La Surproduction profite aux cochons!

Durant ces dernières décennies, on a étudié et décortiqué les changements économiques afin de pouvoir expliquer comment le marché fonctionne au travers de l’offre et la demande. On a constaté que si l’un ou l’autre de ces paramètres changeait de manière abrupte, le marché se régulerait automatiquement pour retrouver son équilibre grâce aux variations de prix. Or, les sociétés, obnubilées par leur chiffre d’affaires, désirent désormais contrôler ce marché quelles que soient les conséquences morales et écologiques.

Dans le domaine de l’agroalimentaire, certaines entreprises aspergent les aliments de pesticides ou d’ammoniaque ! Pourquoi ? Pour pouvoir maintenir un certain prix des produits sur le marché mais également par peur d’être poursuivies en justice pour intoxication alimentaire! En effet, elles veulent lutter contre le glanage de poubelles que bien des personnes pratiquent dès la fermeture des supermarchés ! D’ailleurs, Tristam Stuart, diplômé de l’université de Cambridge, s’amuse à dire qu’il fait  de ses «  inspections non officielles des poubelles » son hobby !  Ce qui le révolte c’est le fait que la plupart des pays aient 4 fois plus de nourriture que nécessaire et qu’ils sont, par conséquent, obligés d’en jeter entre 150 et 200% !  Voici la lutte que mène Tristam Stuart à travers le monde, mandaté par la Commission européenne, dans son programme Fusions afin de réduire ce gaspillage de 50% d’ici à 2025.

Il a d’ailleurs mis en place avec Peter O’Grady, chef cuisinier quinquagénaire, des repas pour 900 sans-abri et étudiants, concoctés uniquement à base de  « déchets » d’un supermarché ! En Suisse, le chef Philippe Rochat a présenté lui aussi ses idées à Berne le 18 octobre dernier pour éviter tout ce gâchis.

Alors pourquoi autant de gaspillage ? Pour une raison simple : les critères esthétiques ! Les agriculteurs et les industriels sont soumis aux hautes exigences des supermarchés et surtout aux consommateurs qui exigent un produit parfait ! Ils évitent donc les pertes en les laissant aux autres ! C’est ça le marketing agroalimentaire.

Récemment les médias ont levé le voile sur plusieurs études choquantes concernant la production alimentaire et sa bête noire : le gaspillage. Qui est le responsable ? En premier plan se trouvent les ménages avec 45% et vient ensuite la transformation des aliments avec 30%.  Il faut savoir qu’un ménage de quatre personnes budgète 2’000 CHF pour l’achat de nourriture qui vont directement à la poubelle! En Suisse, on estime que 289 kilos de nourriture sont jetés chaque année et par habitant le long de la chaîne alimentaire. Que se passe-t-il concrètement dans nos entreprises ?

J’ai visité les usines Jowa SA (fabrique de divers produits à base de farine pour Migros SA) à Saint-Blaise et Ecublens pour voir comment ils gèrent leurs stocks de denrées périssables.

Dans l’entreprise Jowa SA à Saint-Blaise, Monsieur Sébastien Deluz, responsable Supply, avec comme produits phares les madeleines et boules de Berlin. Pour 1’500 palettes expédiées par jour en moyenne, il commande hebdomadairement plus de 35 tonnes de « matières premières de la région et de top qualité » informe-t-il.

Monsieur Serge Imhof, responsable Supply chez Jowa SA à Ecublens m’a dévoilé fièrement que pour produire 483 articles différents soit 14’200 tonnes par année il avait un taux de déchets de 1% environ. Quel est leur secret ? Ils ont pensé à développer des « boulangeries maison » dans la plupart des enseignes afin qu’elles puissent répondre sur place aux demandes des consommateurs. Ils ont également des contrôles de production qui leur permettent de retravailler l’excès de pâte dans la recette suivante. La dernière nouveauté est la création d’outlet Migros qui permet de vendre à bas prix le surplus de production.

Finalement le mode de gestion du flux logistique appelé FIFO (first in first out ; premier dedans, premier dehors) permet une rotation logique des lots suivant les datas. Mais ils sont parfois contraints de se soumettre à une méthode LIFO (last in first out ; dernier dedans premier dehors) pour se conformer aux exigences accrues de clients. L’enjeu ? Un gaspillage excessif et inutile. En effet, pour honorer une commande d’un client très pointilleux, certaines entreprises doivent sacrifier 5kg de matières premières pour 3 cornichons ! Le client est roi quoiqu’il en coûte.

Mais alors que font-ils de ces déchets ? A Saint-Blaise, ils ont trouvé un moyen rentable de ne rien gaspiller : revendre les déchets. En effet, ils ont entre 25 et 30 tonnes de déchets par mois qui sont vendues aux paysans de la région pour leurs cochons ou qui seront transformées en Biomasse. L’huile des boules de Berlin est également réutilisée par l’entreprise Atola à bas prix. A Ecublens, on va encore plus loin. Les pâtes pas cuites sont aussi données à un paysan de Romont en échange de ses produits fermiers. Les invendus et périmés des filiales Migros retournent à Jowa et sont émiettés en flocon de pain par un paysan pour l’alimentation de son bétail. D’autres sont mis de côté pour faire de la panure pour Micarna pour ses recettes à base de viande, volaille, poisson. Une palette est offerte à Caritas Vaud. « Les canards boiteux » sont vendus à 1CHF symbolique aux collaborateurs, affirme Serge Imhof. Le reste sera converti en Biogaz puis transformé en engrais et retournera dans les champs de blé ! En Suisse, il est inimaginable pour une usine de ne pas réfléchir sur le traitement des déchets puisque l’incinération est un luxe qui revient à 280 CHF/tonne. Reste, selon Serge Imhof, à développer une certaine responsabilité et à sensibiliser les consommateurs à en faire de même.

Claudio Berreta, Master en Sciences de l’environnement ETHZ, a découvert dans son travail de recherche que l’on pourrait diminuer de 1/3 voire de 50%  les pertes alimentaires mangeables  en prévoyant, par exemple, les repas pour la semaine et en mangeant les restes au lieu de les jeter. Chacun peut donc faire son choix et consommer intelligent plutôt que spontanément !

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