L’organisation de l’Euro 08 par la Suisse et l’Autriche est une chance qui ne se reproduira pas de sitôt pour ces deux nations. Un tel événement génère des retombées financières de plusieurs millions de francs pour les pays hôtes. Toutes les entreprises entendent donc profiter de cette opportunité afin de faire parler d’elles. Cependant, le Crédit Suisse se serait certainement passé de cette publicité…
par Christophe Voyame
L’Euro approche à grands pas. L’Euro, c’est l’occasion pour tous les passionnés de football de vibrer au rythme de leur équipe favorite, de faire la fête, tout en exhibant fièrement toute la panoplie du parfait supporter achetée pour l’occasion. En effet, qui ne s’est pas procuré ne serait-ce qu’un maillot, une casquette, un drapeau ou encore une écharpe aux couleurs de la Nati par exemple ? Peu de monde, vous en conviendrez. Mais l’Euro, c’est aussi et surtout une aubaine pour les entreprises suisses, qui usent de toutes les stratégies de promotion possibles et inimaginables afin de tirer leur épingle du jeu médiatique. Cependant, ces publicités peuvent parfois s’accompagner de dérapages, comme cela est arrivé au Crédit Suisse.
Afin de mieux comprendre la situation, un petit retour sur les faits s’impose.
Le 16 avril dernier, le Crédit Suisse lance une campagne de promotion qui consiste à distribuer quelques 200’000 ballons de football à des enfants à travers toute la Suisse. En prime, les plus chanceux ont l’occasion de faire dédicacer leur cuir par Köbi Kuhn en personne. Cette action est destinée, selon le Crédit Suisse, à « donner aux enfants et aux jeunes l’envie de jouer ».
Bien évidemment, les « vraies » raisons sont de l’ordre du marketing publicitaire. Le Crédit Suisse – comme de nombreuses entreprises helvétiques – profite de l’Euro et de son impact financier colossal pour se mettre sous les projecteurs avec ce genre de promotion. Et tout se déroule comme prévu jusqu’au moment où la médiatisation se retourne contre la banque et que le scandale éclate : l’émission de SF « 10 vor 10 » révèle que les ballons auraient été fabriqués au Pakistan par des enfants, pour seulement 39 centimes ! De plus, ce salaire ne correspond qu’à la moitié du tarif en vigueur au Pakistan pour ce genre de travail.
Mais le problème le plus épineux est bien entendu celui du travail des enfants. Ce dernier étant illégal, le Crédit Suisse effectue immédiatement sa propre enquête et doit se rendre à l’évidence : la clause du contrat avec le fabricant stipulant l’interdiction de faire travailler des enfants n’a pas été respectée. Son porte-parole, Jean-Paul Darbellay confesse : « nous pensions avoir pris les précautions nécessaires ».
Cette action, dont le but était de redorer le blason du Crédit Suisse auprès de la population, est un échec. Cependant, cette affaire a le mérite de nous faire réfléchir sur la question des stratégies de promotion et les dérives qui les accompagnent parfois. En effet, à force de vouloir frapper toujours plus fort que ses concurrents sur le marché publicitaire, les entreprises vont toujours plus loin, allant même jusqu’à enfreindre la loi. Et tout cela au nom des sacro-saints intérêts économiques qui gouvernent notre monde ! La question est de savoir jusqu’où les firmes iront pour obtenir la plus grosse part du gâteau…
Ces allégations ne concernent bien évidemment pas le seul Crédit Suisse, mais l’épisode des ballons est un exemple d’actualité qui illustre fort bien cette problématique.
Cependant, tout n’est pas négatif dans cette histoire. En effet, la médiatisation de cette affaire permet de dénoncer et de mettre en lumière des usages courants. Car il ne faut pas se leurrer, le travail des enfants a toujours existé (et existera toujours ?). C’est pourquoi, il n’est pas nécessaire de dramatiser outre mesure le cas des ballons du Crédit Suisse.
Toutefois, il est intéressant de constater que les dérapages promotionnels s’effectuent toujours dans le même sens, dans un contraste saisissant : au profit des pays industrialisés et au détriment des pays en voie de développement…
Les Occidentaux, capitalistes, considèrent les pays du Tiers-monde comme leurs ateliers où la population n’est à leurs yeux qu’une vulgaire main-d’œuvre permettant de générer du profit. Ne serait-ce pas cette attitude, plus que le travail des enfants, le non respect des Droits de l’Homme ?
Ch.V