Vincent Veillon : « La direction nous a dit : Allez-y, on verra bien! »

Vincent Veillon Il réveille la Suisse romande avec « Lève-toi et marche », la matinale de Couleur 3, dont la chronique « 120 secondes » remporte un franc succès. Portrait

À peine entré dans les studios de Couleur 3, on remarque l’ambiance décontractée. Il est 7h30, Vincent Veillon est là depuis 5 heures du matin pour son émission quotidienne. Véritablement à l’aise au micro, il a le sourire aux lèvres. La tension est toutefois palpable. À quelques minutes de la fameuse chronique « 120 secondes » qu’il anime avec Vincent Kucholl, le temps presse. Il ne reste que peu de temps pour répéter, s’échanger quelques conseils sur l’intonation à adopter et effectuer quelques tests de placement de voix et d’articulation. Petit tour du studio pour enclencher les caméras, on contrôle la lumière. Veillon a revêtu sa chemise blanche de journaliste et Kucholl s’est glissé dans la peau de Gilbert Vacheron, l’invité de la rédaction de ce matin-là.

3-2-1, Antenne !

Aux commandes, Vincent Veillon qui anime depuis le mois d’août l’émission « Lève-toi et marche » tous les matins entre 6 et 9 heures sur Couleur 3. Une chaîne qui, d’après lui, donne une liberté sans équivalent en Suisse.Employé depuis bientôt trois ans, il avoue que les débuts n’ont toutefois pas été faciles. Encore étudiant à l’ECAL, l’école cantonale d’art de Lausanne, il postule en 2009 pour un poste à 50% à la RTS. La sélection se révèle être un parcours du combattant. « C’était la guerre ! Je crois que si on n’a pas un minimum d’esprit de compétition, mieux vaut se lancer dans autre chose », affirme-t-il. Des tests de voix et des mois plus tard, il est engagé. Durant la première année, Vincent cumule études et radio. « J’étais un peu un escroc des fois, quand même, parce que j’étais à 100% à l’ECAL et à 50% à la radio. C’était épuisant. Heureusement, ça a passé, mais c’était un peu un coup de poker. » A 26 ans tout juste et après deux ans à Couleur 3, il se voit confier la matinale de la chaîne, l’une des tranches les plus écoutées en radio. « Je me suis proposé sans vraiment y croire. Pour moi, c’était trop tôt pour assumer la matinale. D’ailleurs tout le monde, Vincent Kucholl le premier, pensait que ça ne marcherait pas. » Aujourd’hui, il suffit de voir Veillon au micro pour comprendre qu’il est ravi de cette réussite. Réveillé désormais tous les jours à 4h15 du matin, il a dû s’adapter à ces nouveaux horaires. « C’est loin d’être un sacrifice, bien au contraire, c’est un tremplin. Je vis une période vraiment riche où la rigueur imposée amène un rythme. Je suis plus en forme qu’à l’époque de mes études ! C’est cool comme rythme naturel. » Il met en avant les possibilités que ce poste offre : gérer l’émission, travailler en collaboration avec de nombreuses personnes et être responsable du tout. Les opportunités gagnées, par le passage de chroniqueur à producteur, le ravissent. « En radio, c’est une sacré expérience d’être producteur parce que justement ça fait appel à plus que de simples compétences radiophoniques, à un coté humain aussi. Il faut gérer des gens différents, avec différentes sensibilités. C’est toi qui a les clés de la maison, donc c’est intéressant, ça permet beaucoup de créativité. C’est sans limites ! »

« 120 secondes », une réussite

Le rendez-vous de la matinale est le « 120’’ », une chronique des deux Vincent qui reprend l’actualité avec humour. Le duo veut rester neutre politiquement, mais aime rire des puissants et des faibles, des riches et des pauvres. Selon le désir de Vincent pour sa matinale, ils la mettent en scène et la filment. Veillon met ainsi à profit sa passion pour la technique de l’image et Kucholl ses compétences théâtrales. « La direction nous a dit : Pourquoi pas, allez-y, on verra bien ! » Le test s’avère concluant et atteint un succès inattendu. En effet, la chronique format vidéo touche rapidement un large public, de tout âge. Une audience qui oblige à une certaine rigueur, c’est pourquoi la chronique est réglée tel du papier à musique, même si l’improvisation est de mise en cas d’erreurs, oublis ou fous rires, souvent provoqués par les pièges tendus par Kucholl.

Premiers pas

La fibre artistique, Vincent Veillon l’a toujours eue. Ce n’est pas un hasard s’il a pris le chemin de l’ECAL pour ses études. Attiré par la création dès son plus jeune âge, il s’intéresse d’abord au dessin puis se met à la musique et monte un groupe. Il se sent rapidement attiré par la radio, mais en ignore les raisons. « J’avais juste envie d’essayer je crois. J’aimais ouvrir ma gueule. Forcément, même si j’étais pas égocentrique, il y avait un truc, une envie d’avoir les projecteurs sur moi », confie-t-il. Pendant ses études gymnasiales en option artistique à Burier, il crée une webradio. Pas de studio, pas de micro ; les émissions se font depuis chez lui avec le micro de sa caméra. L’expérience le convainc et il contacte Radio Chablais. C’est ainsi qu’il anime sa première émission intitulée « Bleu Nuit ». Seul aux commandes, il apprend à se débrouiller et développe sa créativité. « J’ai énormément appris, surtout techniquement. On faisait tout en ?self?, régie et micro. C’est clair que si je n’avais pas eu cette expérience et que j’avais postulé à Couleur 3, ils m’auraient ri au nez et ils auraient eu raison. C’est un métier qui peut sembler sexy, mais il faut de la motivation et de l’expérience. C’est du travail avant tout. » Vincent a fait du chemin, sans jamais perdre sa motivation. Son but, toujours présent, l’a guidé : « travailler à la 3 était mon objectif. »

Caractère à succès

Hyperactif et perfectionniste, sa position professionnelle n’est pas due qu’à des opportunités ; son caractère charmeur y a joué un rôle. Lorsqu’il se dépeint, il met en avant son énergie et son besoin de la dépenser. Son homonyme, ami et collègue, le décrit comme entreprenant et énergique, mais aussi pointilleux et exigeant. Veillon ajoute : « enthousiaste ». Pas étonnant donc qu’il vive à 200 à l’heure. « Avec moi, c’est en continu, c’est comme la radio, elle ne s’arrête jamais. » Il n’a pas peur de se mettre au travail, une précieuse compétence pour ce métier dans lequel on donne beaucoup de sa personne. « L’envie de partager est essentielle et évolue. Ça doit faire partie de ton caractère, sinon t’es foutu ! » Il en rigole, mais il avoue avoir souvent peur, une émotion intéressante selon lui. « J’ai des craintes quotidiennes en faisant ce métier. Y a le trac, le même que sur la scène. On est très intime avec les auditeurs, donc je me demande tous les matins si je fais juste. Je doute et je me remets en question, c’est nécessaire et c’est sain ! » Vincent est aussi un opportuniste, dans le bon sens du terme. Il a su saisir ses chances au vol, de son poste à 50% jusqu’à la production de « Lève-toi et marche » en passant par son voyage à Kingston pour une opération spéciale de la RTS. Vincent affirme : « C’était tout par hasard, comme d’hab’ ! Quelqu’un d’autre devait y aller, il a eu un problème alors on m’a demandé et étant fan de reggae, je n’allais pas refuser ! » Heureusement qu’il sait saisir les occasions, car il ne veut pas se projeter trop loin dans l’avenir. A 26 ans, il a encore la vie devant lui. « Je ne sais pas ce que me réserve le futur, peut-être que je finirai dans un mayen en Valais à m’occuper de chèvres, je serais très heureux. Je suis un montagnard qui a vécu dans un village de 80 habitants, je pourrai très bien finir paysan. » Sans avoir trop d’attentes, il fait confiance à la vie.

Duo choc

La rencontre de Kucholl et Veillon à Couleur 3 en 2009 fut déterminante. Les deux s’entendent bien et des projets communs germent rapidement. Un duo qui doit son succès aux échanges qu’ils entretiennent. Leur relation n’est pas uniquement professionnelle ; une réelle complicité a vu le jour. « Elle est possible parce qu’on n’a pas de bataille d’égo, c’est vraiment important de ne pas se tirer dans les pattes. C’est beaucoup d’échange, nos idées se complètent. J’ai l’impression que c’est une petite graine ; un la sème, l’autre l’arrose… les idées viennent un peu de cette manière. En plus, on a à peu près la même vision du monde : pessimistes, un peu désabusés ! Les désaccords sont rares. Lorsque ça arrive, on s’engueule, après on argumente et c’est Vincent [Kucholl] qui a raison parce que c’est le plus vieux ! » Ce dernier l’a aussi initié à l’improvisation. Ils prévoient d’ailleurs un spectacle pour 2013, encore « au four » mais qui reprendra l’univers et certains personnages de « 120’’ ».

Avracomédien

Le binôme fait aussi partie de la troupe d’impro Avracavabrac. Un réel plaisir pour le jeune homme qui confesse avoir été séduit par le projet et attendait que Kucholl lui propose d’y participer. « J’étais ravi. C’est un terrain d’expérimentation génial. Cette discipline fait appel à une grande variété de compétences. L’improvisation est désormais nécessaire pour moi. J’en retire des moments vraiment précieux et vivants. » Des moments créatifs qui constituent un bon entrainement pour la radio. « Dans 120’’ parfois je perds mes moyens et à partir de là, c’est du hors-piste, une petite magie. »

Malgré ce brillant parcours, Vincent Veillon n’a pas perdu son humilité. A l’évocation des risques de prendre trop confiance, il répond que c’est une question de vision. « Personnellement, j’ai l’impression d’apprendre tous les jours à faire ce métier, donc le jour où j’aurai tout compris, je changerai de travail. Mais il y a peu de risques que ça arrive, la radio est un domaine dans lequel on évolue tout le temps. » Mais il ne se fait pas d’illusions, peut-être que le succès ne sera pas toujours là. Sa confiance, par contre, ne disparaîtra pas. Aux pessimistes il répond : « Pour la suite, on verra. Les gens nous disent que ça va retomber, qu’on va finir par s’épuiser… Ce jour-là on se réinventera ! La clé c’est de ne surtout pas s’asseoir sur ses acquis et penser qu’on est génial mais continuer de travailler ! »

Propos recueillis par Sandra Hildebrandt

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