LE lanceur de chaussures à la Chaux-de-Fonds :

Munthader Al Zaidi, le journaliste irakien qui avait lancé ses chaussures sur l’ancien président américain George W. Bush, a donné une conférence au club 44 à la Chaux-de-Fonds le mardi 8 décembre.

La vidéo a fait le tour du monde. Lors d’une conférence de presse du président américain Bush et de son homologue irakien, un journaliste se lève et lance ses deux chaussures sur Bush. Les gardes du corps entrent dans la salle, puis plus rien. Que s’est-il passé ensuite pour le journaliste ? Qu’est-il devenu ? Quels sont ses projets ? Ce sont les principaux thèmes qu’il a évoqués lors de sa conférence.

Invité par un ami :
Certains se demanderont pourquoi avoir choisi la Chaux-de-Fonds, alors que Munthader Al Zaidi est soigné dans la Genève internationale depuis plusieurs semaines. La raison est simple et est incarnée par un homme : Olivier Kohler. Grand reporter pour la Télévision Suisse Romande et habitant de la Chaux-de-Fonds, il est le premier a avoir interviewé Munthader Al Zaidi à sa sortie de prison. Cette exclusivité, il la doit en partie à l’avocat du journaliste irakien, Maître Poggia, qui a permis la rencontre entre les deux confrères. La première rencontre a lieu à Bagdad, alors qu’Al Zaidi est encore incarcéré. À sa sortie de prison, il quitte immédiatement l’Irak pour la capitale libanaise. C’est là qu’aura lieu l’interview.
Depuis, les deux journalistes sont devenus des amis. Olivier Kohler a donc grandement participé à l’organisation de cette conférence chaux-de-fonnière. Il s’est également dit très touché par la présence de son ami dans sa ville.

Al Zaidi Fundation :
Lors de sa conférence, Munthader Al Zaidi était accompagné de son frère (qui joue également les gardes du corps), de son traducteur (Imed Aounallah) et de deux policiers, chose rare au club 44.
Il commence par évoquer une actualité irakienne. Le jour même, 125 irakiens sont morts dans des attentats suicides à Bagdad. 500 autres ont été blessées. « Si chacun de ces 125 morts étaient mariés et avaient deux enfants, ils ont laissés 125 veuves et 300 orphelins derrières eux», souligne le journaliste. C’est pour ces personnes-là, les victimes psychologiques de la guerre en Irak, que Munthader Al Zaidi a fondé son association. Cette association, il y pensait déjà lors de ces reportages, quand il était encore journaliste en Irak. Quand, par exemple, il couvrait un combat à Sadr City et que des snipers américains ont abattu des enfants juste devant ses yeux. À travers cette association (Al Zaidi Fundation), il veut redonner l’espoir au peuple irakien, l’aider à aller de l’avant. « Je ne veux pas leur donner un poisson, mais leur apprendre à pêcher », dit-il en reprenant le célèbre proverbe chinois.
Par « apprendre à pêcher », Munthader Al Zaidi entend motiver les irakiens dans un but reconstructeur de leur pays. « L’irakien ne voit pas de futur, juste des tunnels fermés ».
En effet, le gouvernement mis en place depuis l’occupation américaine n’arrive pas répondre aux besoins les plus primaires de son peuple. Par exemple, la plupart des familles irakiennes n’ont pas accès à l’eau courrant ou à l’électricité. De plus, les institutions scolaires « ont effectué un retour en arrière », ce qui a poussé des centaines de milliers d’étudiants à arrêter leurs études pour se trouver du travail ou pour rejoindre des milices armées.

La censure américaine :
C’est toutes ces raisons qui ont poussé le journaliste à lancer ses chaussures sur le président américain George W. Bush. « Quand j’ai vu le criminel de guerre Bush devant moi, je n’ai pas pu m’empêcher de lui lancer mes chaussures dessus. À ce moment-là, je m’étais préparé à mourir, j’avais déjà dépassé la mort », s’exclame le journaliste.
Sur la vidéo de la scène, on voit Al Zaidi lancer ses chaussures sur le président, puis se faire maîtriser par les services secrets américains, mais ensuite, la vidéo s’arrête. « Les services secrets ont ordonné à tous les journalistes de couper leurs caméras. Ils ont ensuite confisqué toutes les cassettes et enregistrements. Ils m’ont emmené dans la pièce d’à côté et m’ont tabassé. Je hurlais de douleur et de l’autre côté du mur, Bush s’adressait au monde » confesse Munthader Al Zaidi.
Les Américains l’ont transféré dans une prison irakienne. Il a passé les trois premiers mois en isolement complet. Il a également été torturé pendant plusieurs mois. « Ils m’ont torturé avec des câbles électriques, il m’ont bandé les yeux et plongé la tête dans de l’eau glacée, ils m’ont frappé avec des barres en fer, des tables et des chaises, ils m’ont cassé le nez, les dents, le dos, les côtes et m’ont fissuré le crâne » avoue l’homme de presse.
Pendant les tortures, il priait pour mourir. Mais avec le recul, il pense qu’il a survécu pour propager un message de paix et pour aider ses compatriotes. C’est pourquoi, un mois après sa sortie de prison, il a créé sa fondation.

Avenir :
Concernant l’arrivée au pouvoir d’Obama et les espoirs fondés sur ce dernier, Al Zaidi répond : « La seule chose qui  a changé entre Bush et Obama, c’est qu’avant il y avait 146’000 soldats américains en Irak et maintenant… Il y en a toujours 146’000 ».

À la question « regrettez-vous votre geste ? », il répond : « je ne regrette rien, je referais exactement pareil ». Bien qu’il ne définisse pas son geste comme étant politique, il incarne désormais la révolte et la volonté d’indépendance irakienne. Un tel rôle est lourd à porter et c’est peut-être la seule chose qui lui fait peur : décevoir. « Je me sens comme un père qui a promis à son fils de lui ramener à manger. J’ai peur de revenir les mains vides ».
Lucien Christen

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