C’est avec un thriller psychologique et dramatique que Denis Villeneuve fait son retour après le grand succès d’Incendies, sorti en 2010. Le réalisateur aborde cette fois-ci un long métrage et un sujet poignant accessible au grand public comme aux avertis, filmé dans une Amérique froide et électrisée par la performance de deux grands acteurs, Jake Gyllenhaal et Hugh Jackman.
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Un jour pluvieux de Thanksgiving, deux familles se retrouvent confrontées à la disparition de leurs fillettes respectives. Le détective Loki (Jake Gyllenhaal) est alors chargé de l’affaire et c’est ainsi qu’un suspect, Keller, jeune garçon psychologiquement retardé, est arrêté, puis aussitôt relâché par manque de preuves. Le père d’une des fillettes, persuadé que la police a libéré le coupable, capture ce dernier pour le torturer et tenter de le faire avouer. Les preuves s’accumulent, mais restent floues, les tortures s’intensifient, mais ne mènent à rien, et le temps s’échappe, les enfants restent introuvables.
Même si la trame dure deux heures trente, le spectateur ne s’ennuie pas grâce à un scénario bien ficellé et touffu. La mise en scène est habile et coordonnée alors que les acteurs sont plus que crédibles. En effet, Denis Villeneuve a souhaité mettre en avant la douleur d’un père (magnifiquement interprété par Hugh Jackman), le pousser jusqu’à ses derniers retranchements et en faire le protagoniste du film et non un simple second rôle, un témoin du système administratif. De plus, le spectateur est troublé par la torture psychologique que subit le père, et même perturbé par la manifestation violente de sa souffrance sur ce jeune homme prisonnier de son mutisme. Si bien que cette interminable torture physique est brillament mis en évidence par le jeu d’acteur et la mise en scène, pour en exprimer toute l’affliction endurée.
En parrallèle, Loki, inspecteur au passé flou, incarne l’individu en marge d’une organisation policière guère efficace face à la désolation des deux familles. Ainsi, Denis Villeneuve a voulu illustrer à travers ce personnage, « une tension entre l’individualité et les institutions »[1]. Toutefois, le réalisateur ose le cliché d’une administration trop laxiste face à un inspecteur stéréotypé, agrémenté de quelques tics oculaires et de tatouages tape-à-l’œil, se donnant corps et âme pour mener l’enquête à terme, caractéristique de la plupart des thrillers. Heureusement, la superbe prestation de Jake Gyllenhaal permet d’apporter une plus value significative à un rôle ordinaire et maintes fois joué au cinéma.
Ainsi les thématiques abordées ont été réalisées de manière peu élégante, comme le démontre le contraste comportemental des deux pères confrontés à la même situation dramatique. Ils agissent effectivement de manière trop opposée : l’un reste neutre et prêche l’attente, tandis que l’autre torture le présumé coupable à outrance, un exutoire trop mis en exergue face à une passivité presque agaçante; en définitive, deux réactions antinomiques voulues, mais projetées de manière trop primitives.
Mise à part quelques défauts, gommés par la justesse de la mise en scène et l’excellente prestation de tous les acteurs, le film raviera tout un chacun. Le scénario met le spectateur en constant questionnement, la chute est étonnante ; au final, il manque de peu pour en sortir stupéfait.
V.M.