« Il est impossible de ne pas manipuler » : un pas unique entre communication et manipulation ?

L’être humain est loin d’être stupide et lorsqu’il éprouve un quelconque désir, peu de temps lui faut pour l’assouvir. Pour cela, il est en possession de toutes les armes nécessaires et plus précisément de celle de la communication.

Les mots, au premier abord, semblent inoffensifs  en comparaison au couteau, mais bien agencés, ils deviennent si puissants que des adolescents en arrivent à se donner la mort. Une entrée en matière peut-être trop frappante ? Non, juste une réalité. Le monde de la technologie avance à grands pas et tout semble si fantastique : Iphones, Ipods, Smartphones, Facebook, etc. Et à ce qu’il paraît « il faut vivre avec son temps »…

« Vivre avec son temps »…mais Yves Winkin écrit dans l’Encyclopédie Universalis : la fascination contemporaine pour les « nouveaux médias » amène à négliger les plus vieux médias du monde : le corps, le geste, la parole. Il existe d’une part cette négligence mais d’autre part une utilisation de la communication à des fins trop personnelles ou même égoïstes, individualistes. Il faut entendre par là un usage de la communication sans aucun recul, quitte à en arriver à manipuler l’autre ou à influencer son agir. Le Larousse définit la manipulation en tant qu’action qui oriente la conduite de quelqu’un, d’un groupe dans le sens qu’on désire et sans qu’ils s’en rendent compte. Manipulation : acte volontaire ou non ?

 

Aussi étonnant que cela puisse paraître, il est possible d’apprendre à manipuler mais, bien heureusement, aussi à ne pas être manipulé. Cela tout le monde le sait et certainement beaucoup en ont déjà fait l’expérience, qu’importe le rôle qu’ils endossent : victime ou manipulateur. Reconnaître le fait d’avoir été manipulé ou l’acte de manipulation est une autre histoire : pour le premier, c’est là un problème de fierté, pour le second, un problème d’honneur. Mais est-ce que la manipulation doit-elle obligatoirement être connotée de manière négative ?

A quoi bon parler ?

Selon Denis Benoît citant P. Breton, la manipulation est à lier à l’art oratoire et à définir en tant que « communication persuasive » dans laquelle la notion d’éthique, de norme importe peu mais où l’efficacité des moyens utilisés seule compte. Il prévient par ailleurs que ce monde n’est pas purement constitué de manipulation mais insiste sur le fait, lui tout comme d’autres auteurs tels que Tzvetan Todorov, Pual Watzlawick, François Roustang ou encore Bernard Cathelat, qu’il n’y a pas de relation humaine qui ne soit soumise à l’influence […] il n’y a pas […] de relation sans manipulation réciproque. Il faut comprendre dans cela que « l’on ne peut pas ne pas manipuler » donc « on ne peut pas ne pas communiquer ». En effet, lorsqu’il y a communication, il est impossible de parler de neutralité car chaque information reçue par un individu est forcément connotée donc subjectivée. C’est pourquoi il ne faut pas restreindre le terme de manipulation au simple fait de vouloir modifier la manière de penser ou de se comporter chez autrui mais plutôt, en quelques mots, d’en « faire bon usage ». Ce qui n’est pas nécessairement le cas de tous.

En effet, dans l’histoire de l’humanité, les exemples ne manquent pas : depuis Rome et ses grands orateurs, en passant par le Reich et son Führer au président des Etats-Unis Barack Obama, l’art oratoire est et a toujours été une arme puissante. Movere, placere et docere, trois points qui rendent un discours beau, riche en émotions et instructif ; tout ce qui est nécessaire dans l’art de persuader. Même si la distinction entre communication et manipulation ne peut être réalisée, il est possible de définir l’usage qui est fait de la communication persuasive : à bon escient ou pas. La communication permet la transmission du savoir mais aussi bien d’arriver à ses fins. Par un discours bien construit, Adolf Hitler a rassemblée toute une nation à ses pieds, une nation motivée par la croyance d’agir pour son bien. Les mots ont fait lever des révolutions et des guerres ; ils ont manipulé et tué. Du temps de Rome, il était nécessaire de posséder une certaine culture générale et d’occuper un bon statut social afin d’avoir la possibilité de s’exprimer face à un auditoire ; parler était un art, qui s’apprenait. Aujourd’hui, chacun peut être orateur quand il le souhaite et ce, grâce à internet, et n’a plus besoin de tenir des discours de haut vol : les détails insignifiants de la vie de X intriguent.

De nos jours, le réseau communicationnel est en plein essor et ne compte pas s’arrêter dans son élan. Il est évident que ces innovations quelles qu’elles soient amènent avec elles des avantages conséquents, mais il ne faut pas oublier le revers de la médaille. Facebook, Twitter, Whatsapp et encore bien d’autres sont les produits de cette évolution technologique ; une grande partie de la communication a aujourd’hui lieu de manière « électronique » et permanente, d’où l’importance des ces réseaux sociaux et de leurs effets sur la société. Si innovants, sont-ils pour autant blancs comme la neige? Peuvent-ils être accusés de manipulation ? Il s’agit là très clairement du domaine de la communication : des informations d’un individu A sont échangées avec un individu B et vice-versa mais ce qu’il ne faut pas ignorer est que toute innovation technologique influence la société, que ce soit de manière positive ou négative. Avec Denis Benoît, une face moins péjorative de la manipulation a été découverte mais reste la seconde, un peu plus noire que sa moitié.

Manipulation, où te caches-tu ?

Personne ne peut le nier, une « cyber-dépendance » s’est installée au quotidien et comme l’affirme Yves Winkin, tout cela a pour conséquence de négliger les plus anciens médias du monde : tout passe par le virtuel même les causes de dépression. En effet, la « dépression Facebook » touche aujourd’hui les jeunes utilisateurs de ce réseau social : le sentiment de rejet social, c’est le « ignorer » de Facebook (en prenant comme exemple ce réseau social), le besoin de reconnaissance, c’est l’attente du « j’aime » des autres internautes, etc. Au départ, la place d’un individu dans la société était à construire « réellement », aujourd’hui, c’est dans le virtuel. Et cela fait réfléchir…ou pas.

Par un mouvement de masse et de mode, la virtualisation de la vie d’un individu est devenue pour ainsi dire une norme, une sorte de « formatage ». D’autant plus que certains utilisateurs prennent très à cœur tout ce qui se dit et ce qui se passe sur ces réseaux sociaux, la preuve : mardi 30 octobre 2012, le Temps publie un article « Gauthier, nu sur Facebook puis suicidé par pendaison ». La cause ? Le cyber-mobbing. Que penser de cela ?

La manipulation se cache peut-être à la base de l’utilisation des Smartphones, Ipods, Iphones, et de tous ces réseaux sociaux. En effet, ce qu’il manque à certains moments au quotidien, ce sont le geste, la parole et le corps. L’écran virtuel ne laisse paraître aucune émotion et c’est pour cette raison que l’interprétation d’un message peut se révéler problématique et mener quelques fois à une incompréhension car le ton utilisé, la mimique de l’interlocuteur ou encore sa posture sont d’une grande aide dans une interaction « réelle ». Peut-être que le terme « manipulation » est trop fort mais il est nécessaire de le comprendre dans le sens où un tout nouveau système de communication s’est mis en place assez rapidement et n’a pas laissé le temps à son « apprivoisement » ; il est temps en effet de commencer à réfléchir à une bonne utilisation de ce dernier, une utilisation qui serait en harmonie avec tout interaction sociale « réelle ».

Il est alors difficile de délimiter parfaitement la communication de la manipulation, le tout est de faire bon usage de la communication persuasive. La question qui se pose à présent est de savoir ce qui rend l’usage de la communication persuasive bon ou mal.

C.

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