On ne va pas en faire tout un cinéma

 

Bosser dans un cinéma, c’est clair que ça fait rêver. On se rapproche un peu de l’ambiance Hollywood et des stars, on détient les clés du loisir de beaucoup de gens, on peut voir des films presque à volonté. Oui, c’est beau tout ça. Mais en général, on a tendance à oublier le revers de la médaille. Le côté ou il faut nettoyer le tas d’ordures laissé par quelques personnes trop fatiguées pour lever la main vers la poubelle ou encore les insultes car le film ne leur plaît pas. Petit florilège des bons et des moins bons moments cinématographiques: mes expériences depuis l’autre côté du rideau.

Etant donné que je travaille dans un petit cinéma de village, il n’y a que deux personnes qui gèrent une séance de film, le projectionniste et le caissier. C’est ce dernier job que je fais pour arrondir les fins de mois de ma dure vie d’étudiante. Et parler de caissier est réducteur puisque en plus de vendre les tickets d’entrée, nous nous occupons de vérifier que la salle soit bien en ordre en arrivant et de contrôler que l’issue de secours soit dégagée. Nous changeons les affiches dans la vitrine, vendons des snacks, des glaces et du café, ce qui n’est pas toujours pratique quand quinze personnes attendent leur tour. Les rangements finaux, le comptage et recomptage de caisse parce que malheureusement, on n’est pas des lumières en math et même passer un coup de pelle à neige devant l’entrée quand les conditions météo sont mauvaises font partie de nos tâches assignées. Bref, il y a pas mal de petites choses à faire.

Mais un des intérêts de ce job, ce sont les gens. Nous sommes là pour leur souhaiter la bienvenue et faire qu’ils se sentent le plus à l’aise possible dans notre cinéma, afin de passer un bon moment et de revenir à la prochaine séance. Mais ça ne se passe pas toujours comme on veut. Il y a plusieurs types de personne. Celles qui arrivent plus d’une demi-heure en avance, pour être sûres d’avoir de la place. En général, elles sont détendues et souriantes, et on a même le temps de plaisanter. En effet, ils ont l’embarras du choix quand à la place vu qu’ils sont premiers. Il y a aussi les retraités, avec l’éternel gag: « deux billets pour vieillards ». Ça permet de détendre l’atmosphère quand on a dû répéter quatre fois à tue-tête le prix du billet. La plupart du temps, à ce moment là, c’est-à-dire vingt bonnes minutes avant le début du film, il n’y a plus grand monde qui arrive, faisant craindre que le public de la séance ne sera composé que d’une petite vingtaine de personnes. Non, les gens préfèrent arriver tous en même temps, dix à cinq minutes avant le début du film. Et c’est là que ça se corse.

Quand il y a beaucoup de monde, il faut se dépêcher de les servir, afin de ne pas faire attendre les autres, et surtout, ne pas prendre de retard dans la séance. Et c’est en général à ce moment-là que ma bosse des math choisit de disparaître (si tant est qu’elle n’ait jamais existé). Les minutes s’égrènent donc pendant que rouge de honte, j’essaie d’effectuer la difficile équation de 100.- moins 26.-. La plupart des clients sont compréhensifs et osent une petite blague. D’autres apprécient moins et le font parfois (bruyamment) remarquer. Une fois tout ce petit monde rentré et confortablement installé dans les sièges en velours rouge, le projectionniste embraie le film. Et après avoir patienté encore quelques minutes pour être prêts à accueillir les possibles retardataires, vient le moment tant attendu du boulot : aller s’installer pour regarder le film. C’est évidemment génial de pouvoir voir toutes sortes de films auxquels on ne se serrait pas forcément intéressés s’il avait fallu payer pour aller au ciné. Et ça, c’est la partie sympa de bosser dans un cinéma. Mais durant le film, il faut quand même prêter l’oreille aux bruits extérieurs à la salle, au cas où certains choisiraient de s’introduire dans le cinéma pour s’acheter une glace. Il y a parfois aussi des personnes qui s’en vont parce qu’elles se sont trompées de film (il n’y a qu’une salle pourtant), ou parce qu’elles ne l’apprécient pas. Mais ça reste des cas assez rares.

En parlant de glace, suivant les films, il y a un entracte. Et ça, ce n’est pas toujours facile à gérer. Une foule de personnes, désireuses d’une glace, d’un coca ou de trouver les toilettes s’agglutine devant le comptoir. Heureusement, le projectionniste compréhensif vient donner un coup de main. Et c’est dans ces moments là que les gens perdent plus facilement leur sang-froid. Plusieurs fois il y a eu des plaintes, où même des menaces d’avertir la présidente parce que la petite dernière avait été au petit coin à la dernière minute et que le film avait recommencé sans elle. Mais encore une fois, globalement les gens sont très sympas et détendus, échangent leurs impressions sur le début du film et s’appliquent à fumer leur cigarette.

A la fin, les personnes, enchantées ou déçues par le film s’en vont gentiment (même s’il y en a toujours deux ou trois pour rester jusqu’à la toute fin du générique) et vient le moment des rangements. C’est en général le moment, où trouvant la salle souillée de papiers et de miettes qu’on se demande si l’humain a vraiment été éduqué. Cette corvée accomplie, on compte l’argent et on ferme le cinéma.

Voici donc un petit aperçu de ce qu’est mon travail là-bas, et malgré les râleurs ou les papiers partout, il est vrai que c’est quand même un job sympathique, que l’ambiance est bonne et que c’est assez classe d’augmenter sa culture cinématographique en travaillant!!…

ChaM

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