LIVRE DU QUOTIDIEN – La Délicatesse

 

Au milieu des fêtes, la fin de l’année laisse place à la rêverie. Les vacances sont là, enfin. Quoi de mieux que de s’arrêter, le temps de quelques heures, s’installer auprès de la cheminée et ouvrir un doux livre alors que les derniers jours de décembre lèvent le voile sur une année qu’on a peine à croire déjà terminée? Si l’aventure vous tente, venez découvrir ce qu’on a déniché pour vous ce mois-ci: un excès de tendresse et de rire garanti, que nous offre David Foenkinos, en toute délicatesse.

Chaque jour, on rencontre des milliards de visages. Et parfois, il nous arrive de prendre ce pari fou, d’aborder une personne inconnue. De l’arrêter, de la regarder, de lui crier: « Regarde-moi, j’existe! » Dans la rue, des regards se croisent, un petit sourire en coin. Dans nos têtes, le scénario se prépare, le fantasme est grandissant. On continue d’y croire et pourtant, peu se risque au premier pas. Effrayés, on se cache derrière des prétextes (souvent) ridicules. Mais pourquoi?

Dans le roman de David Foenkinos, François l’a fait. Un jour, il s’avance vers Nathalie, fuyante et pressée, et l’invite dans un café voisin. Il est touchant, là, à balbutier, et Nathalie se surprend elle-même à accepter. Puis sept ans passent. Sept ans durant lesquels ils vont s’aimer. Un amour improbable, mais parfait, sans faille, un coup de foudre (le vrai, celui dont les gens parlent). Et soudain, le monde de Nathalie s’écroule, un dimanche. Au coeur de cette intrigue, apparaissent alors Markus, collègue et amoureux éperdu, Charles, un patron un peu farfelu, Chloé, Madeleine, aussi. Autant de personnages touchants, fragiles, délicats, par leurs rêveries coupables et leurs multiples maladresses. Foenkinos signe la renaissance, l’espérance face à la douleur du drame, l’absurdité de la vie, la différence et l’étrangeté amoureuse. Ses phrases marquent et claquent; on se reprendra à les citer, puis les reciter, et les rereciter, entre deux pages et trois fous rires. A l’aide de mots simples et justes, et d’images hautes en couleurs, Foenkinos construit une véritable histoire d’amour des temps modernes. Dans un humour décalé, il nous séduit. Les interventions anecdotiques ne manquent pas et parsèment le livre, découpé en 117 oeuvres de qualité: saviez-vous que 2478 kilomètres séparent Paris et Moscou?

 « François pensa : si elle commande un déca, je me lève et je m’en vais. ?C’est la boisson la moins conviviale qui soit. Un thé, ce n’est guère mieux. On sent qu’on va passer des dimanches après-midi à regarder la télévision. Ou pire : chez les beaux-parents. Finalement, il se dit qu’un jus, ça serait bien. Oui, un jus, c’est sympathique. C’est convivial et pas trop agressif. On sent la fille douce et équilibrée. Mais quel jus ? Mieux vaut esquiver les grands classiques : évitons la pomme ou l’orange, trop vu. ?Il faut être un tout petit peu original, sans être toutefois excentrique. La papaye ou la goyave, ça fait peur. Le jus d’abricot, c’est parfait. Si elle choisit ça, je l’épouse… – Je vais prendre un jus… Un jus d’abricot, je crois, répondit Nathalie. Il la regarda comme si elle était une effraction de la réalité »

Les hommes, les femmes, le couple; un thème qui ne cessera d’interroger. Au milieu de tout ça, on redécouvre l’art d’aimer. Avec ou sans délicatesse, il n’en tient qu’à vous. Au fil des pages, l’auteur illustre cette danse parfois chaotique du romantique, à l’aide de ses personnages qui tombent, essaient, se lèvent, avancent, marchent, trébuchent, se rattrapent. Un roman, une romance, douce, libre, du quotidien; un titre aux belles résonnances très justement adapté à son oeuvre; des personnages irrésistibles qui font de cette oeuvre une splendeur littéraire, facile à lire. Traduit dans plus de 15 langues et adapté au cinéma, La délicatesse n’a pas obtenu dix prix littéraires pour rien! Pourtant, les critiques sur le livre sont vives. Avec Foenkinos, il n’y aurait ainsi qu’une chose à dire: ça passe ou ça casse. On vous aura prévenu.

Alors ça va marcher entre eux, ou pas ?, se demande-t-on tout au long de la lecture de ce délicieux roman. On pensait ne pas l’aimer ce livre-là, et pourtant, on ne le lâche plus. Une comédie romantique pas du tout rose bonbon, légère et emplie de délicatesse. On s’amuse, on sourit bêtement et on en ressort flottants. Une très jolie histoire qu’on lit au bord de la rêverie et qu’on avale, sans retenue. Et si cela nous arrivait à nous, aussi? L’écrivain interroge: peut-être qu’il ne tient qu’à nous de devenir un peu plus « des François » et simplement… oser?

David Foenkinos // La Délicatesse // Collection Folio // Edition Gallimard // Paris // 2011 // 209 pages.

cGa

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