Répond M. Pascal*, interprète et traducteur depuis 35 ans en anglais, russe et français. Avec une grande expérience acquise a travers les diverses organisations pour lesquelles il a travaillé, au niveau du droit international, il donne son avis sur le métier.
Kalina Anguelova
L’interprète de conférence est considéré comme le sommet de la pyramide de ce métier, est-ce justifié d’après vous ?
Tout à fait. Parce que pendant les conférences de haut niveau il faut mobiliser toutes les connaissances et expériences pour pouvoir travailler dans une situation très dure et très stressante, comportant une grande part de responsabilité. Chaque choix de mot est très important.
En tant que traducteur vous avez la vie plus facile non ?
En tout cas moins stressante peut-être. Je préfère la traduction parce qu’elle donne une image plus précise et plus juste des textes. Selon moi, l’interprétation ne donne qu’une image générale du contenu.
Vous avez travaillé pour de nombreuses organisations entant qu’interprète, laquelle a représenté pour vous le plus grand challenge et pourquoi ?
Le BIT. Parce que dans cette organisation le droit international est placé dans un contexte très sensible de la vie quotidienne, celui des employés. En effet, les relations entre les employeurs et les employés et les relations de travail en général sont à la base de la stabilité de n’importe quel Etat. Cela touche tout le monde sans exception.
La traduction de roman pose déjà des problèmes, que dire de l’interprète de conférences traduisant en temps réel, ou même décalé, sous des contraintes comme la pression, le temps, le bruit…Etant interprète de conférence, vous considérez-vous en tant que surhomme ?
Dans une certaine mesure oui. C’est pourquoi l’interprète international ne travaille pas plus de six heures par jour et a impérativement des pauses de 30 minutes après chaque 30 minutes d’interprétation. Bien évidemment, il faut avoir une grande culture générale et un temps de réaction très rapide.
L’interprète placé à un haut niveau de décision politique peut être tenté d’influer sur le cours de l’Histoire, si parfois le résultat s’avérait positif, cela n’a pas toujours été le cas, comment minimiser ce risque, est-ce possible ?
Tout d’abord, l’expérience acquise lors de conférences moins importantes joue un grand rôle. Il faut être fidèle à la volonté de celui qui s’exprime. De plus, la plupart des discours sont enregistrés ou directement retranscrits, ce qui ne laisse pas une très grande marge d’imprécision pour l’interprète.
En adoptant une seule langue de communication entre les différents acteurs de l’enjeu décisionnel au niveau international, minimiserait-on les risques de mal interprétation, plutôt que chaque acteur s’exprime en sa propre langue et qu’on en fasse l’interprétation ?
Ce n’est pas une bonne solution. Car c’est toujours plus facile de s’exprimer dans sa propre langue. Cela permet de participer pleinement aux discussions. C’est pourquoi le système onusien reconnaît 6 langues officielles (l’anglais, le français, l’espagnol, l’arabe, le chinois et le russe). Ainsi, les représentants des différents pays peuvent s’exprimer clairement et les personnes qu’il représente peuvent le comprendre facilement.
S’il est vrai qu’à certaines époques les interprètes étaient mal vus puisqu’ils prenaient de grandes libertés en adaptant les traductions au goût de leur époque, voire même à être considérés comme menteurs, pourrait-on parler d’eux aujourd’hui de la sorte ?
Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Les connaissances des langues étrangères augmentent. Ceux qui sont présents à une conférence parlent souvent plusieurs langues. L’interprète, en tant que professionnel, est plus expérimenté et est sous un contrôle permanent des participants, qui peuvent ne pas connaître parfaitement les différentes langues mais qui connaissent les aspects techniques de la discussion. Il existe aussi un organe de contrôle et un service technique, qui s’assurent de la qualité de la traduction.
Finalement l’interprète reste un humain avec des limites qui ne pourront pas sans cesse être repoussé, alors les machines prendront sûrement la relève, croyez-vous que c’est pour bientôt ?
Avec l’évolution technologique en matière de programme de traduction, il n’est pas impossible de voir un jour un ordinateur qui enregistre, interprète, et rediffuse l’information en temps réel, lors de conférence. Mais ce n’est malheureusement ou heureusement pas encore le cas.
*Pascal nom connu de la rédaction