Avec les War-logs d’Afghanistan, c’est-à-dire en divulguant environ 400’000 documents secrets sur l’Irak, Wikileaks jette un pavé dans la marre. C’est cette transparence planétaire, plus spécifiquement, est au cœur des débats.
Pour certains, nous avons assisté à la naissance d’un journalisme « alternatif », dont la figure de proue n’est autre que Julian Assange, patron de Wikileaks.
De manière générale, on ne peut que saluer un média qui a prouvé l’utilisation de la torture par l’armée américaine en Irak, ainsi que l’existence de nombreuses bavures militaires et qui a permis la condamnation des courtiers en pétrole de Trafigura, dans l’affaire des déchets toxiques du Probo-koala, en Côte d’Ivoire. En effet, dans cette affaire The Guardians avait été interdit de publication, Wikileaks avait alors pu tirer son épingle du jeu car basé en Suède, le site bénéficie de lois très strictes protégeant les personnes qui dénoncent des abus.
On peut ajouter au palmarès de Wikileaks l’obtention du prix Amnesty Media pour la révélation de centaines de meurtres commis par la police kenyane.
Ce « service de renseignement du peuple » auto-proclamé par Julian Assange, semble n’avoir rien à se reprocher.
En s’intéressant d’un peu plus près à Wikileaks on ne peut s’empêcher de s’interroger sur l’intégrité et la finalité d’un média comme celui-ci. Effectivement, on ne peut que constater l’existence d’un paradoxe entre la demande de transparence planétaire que prône le site et la manière dont celui-ci est géré.
Wikileaks se place comme un média dit « crowdsourcing », c’est-à-dire alimenté en informations par les internautes. Pourtant, dans son fonctionnement, les renseignements envoyés par les internautes sont traités par l’équipe du site, qui prend la décision ou non de les mettre en ligne. Impossible donc, de savoir selon quels critères sont publiés, ou non, les documents reçus, ni de quelles manières ceux-ci sont vérifiés.
Plus dangereux à mon sens que le paradoxe de la transparence, la vulgarisation de certaines données pouvant porter préjudice à la vie d’autrui. En effet, L’AJP (Association des Journalistes Professionnels) a reproché à Wikileaks la parution de données brutes (nom, prénom, adresse…) provenant du dossier Dutroux (affaire de pédophilie très médiatisée en Belgique). Cette publication sans sélection ni aucune mesure de protection de la vie privée des individus révèle «des infos vraies, fausses, très disparates qui mettent en cause une série de gens qui n’ont parfois rien à se reprocher, qui ont simplement été cités dans une enquête, qui se voient ainsi exposés, peut-être au mépris public sur internet, alors qu’en réalité, ces éléments doivent rester secrets dans un dossier judiciaire», comme l’explique le procureur général de Liège.1
Suite à la récente sortie de «l’Israël dirty list 200», liste de 200 officiers et soldats israélien accusés d’avoir perpétré des crimes de guerre lors de l’opération «plombs durci», on peut se demander si Wikileaks n’a pas ouvert la porte à toutes les dérives. En effet, les auteurs de cette liste, qui n’appartiennent pas à Wikileaks, revendiquent le piratage des documents, et encouragent les internautes à procéder de manière similaire.
Au nom de la transparence planétaire, les dommages collatéraux occasionnés par celle-ci sont-ils acceptables? En publiant les noms, et autres renseignements personnels d’officiers et de soldats israéliens sur le net, on peut, en effet, se poser la question de la finalité recherchée par les auteurs. Si Wikileaks a entraîné un véritable tsunami médiatique, celui-ci n’a pas fini de faire des vagues.
DDF
1 Article du temps du mercredi 25 août l’affaire Dutroux sur Wikileaks