Article basé sur le texte de Jean-Pierre Terrail, professeur de sociologie à l’Université Versailles-Saint-Quentin-en-Yveniles. Parution dans Nouvelles luttes des classes, sous la direction de Jean Lojkine, Pierre Cours-Salies et Michel Vakaloukis, Paris, PUF, 2006.
En France, l’intégration des immigrés et des couches sociales populaires dans le système éducatif est un problème de longue date. Selon Jean-Pierre Terrail, quarante années de « lutte contre l’échec scolaire » n’ont pas suffit à résoudre l’inégalité des chances scolaires. Cette situation est-elle pour autant incurable ? La démocratisation scolaire, une utopie ?
C’est à la suite du refus du collège (équivalent de l’école secondaire suisse) unique par une majorité d’enseignants et de la volonté d’opérer une sélection précoce des élèves qu’il faut s’interroger sur un certain phénomène de ségrégation sociale, peut-être inconscient. Serait-il mieux segmenter les élèves, les regrouper selon leurs capacités pour favoriser une progression que Jean-Pierre Terrail qualifie d’ « à la marge » ? Du moins, c’est ce qu’estiment la plupart des enseignants.
Ségrégation scolaire : couches populaires victimes
Les principales victimes sont les couches populaires qui ont tendanciellement davantage de handicaps socioculturels quasi insurmontables. Toutefois, d’après Jean-Pierre Terrail, « dire que les jeunes issus des milieux populaires sont moins bien préparés à répondre aux exigences scolaires ne démontre en rien leur incapacité à accomplir néanmoins une scolarité convenable ». Ainsi les enfants en difficulté, le seraient non pas uniquement à cause d’incapacités intrinsèques ou de manque de motivation, mais aussi et surtout à cause de la violence des relations quotidiennes. Violence qui est souvent d’ordre symbolique. Les enfants des couches populaires intériorisent les représentations que la société se fait d’eux. Cela peut se traduire par la démotivation et un manque d’activité intellectuelle.
Ni abrutis, ni démotivés de naissance
Mais comme le dit Terrail, « ils ne sont pas nés démotivés, et ils ne l’étaient toujours pas à l’entrée de l’école élémentaire dont ils attendaient avec confiance qu’elle leur enseigne ces savoirs du lire écrire et compter qui permettraient de devenir grand. C’est l’expérience douloureusement vécue d’une appropriation impossible des bases de la culture écrite qui, entre le CP (école primaire) et le collège, les a conduits au découragement ou au rejet de l’école ».
L’inégale affectation des ressources et les attentes des professeurs
Au fond, pourquoi les enfants des couches populaires ont-ils davantage tendance à de ratages scolaire ? – Ceci est dû au fait que les conditions et la qualité d’enseignement s’ajustent à la qualité sociale du public. Les meilleures filières se trouvent souvent dans les centres-ville des grandes agglomérations, et dans les beaux quartiers. L’enseignant aussi peut jouer un rôle inconscient de juge. Il a tendance à se représenter les ressources intellectuelles de ses élèves en fonction de la position de leur groupe social. Les élèves de haute couche sociales intériorisent plus facilement les attentes positives du professeur. Par contre les attentes négatives du maître découragent et démotivent les autres.
Adapter son enseignement selon ses élèves ?
Le fait d’avoir dans leur classe des élèves de niveau faibles poussent en général les maîtres de classe à revoir à la baisse leurs ambitions initiales. Ainsi par exemple, ils ne traiteront qu’une partie du programme, laissant de côté les aspects trop théoriques (comme la grammaire et les théories mathématiques) pour privilégier les aspects pratiques. Ce procédé favorisé par le regroupement par classes d’élèves de niveau médiocre creuse les écarts de niveau scolaire.
D’après l’avis de l’expert, « face à ces formes de la scolarisation de masse, les élèves d’origine populaire sont doublement pénalisés : parce qu’ils ont particulièrement besoin d’une transmission explicite des codes de base et des repères théoriques essentiels (par exemple la grammaire), que les autres ont davantage pré-intégré dans leurs habitudes mentales ; et parce qu’ils ne disposent pas chez eux de l’aide qui leur permettrait de surmonter les difficultés spécifiquement suscitées par ces pédagogies ».
Issues possibles
La transformation de l’enseignement, malgré le fait que ce soit une entreprise bouleversantes serait une solution pour que chacun ait le droit au savoir et à la formation. La difficulté de cette transformation provient du fait, que les inégalités scolaires légitimes les inégalités sociales.
M. M.