Les théories des gènes du comportement ont alimenté de nombreux débats scientifiques et politiques. En 2007, Nicolas Sarkozy avait affirmé dans une interview pour « Philosophie Magasine» que les causes de la pédophilie et du suicide se trouvaient directement dans les gènes. Il avait alors relancé le grand débat opposant l’inné à l’acquis, les gènes face à l’environnement social. La théorie du comportement inné est devenue très populaire. Mais ce qui était à la base une hypothèse scientifique est alors devenue plus proche de la superstition populaire. Le gène a en quelques sortes remplacé le concept religieux du destin, avec dans les deux cas une tendance fataliste à vouloir se déresponsabiliser de ses actes.
Le « chromosome du crime ».
S’il y a bien un acte dont les gens aimeraient ne pas être responsables, c’est bien la violence. C’est dans les années 1960 que l’idée a été popularisée. Un article publié dans la revue « Science » affirmait que les personnes ayant les chromosomes XYY étaient plus violentes et prédisposées au crime. Le New York Times a repris cet article et l’idée du « chromosome du crime » s’est alors propagée dans les séries TV jusqu’à entrer dans les consciences collectives. Cependant, cette théorie était entièrement fausse et a été démentie scientifiquement par l’Académie Américaine des Sciences.
Une famille violente de père en fils.
Trente ans plus tard, le docteur Han Brunner a travaillé sur le cas d’une famille dans laquelle les hommes étaient anormalement violents depuis plusieurs générations. Un jour, une future mère le contacte, se disant inquiète à l’idée d’avoir un petit garçon. Pour cause, un cousin a été en prison pour viol, un oncle a essayé d’écraser son employeur et d’autres ont été jugés pour exhibitionnisme ou encore pyromanie. Le docteur a alors l’intuition qu’il y a un problème héréditaire sur le chromosome X, car les femmes ne sont pas spécialement violentes mais transmettent le gène. Après 6 ans de recherche, il trouve effectivement un gène défectueux sur ce chromosome. Le gène en question diminuait la quantité d’une enzyme appelée monoamine oxydase, censée éliminer l’excès de certains neurotransmetteurs et participer à la régulation de l’humeur. La psychopathie est d’ailleurs due au dysfonctionnement de cette enzyme. Malgré le succès de la recherche, le docteur Brunner affirme que c’est un cas rare et que ce n’est qu’une petite pièce du puzzle. Le gène de la violence est encore loin d’être trouvé…
Les idées reçues sur les gènes.
Premièrement, il n’y a pas qu’un seul gène qui soit à l’origine de la violence ou de tout autre comportement spécifique. Non seulement les gènes interagissent entre eux mais ils sont en plus polyvalents. Deuxièmement, posséder les gènes de la violence ne serait qu’une prédisposition à passer à l’acte, faut-il encore que l’environnement y soit favorable. Revenant sur le débat provoqué par Sarkozy, le docteur Cohen, généticien réputé, remarque qu’il y a énormément d’idées reçues à propos de la génétique : « Il est faux de dire qu’un caractère dépend d’un seul gène, faux de dire que si c’est génétique, c’est héréditaire, faux de dire que le génome détermine le destin, que le comportement ne peut pas dépendre de facteurs génétiques… Hormis pour une ou deux personnes sur cent, l’orthographe de notre génome ne permet pas de prédire avec certitude quoi que ce soit, qu’il s’agisse de notre santé, de notre longévité, de notre comportement. Le devenir d’un être ne dépend pas de son génome ou de son environnement ou du hasard, mais des trois à la fois. » 1
Par conséquent, le gène de la violence n’existe pas. Il y a sûrement une multitude de gènes qui jouent un rôle dans la prédisposition à la violence dont nous ne connaissons pas encore tous les mécanismes. Mais il est certain que l’environnement, le cadre social, l’éducation et même le hasard doivent être pris en compte. L’homme a la capacité de s’adapter, il n’est pas entièrement prisonnier de ses gènes dès la naissance.
S.R. 1www.lefigaro.fr/sciences/20070427.FIG000000025_pr_cohenla_genetique_un_ocean_d_idees_recues.html