Glory : du crépuscule à l’aube

 

Mercredi 31 octobre et jeudi 1er novembre 2012 à 20h au théâtre du Passage à Neuchâtel, le Ballet du Grand Théâtre de Genève nous a ouvert les portes du monde contemporain et néoclassique au son de l’Alléluia et autres cantiques baroques d’une puissance à en couper le souffle.

Pendant 1h10, vingt-deux danseuses et danseurs vous transportent dans un monde où le temps s’arrête mais où les pas ne cessent de s’accélérer comme s’il s’agissait de « la dernière danse ». Amoureux de danse ou de musique, avides de beauté ou de grâce, ou tout simplement envie de découverte, n’hésitez pas, ce spectacle est pour vous.

« Glory » est l’un des spectacles du Ballet du Grand Théâtre de Genève chorégraphié par Andonis Foniadakis, danseur pour Jiri Kylian, William Forsythe ou encore Maurice Béjart, qui fonde sa propre compagnie en 2003. Une pièce grandiose techniquement parlant mais qui sans ses jeux d’ombre et de lumière n’aurait plus de sens ; Mikki Kunttu en est le maître et fut, par ailleurs, lauréat de nombreux prix pour sa subtile maîtrise de l’éclairage. Autre élément surprenant : la musique. D’une sensuelle délicatesse entachée de tristesse magnifique, la musique d’Haendel nous emmène dans une frénésie grandissante là où la plus haute note de l’Alléluia frôle le domaine céleste. Elle est prenante ou reposante, oppressante ou éclatante ; elle ne cesse de surprendre. Les costumes quant à eux amples et légers couvrent l’espace d’un voile diaphane nous abandonnant au milieu d’un rêve. Des couleurs, il y en a sans pour autant parler d’omniprésence : ce qui a marqué les esprits, le duo enflammé presque déchirant de l’amour-haine du rouge et noir : elle en rouge, lui en noir, un « je t’aime moi non plus » sans fin mais tellement beau.

Il est 20h05, les lumières s’abaissent et le silence s’empare de la salle. C’est pendant ce cours instant, suspendu entre réalité et théâtre, que notre esprit se défait de toute réflexion afin de laisser place à l’imagination et à l’émerveillement. Le rideau se lève et doucement une lumière au centre de la scène perce les profondeurs de l’obscurité : est-ce l’aube ou le crépuscule ? La danseuse principale s’avance caressant le sol dans sa robe noire translucide, reine des ténèbres. La pièce débute par son solo, suite de mouvements amples, fluides, connectés, on est transportés. La musique alors nous surprend brusquement, la puissance envahit la scène qui, jusqu’à maintenant impossible de le remarquer, est finement penchée vers le publique plaçant chacun des danseurs sur un piédestal. C’est peut-être là que se cache le titre de la pièce « Glory ». La gloire, ce long et difficile chemin à parcourir, entre ascension et déchéance, entre sauts et chutes, c’est l’univers dans lequel nous emmène le chorégraphe Andonis Foniadakis. Il s’exprime sur le choix d’un tel titre dans le Passe-Plat du théâtre du Passage : « C’est l’aboutissement total, il n’y a pas plus haut que ça. Mon travail chorégraphique est une ode à la musique de Haendel, que je trouve glorieuse. Cela m’intéresse peu d’utiliser les danseurs pour leurs qualités humaines, pour faire de la danse théâtre ; pour moi, ils sont les éléments d’une partition très complexe. ». Tout cela se retrouve dans la mise en scène où rien n’est laissé au hasard : elle entre et danse, lui la rejoint, ils dansent, d’autre danseurs en jupe longue et légère émergent de l’obscurité et la voilà hissée vers les étoiles prête à danser parmi les dieux. Les corps s’attirent et se déchirent, s’aiment et se détestent, tout le spectacle est scindé entre des oui et des non, et c’est cela qui nous garde en haleine. Tout est grâce et divin. Arrive le terme de la pièce car la soliste danse à nouveau le même surprenant passage du début ; la boucle est bouclée. Un élément cependant est différent, la lumière. Toujours cette même question : est-ce l’aube ou le crépuscule? À vous de choisir. Mais peut-être décidera-t-on du crépuscule pour le début et de l’aube pour la fin dans le but de signifier une renaissance ; la lumière, ce guide au milieu des ténèbres. Cela amène ensuite un second changement : tous les danseurs et toutes les danseuses nous rejoignent dévêtus, presque nus. La grâce est encore plus présente et un nouveau ton est donné, celui de l’essentiel. Musique maestro ! L’Alléluia surgit de nul part et le final est lancé. Tous dansent l’hymne céleste, on ne peut qu’admirer. L’émotion est palpable sur les visages de la troupe, peut-être ont-ils enfin atteint cette gloire? Le public y croit et applaudit encore et encore. Le rideau se baisse, retour à la réalité, aux questionnements ; et si l’on devait aussi vivre cette gloire dans notre quotidien ? Mais comment ? À ce qu’il paraît, la nuit porte conseil…

Même si cette pièce est sublime, on aurait peut-être aimé la découvrir avec une composition musicale différente. En effet, les chorégraphies et la mise en scène sont si impressionnantes qu’elles prennent aux tripes et que la patte d’Haendel peut de temps à autre oppresser. Quant à la danse en elle-même, la technique est bien présente et incroyablement parfaite mais il est des instants où le spectateur pourrait se sentir « fatigué » comme s’il était ce danseur ou cette danseuse qui ne cesse de venir et partir, de sauter et chuter, de marcher et courir, car tout va très vite, ne nous laissant aucun répit. « C’est pour que le public de ma pièce puisse participer à une dynamique similaire. » souligne Andonis Foniadakis toujours dans le Passe-Plat du théâtre du Passage. Au moins, on ne pourra pas dire avoir perdu 1h10 de sa soirée.

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Petite anecdote pour la fin : à la sortie du théâtre, un couple s’entretient sur ce qui vient de se passer, paroles dérobées du mari ébloui : « Et bien, ça c’est du spectacle, du vrai! ça fait plaisir hein? ». À comprendre que finalement le programme du théâtre du Passage ne plaît pas à tous en permanence mais lorsqu’il plaît, c’est fort en émotion.

C.

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