiste de Jazz mondialement reconnu et premier Suisse à avoir signé chez Blue Note Records, Thierry Lang est un de ces rares musiciens à s’être exporté hors de nos frontières. Il jouait le 13 décembre au théâtre du Pommier, dans le cadre d’une tournée vernissage pour son album Night Wind. C’était l’occasion pour nous de le découvrir sur scène et parler musique avec un grand de ce monde !

 Photo : Web

Il est minuit, le bar du théâtre est sur le point de fermer et les derniers spectateurs épiloguent encore sur la beauté de ce concert. « Ce que j’aime dans sa musique, c’est que ça ne part pas dans tous les sens, c’est un génie de la mélodie, Thierry ! » s’exclame un fan, mettant tous ses interlocuteurs d’accord. C’est après 2 heures de concert de haut vol, une séance de dédicaces de son nouvel album et une pause cigarette bien méritée que je m’entretiens finalement avec le pianiste.

Un quintet inédit dans la Jazz !

« Ce nouveau quintet, c’est de l’amour, tout simplement ! » me confie Thierry Lang. Le Quintet présent au Théâtre du Pommier est celui qui a enregistré il y a quelques mois le nouvel album du pianiste, Night Wind. La section rythmique est assurée par Kevin Chesham à la batterie, un jeune Biennois au talent fou et Heiri Känzig à la contrebasse, la « main gauche » de Thierry Lang. Pour compléter le quintet, Mathieu Michel était au bugle et Glenn Ferris au trombone pour un duo de cuivres inédit ! « Il est assez rare de trouver des quintets avec ce duo dans la discographie Jazz, je ne sais même pas si ça existe ! J’aime entendre des beaux sons, et il se trouve que Glenn Ferris et Mathieu Michel ont les plus beaux sons de trombone et de bugle. J’aime mélanger les timbres qui sont très proches. Quand il y a des unissons entre eux, on entend un instrument qui n’existe pas. »

Un quintet virtuose et un concert saisissant

Thierry Lang distille délicatement ses mélodies et nous fait don de superbes envolées de piano lorsqu’il prend le solo à son compte. La rapidité de ceux-ci est parfois stupéfiante ! « Quand on est sur scène, on peut se lâcher. C’est une spontanéité qu’on ne peut pas avoir en studio, mais la musique doit dégager la même chose. » Les cinq musiciens sont en totale osmose et forment un quintet saisissant et virtuose. C’est avec subtilité et délicatesse qu’ils revisitent le répertoire de Thierry Lang et présentent les titres inédits de son nouvel album. Si la force de sa musique réside dans la pureté et la beauté de ses mélodies, le quintet atteint également des sommets lorsque l’improvisation pousse le crescendo à son apogée. Les deux joueurs de cuivre entraînent plus d’une fois le quintet dans une quintessence jubilatoire par leurs échanges de soli somptueux ! 

« La mélodie, c’est un peu ma signature. »

Si la virtuosité du Quintet est époustouflante, leur musique est finalement très accessible. « Plus on travaille et plus on devient libre, plus on donne l’impression que ce qu’on fait est simple. Alors que ça ne l’est pas du tout. » Pour Thierry Lang, « l’élégance, c’est de trouver l’équilibre entre la virtuosité technique et la chaleur de la musique. Elle se situe entre le trop et le pas assez. » Comme disait Miles Davis le demandait, pourquoi jouer tant de notes quand il suffit de jouer les meilleures ?

La simplicité apparente de sa musique réside aussi dans la nature mélodique de celle-ci. « Les musiques mélodiques sont parfois très complexes au niveau harmonique. Mon travail, c’est de trouver des mélodies fortes, et des harmonies qui ne permettent pas de jouer autre chose que la mélodie composée. » Thierry Lang s’est très vite posé des questions stylistiques afin de trouver sa patte personnelle. « La mélodie, c’est un peu ma signature, c’est quelque chose que j’ai en moi depuis longtemps. Je n’arrive pas à me satisfaire de la musique qui n’a pas les 3 éléments, mélodie, harmonie et rythme. S’il manque un de ces éléments, ça m’emmerde. »

Le travail et le talent…

Thierry Lang, c’est l’histoire d’un musicien Suisse qui a réussi. Il a suivi les traces des plus grands jazzmen en signant chez le prestigieux label Blue Note Records. Il a eu le même manager que Queen et a même été honoré Chevalier des Arts et des Lettres par la République Française. A côté de tout cela, il enseigne toujours au Conservatoire de Jazz de Montreux depuis 32 ans. Pour en arriver là, il a dédié sa vie à la musique. Il joue du piano depuis l’âge de 5 ans et a complété des études de musique classique assidues jusqu’à 21 ans. Mais selon lui, le travail ne suffit pas pour réussir dans la musique : « Il y a une trentaine d’années, je n’aurais pas osé le dire mais maintenant je peux. Je pense que le talent, ça ne s’apprend pas du tout. On l’a ou on ne l’a pas. »

Et la musique actuelle ?

S’il trouve qu’il y a beaucoup de très bonnes choses qui se font, Thierry Lang pointe quelques problèmes du doigt dans la musique actuelle. « Aujourd’hui, tout le monde peut avoir 3000 disques sur son iPhone. Le danger avec ça, c’est qu’il y a tellement d’information que finalement, il n’y en a plus. Des jeunes se lancent dans la musique sans académisme est sans aucune idée précise de ce qu’ils veulent, ce qu’ils font. Ce n’est peut-être pas de leur faute, mais parce qu’il y a trop d’information… »

Il voit aussi un problème dans la médiatisation des artistes « On peut médiatiser tout et n’importe quoi. Il suffit d’avoir une belle gueule et de connaître 3 accords à la guitare… ». Et que pense-t-il du phénomène Suisse du moment Bastian Baker ? « Je le connais, c’est un gentil type. Il a tout intérêt de profiter de tout ce qui lui arrive. C’est un phénomène qui correspond tout à fait à notre époque. Mais des Bastian Baker et ce que je fais, c’est deux mondes… » 

S.R.

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