Regard lausannois embusqué dans les gradins ajoulots de la patinoire du Voyeboeuf lors de la quatrième confrontation entre Ajoie et le Lausanne Hockey Club comptant pour les demi-finales des play-off de Ligue nationale B.
La neige tombe dru sur Porrentruy au moment de pénétrer dans la vétuste patinoire du Voyeboeuf dont l’aspect, la taille et la sécurité pour le moins folkloriques ont de quoi provoquer un haussement de sourcil vertigineux chez les habitués de la patinoire de Malley. Mais qu’à cela ne tienne. Même si le public jurassien ne s’est pas vraiment déplacé en masse (2669 spectateurs recensés), l’ambiance est plutôt bon enfant. Et ce malgré l’avantage lausannois plus que conséquent avant la partie (les hommes de Terry Yake mènent 3-0 dans la série au meilleur des sept matches).
Malheureusement, comme on pouvait s’y attendre, les ajoulots ne semblent pas avoir les ressources physiques et mentales pour bousculer un LHC qui n’a aucun intérêt à ce que la partie s’emballe. Même James Desmarais, le maître à jouer des lieux, semble avoir perdu toute sa hargne. Résultat des courses, un premier tiers-temps plutôt ennuyeux malgré l’ouverture du score vaudoise par l’homme du match, Alexandre Tremblay, sur une relance plus qu’hasardeuse de l’arrière garde jurassienne. On se garde bien d’être trop expansif dans l’expression de notre joie car on est tout de même en plein territoire ennemi. Les pieds des spectateurs étant placés comme nous le long de la bande, à quelques centimètres de la glace, commencent gentiment à geler, les douze minutes de pause suivant la fin de la première reprise n’arrangeant en rien la circulation sanguine dans les extrémités en question.
Tout se joue au cours de la deuxième période qui voit six des huit buts de la rencontre. C’est aussi le seul moment où on a l’impression que le kop ajoulot a une chance de sortir de la torpeur dans laquelle l’a plongé le premier tiers du match. Ajoie revient par deux fois à une longueur du LHC, ce qui provoque un début d’encouragements de la part des supporters locaux. Mais la ligne de parade lausannoise composée de Tremblay, Charpentier et Rüfenacht étouffe dans l’œuf ces timides tentatives de révolte (même si la réussite des visiteurs n’est due qu’à «du bol», selon un voisin ajoulot quelque peu dégoûté). Les voix jurassiennes se font de plus en plus enrouées par la même occasion, même si quelques politesses d’une subtilité non feinte fusent à chaque pénalité contre un joueur de la capitale vaudoise. On finit même par ne plus entendre que les supporters lausannois, relégués dans le coin le moins enviable de la patinoire, entonner leur célèbre «sautiller, sautiller» au cours d’une troisième période vide de tout suspense et de toute velléité offensive de part et d’autre. En un mot, soporifique.
C’est dans l’indifférence presque générale (seule la cohorte de supporters venue du canton de Vaud semble apprécier l’issue des débats à sa juste valeur) que les lausannois célèbrent une victoire (6-2) qui conclut la série, victoire ô combien importante pour eux dans l’optique d’une promotion en LNA tant espérée (et tant retardée). Mais la défaite n’est que pure anecdote du côté du public jurassien qui, loin de sombrer dans la déprime, ovationne ses joueurs pour l’ensemble de leur œuvre cette saison. Pendant que les pensionnaires de Malley pensent déjà à leur future confrontation contre La Chaux-de-Fonds en finale (la première depuis leur relégation voici quatre ans), le gros du public jurassien se précipite dans les bars de Porrentruy pour se réchauffer et déguster son liquide au houblon favori. Oui, malgré le froid et une prestation de hockey sur glace bien terne, l’Ajoie était bel et bien au rendez-vous.
Raphaël Iberg