POLITIQUE INTEGRALE : Une nouvelle vision du monde et de l’individu – un renouveau dont la société a grandement besoin !

Le parti « Politique Intégrale » vient de sortir en Suisse romande un livre éponyme, écrit par Werner Kaiser, co-fondateur du parti. L’occasion de faire le point sur cette forme de politique différente, encore méconnue. Aperçu.

« Rien n’arrête une idée dont le temps est venu ». Cette citation de Victor Hugo qui introduit le livre n’aurait pas pu être mieux trouvée en telle situation. En effet, le parti Politique Intégrale propose une nouvelle manière d’aborder la vie, au travers d’une politique plus humaine pour une transformation de la société.

D’association à parti politique

« Politique Intégrale » (PI) est né en 2006 grâce aux efforts de 10 hommes et 10 femmes. Ceux-ci avaient conscience que la politique actuelle, qui s’appuie uniquement sur le matériel et l’intellectuel (rationnel), ne pouvait plus répondre aux besoins des humains de cette terre. Selon eux, un renouvellement profond est nécessaire. Restée longtemps une association (dont on compte plus de 700 membres), PI est désormais, et ce depuis le 7 mai 2011, un mouvement politique et un parti à la fois.

Vers une nouvelle vision

L’approche est inédite. Une politique « intégrale » offre « une conception de la vie qui englobe toutes les dimensions de l’être humain », selon Werner Kaiser. Ce mouvement récent applique une théorie orientée vers le futur. En effet, selon eux, la société moderne arrive à son déclin : nous nous noyons dans les valeurs matérielles, seule la technique nous inspire, nous cultivons un égoïsme individuel et collectif, la différence entre les riches et les pauvres devient monstrueuse et nous spéculons sur des biens de consommation de base. De nombreuses pratiques qui ne peuvent pas perdurer.

La vision de PI est basée sur la théorie de Jean Gebser, qui montre que la conscience humaine a traversé différentes étapes, chacune constituée d’une « structure » différente. Il est important de comprendre toutefois qu’elles ne s’annulent pas lorsque l’on passe de l’une à l’autre. En effet, ce qui préexiste est intégré au nouveau développement. Cette doctrine est utilisée par  PI, non comme une vérité mais comme une aide. C’est une orientation dans leurs choix.

D’une pratique rationnelle à une pratique intégrale

C’est dans la « structure mentale » de Gebser, dans laquelle le rationnel est l’unique critère de vérité, que s’est développée notre société durant les derniers siècles. En effet, Werner Kaiser écrit : « C’est le domaine de la raison qui analyse tout et regarde tout dans la perspective d’observation et d’action du sujet : j’observe le monde, je l’organise, le maitrise, l’utilise, l’exploite ». Désormais, une nouvelle structure est toutefois en train de se créer depuis une dizaine d’années, appelée « structure intégrale ». Elle opère un changement de vision, passant d’une perspective du sujet à une vision « aperspective », c’est-à-dire ne se limitant pas à une seule perspective.

Le but est de mettre en place une nouvelle politique qui correspond aux temps nouveaux. Toutes les actions de PI sont en outre pensées sur le long terme et le parti agit pour une collaboration qui va dans la direction de l’intérêt commun, contrairement aux pratiques actuelles. Concrètement, PI se différencie des autres partis en voulant intégrer à la politique la spiritualité en y associant tous ses aspects, à savoir : le ressenti du corps, la profondeur des sentiments, l’orientation des valeurs de la raison et l’éthique. Autrement dit, les acteurs du mouvement souhaitent accorder une importance égale aux dimensions physiques, émotionnelles, mentales et spirituelles de l’être humain dans les différents domaines de la vie. Deux constats en sont la cause. Premièrement, la politique sera toujours influencée par la personnalité de ceux qui la pratiquent et deuxièmement, la politique ne peut pas se limiter à l’Etat et à des partis. Chaque intervention dans la société fait partie de la politique. Une conception intégrale refuse donc aussi de diviser la politique selon le schéma gauche-droite.

Propositions de changement

En pratique la politique intégrale propose différents changements concrets à des niveaux distincts. Sur le plan de la démocratie, on constate que le pouvoir est réparti de manière inégale et la formation de l’opinion publique est « achetée » par les lobbys économiques qui ont les moyens financiers. On pense également que la majorité ne peut pas décider de tout. Une politique intégrale nécessite donc des citoyens plus conscients. La formation, en outre pour répondre à ce dernier besoin, doit absolument être ouverte à tous (car une éducation donne du pouvoir) et ne devrait pas être basée uniquement sur l’intelligence mentale mais se rattacher à tous les domaines.

En ce qui concerne l’économie, PI préconise qu’elle soit « au service de la vie ». C’est-à-dire qu’elle ne doit pas s’appuyer que sur des valeurs matérielles. Il est grand temps de revoir les notions de travail, de propriété, de croissance ainsi que leur mise en application. Les questions de la globalisation, de la migration et de la paix sont aussi soulevées.

En matière de santé, la conception globale invite à considérer le respect ainsi que le maintien du corps en bonne santé, même en l’absence de maladie, soutenus par une volonté d’agir à cet effet. Cela signifie aussi prendre soin de sa santé émotionnelle, en passant par la sécurité pour les enfants ainsi qu’une atmosphère de travail viable pour les adultes. Le tout doit être complété par de la confiance en soi-même. La responsabilité individuelle est très fortement encouragée par la politique intégrale et doit donc être accompagnée d’un système solidaire.

Cependant, ne l’oublions pas, la politique intégrale est un but à viser et s’opère avant tout par un changement de vision, qui se doit d’être plus globale !

S.H.

Pour comprendre un peu mieux les objectifs du parti « Politique intégrale » et les moyens mis en oeuvre pour les atteindre, nous sommes partis à la rencontre de Monique Centeno, co-présidente du parti.

L’article.ch : Le but de Politique Intégrale est-il de changer la manière de faire de la politique ou d’agir par des actions concrètes sur la société ?

Monique Centeno : Les deux… et même encore plus ! Depuis le temps que nous travaillons là-dedans, nous nous rendons compte qu’une transformation n’est possible qu’au moment où il y a un changement de conscience, soit une autre manière d’appréhender la vie en général. Cela veut dire faire de la politique autrement, c’est très concret. C’est pour cette raison d’ailleurs que nous sommes devenus un parti. Cela veut toutefois aussi dire que par des actions concrètes, les gens peuvent réaliser que de nouvelles portes sont ouvertes, que c’est possible… A ce moment-là, nous changeons de conscience. Toutes les actions citoyennes et quotidiennes sont aussi de la politique ; ce sont une autre manière de la faire.

Nous agissons donc sur tous les plans, tout ce qui est possible. C’est d’ailleurs pour cette raison que PI est à la fois un parti et un mouvement, nous y tenons énormément !

L.ch : Quels sont les changements ou ajustements politiques concrets proposés ?

M.C. : Tout ce qui va en direction du soutien à la vie. C’est très vaste ! Nous n’avons pas encore créé d’initiative ou autres pour l’instant mais nous soutenons tout ce qui va dans la direction d’une société intégrale et transformatrice. Cela veut dire que nous regardons avec grande attention, dans toutes les initiatives et votations qui se font, si c’est une copie de ce qui existe déjà ou si c’est une votation qui va profondément changer la société, dans la direction désirée.

L.ch : Comment agissez-vous dans ces cas-là ?

M.C. : Nous sortons des commentaires politiques environ un mois avant chaque votation. Nous y donnons notre point de vue sur la votation elle-même, et nous procurons aussi le point de vue intégral, expliquant comment cela serait dans un monde parfaitement intégral. Cela permet aux gens de comprendre la raison de notre recommandation.

L.ch : Comment se fait-il que votre point de vue soit différent du point de vue intégral ?

M.C. : Nous avons conscience que nous ne pouvons pas, dans le monde d’aujourd’hui, être extrême dans l’intégral. Notre vision intégrale est un but que nous suivons et pour y arriver il faut aller pas à pas. Les réponses aux votations sont des décisions qui vont dans la direction intégrale, en sachant que ce n’est pas encore intégral pour le moment.

L.ch : Quelle est la principale priorité pour le parti?

M.C. : Nous souhaitons arriver à changer la conscience. A travers nos actions et notre manière d’être présent, y compris dans la politique, notre but est que les gens réalisent que nous pouvons faire les choses autrement et qu’ils souhaitent peut-être même cette différence.

L.ch : Trois membres du parti Politique Intégrale du canton de Fribourg figuraient sur les listes des élections au niveau fédéral et cantonal,  pourquoi s’être présenté alors qu’on peut dire qu’ils n’avaient que très peu de chances d’être élus.. ?

M.C. : Premièrement, c’était pour faire une expérience. Ils voulaient voir comment cela se passe. La plupart d’entre nous n’a aucune idée de comment fonctionne vraiment la politique et les rouages des élections. Par la suite, ils ont fait un bilan, qui est à disposition de tous les groupes, dans lequel on peut voir là où il y a eu des manques ainsi que là où ils étaient adéquats. Ensuite, il y avait aussi un autre but, qui était de commencer à parler de PI, simplement.

L.ch : Comment les autres partis suisses ont-ils accueilli la venue de PI ?

M.C. : Par un silence total… (rires) ! Nous avons juste eu quelques contacts dans le canton de Fribourg avec une membre du parti des « Verts » qui va d’ailleurs venir à la prochaine journée PI. Il y a le « Parti Pirate » de Fribourg qui s’est trouvé assez proche de PI pendant les élections fribourgeoises. Je me rappelle d’une interview à la radio dans laquelle il y avait les Pirates, PI et le Mouvement des Citoyens Indépendants. Chaque fois qu’ils donnaient les réponses, le représentant des Pirates et celui de PI étaient sur la même longueur d’onde. Eux ont découvert que « Tiens, PI existe ! » mais pour le reste, c’est encore l’ignorance totale.

L.ch : Et les médias ? Il semble qu’ils n’aient pas vraiment mis en lumière ce nouveau parti plutôt novateur, pourquoi ?

M.C. : Nous avons seulement eu de temps en temps, pour une présentation ou l’autre, un journaliste qui s’est engagé mais effectivement, aucun soutien au niveau de la Presse. En Suisse allemande, certains journaux nous donnent déjà la parole, mais en Suisse romande nous n’avons pas encore du tout ce soutien, cette ouverture-là.

Nous sommes trop particuliers pour eux. Comme la plupart des journaux sont quand même politiques, ils regardent attentivement à qui ils donnent la parole. C’est trop dangereux, je crois. Nous sommes trop souvent pris pour des gens utopistes qui n’ont pas les pieds sur terre et les journalistes ont peur d’être pris dans ce jugement-là eux-mêmes en nous laissant nous exprimer. Lorsqu’il y aura eu deux ou trois actions importantes publiques qui se seront passées, cela changera mais nous n’avons pas encore assez de gens, de force, pour aller dans des manifestations qui permettent de devenir très visible. Finalement, il y a encore autre chose qui est difficile pour les médias. En effet, PI ne se positionne nulle part sur la palette droite-gauche. Nous ne correspondons pas à cela, nous sommes au-delà. Nous pourrions tout aussi bien être d’accord avec une idée sensée de l’UDC qu’avec quelque chose qui vient de l’extrême gauche ou du centre…

L.ch : Quel type d’ « actions importantes publiques » vont se passer ?

M.C. : Pour l’instant nous avons la force d’accompagner, pas celle de créer de nous-mêmes, mais cela viendra un jour. Nous avons, par exemple, collaboré avec le groupe BIEN, qui est à la base de l’initiative sur le Revenu de Base Inconditionnel. La plupart des gens qui entendent parler de cette initiative se disent « Horreur ! Catastrophe ! ». Lors de la présentation, le 7 octobre dernier dans le canton de Vaud, le but était de se donner la chance de vraiment réfléchir sur ce qu’un tel revenu de base inconditionnel représenterait véritablement ainsi que les problèmes et libertés qui en découleraient. La collaboration a été magnifique !

Une autre collaboration a été mise en place. Au mois de janvier prochain nous allons faire venir Christian Felber, auteur du livre « Economie Citoyenne », qui est à la base d’un concept appelé « Revenu de Biens Communs ». Il propose qu’une douzaine de valeurs telles que « comment les collaborateurs peuvent-ils participer à la marche de l’entreprise », « comment est prise en compte l’égalité hommes/femmes », « comment l’entreprise se positionne-t-elle dans la durabilité ? »  soient ajoutées au simple bilan financier, qui est à ce jour l’unique moyen de valorisation d’une entreprise. PI soutient pleinement ce type d’actions. En effet, il y a là un potentiel de changement de conscience de la société, par l’action concrète.

L.ch : Vous avez notamment élaboré un projet de politique de migration intégrale… Quels en sont les principaux points ? Comment la politique intégrale voit-elle dans les grandes lignes la migration en Suisse, grand sujet d’actualité ?

M.C. : Nous avons créé une journée PI au cours de laquelle nous avons travaillé par une constellation (mise en situation) et d’autres approches sur le thème de la migration pour la Suisse. Le but était de comprendre ce que c’est, ce que cela représente, de qui avons nous peur, de quoi, etc.

La vision intégrale de l’immigration serait de donner assez de moyens aux pays d’où viennent les immigrés pour que ceux-ci aient envie de rester chez eux et qu’ils n’aient pas le besoin ou le devoir de partir pour pouvoir survivre. Malheureusement, dans la situation actuelle du monde, nous ne pouvons pas être intégral avec la migration. Toutefois, nous avons découvert au cours de cette journée que, dans la plupart des situations d’immigrations pauvres ou d’urgence, la dignité humaine a été enlevée voire volée. Ces gens sont maltraités par la société, de par la manière dont on s’occupe d’eux. Ils n’ont plus la notion d’être entiers : ils sont dépendants d’un système qui veut bien ou non d’eux et sont trop souvent méprisés, voire humiliés par des gens comme vous et moi.

L.ch : Que pourrions-nous donc faire concrètement à ce propos ?

M.C : Nous pourrions agir tout à fait concrètement en Suisse sur la qualité d’accueil de ces gens-là. Il ne faut pas les regarder comme des cambrioleurs, mais comme des êtres humains qui cherchent seulement à vivre mieux. Ce sont souvent aussi des familles. Il faut regarder la partie humaine, ce sont nos égaux ! Nous pouvons faire cela tout en étant très strict sur les règlements, ce qui est essentiel. Nous ne nions pas du tout les problèmes liés à la justice, mais cela touche une minorité de ces requérants.

Dans ce sens là, il y a déjà des actions humaines concrètes, plutôt citoyennes, qui ont été réalisées notamment dans la région de Bâle et de Zurich. Des membres de PI se  sont individuellement rendus dans les centres de requérants et ont demandé « Que pouvons-nous faire pour rendre votre séjour plus agréable ? ». Certains donnent donc des cours de langue, d’autres font visiter la ville aux nouveaux requérants, etc. Pour une fois, les immigrés se sentent êtres humains, accueillis !

L.ch : Les rencontres de votre parti fonctionnent sous forme de journées, c’est assez original et différent des autres partis, quel est le but de ces journées ?

M.C. : Le but est de permettre la rencontre sur le plan national et de se rendre compte que nous sommes bien plus que l’on croit, à penser de cette manière. Nous voulons toutefois aussi offrir un lieu où il est possible de vivre cette culture. C’est-à-dire prendre conscience de ce qu’elle est vraiment et la vivre concrètement l’espace d’une journée. Nous avons aussi finalement pour but d’aborder des thèmes importants et de prendre le temps d’en parler, d’une manière qui n’est pas traditionnelle.

L.ch : Qui participe aux journées PI ?

M.C. : Tout le monde ! Il y a beaucoup de membres de l’association mais il y a aussi de nombreux curieux qui veulent venir découvrir Politique Intégrale. C’est ouvert à tous. La personne qui n’y connaît rien peut voir comment on peut donner une part équivalente au rationnel, émotionnel, intellectuel et physique, comme le préconise la politique intégrale.

Propos recueillis par Sandra Hildebrandt

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