Sous le chapiteau des campagnes électorales pour les votations du 5 juin, concernant les accords Schengen/Dublin; l’UDC se démarque de ses rivaux. Par son habileté à jongler avec de faux arguments, par sa capacité à escamoter la vérité et par ses virevoltes populistes, il nous trompe. Tout ce manège électoral prêterait à sourire si l’acteur principal de ce cirque n’occupait pas la plus haute sphère du pouvoir et que les intérêts mis en jeu ne concernaient l’avenir de notre pays.
Joëlle Besse
Le premier tour de manège.
Un début de campagne en fanfare où l’étendard de la peur est brandi sans vergogne. Des affiches aux relents sulfureux des années trente, aux connotations fascistes à peine masquées, ont fleuri sur les murs de nos villes, véhiculant un message d’autant plus violent que mensonger. L’UDC use et abuse de raccourcis démagogiques totalement ineptes, tel que celui d’assimiler une signature des accords à une invasion de criminels ukrainiens ou de travailleurs polonais, pour ne citer qu’un de ces amalgames grossiers utilisés par Mr Freysinger, conseiller national UDC, lors de l’émission Infrarouge diffusée sur la TSR au sujet des prochaines votations.
Face au peu d’écho rencontré lors de leur campagne, le spectre de la peur n’ayant pas eu l’effet escompté, l’UDC a appelé M. Blocher à la rescousse lors de la commémoration du 60ème anniversaire de la fin de la deuxième guerre mondiale, le conseiller fédéral s’est alors empressé de nous gratifier d’un discours dans lequel il n’a pas hésité à remettre en cause la souveraineté de la Suisse au terme d’un tel accord, en comparant en termes à peine voilés, nos voisins européens à nos ennemis nazis de l’époque, un amalgame de plus qu’il a servi avec un bel aplomb, rompant ainsi la collégialité du conseil fédéral.
Une ou deux pirouettes.
Comme si cela ne suffisait pas, voilà qu’ils accusent notre gouvernement de vouloir par le biais de ces accords nous mener vers l’adhésion, auraient-ils oubliés qu’ils sont eux-mêmes précurseurs de la mise en place des bilatérales pour ainsi éviter une entrée dans l’Europe et qu’ils sont eux-mêmes les instigateurs du référendum qui nous mèneront aux votations sur les accords Schengen/Dublin. Ces accords, au contraire, donneraient à la Suisse tout le temps nécessaire à une réflexion sur le bien-fondé d’une éventuelle intégration européenne. De surcroît comme s’est plu à le rappeler M. Jean Studer, conseiller d’état socialiste, dans l’émission Forum de la RSR diffusée en début de ce mois : «Les accords Schengen/Dublin sont les 19ème accords signés par la Suisse avec l’Europe depuis 1972, cela n’est donc qu’un accord de plus vers les bilatérales II et non pas une quelconque stratégie.»
Comme une cerise sur le gâteau, se sentant isolés parmi tous les autres partis politiques, jusqu’aux membres de leur propre parti, les blochériens nous jouent la carte de la victimisation. Se sentant muselés dans l’expression de leurs revendications au sein même du gouvernement, ils font appellent au peuple en sortant l’artillerie lourde, sous forme d’un gigantesque cheval de Troie accouchant de Ben Laden, cette dernière trouvaille tombe carrément dans l’ubuesque, mais que doivent donc penser nos voisins ?
Et ce qu’ils en pensent…
L’Union syndicale neuchâteloise, quant à elle, dénonce au travers d’un tract distribué que «la démagogie xénophobe et anti-européenne de l’UDC sert de paravent à un programme ultra-libéral, révélé par ses publications et ses prises de position au parlement, règne absolu des marchés, démantèlement des services publics et privatisations.» N’oublions pas que Christophe Blocher est issu d’un milieu bourgeois, milliardaire, ce dont il ne fait pas étalage, il préfère mettre en avant son apprentissage de paysan, contrainte de ressemblance évidente, stratégie politique où il doit s’identifier à ses électeurs pour récolter leurs votes, il y a toujours plus de gens humbles que de milliardaires…
Chantal Balet, représentante de l’économie suisse, a récemment envoyé un courriel à nos élus politiques romands, dans lequel les dix arguments anti-Schengen/Dublin de l’UDC sont réduits à néant.
Joint par téléphone, Jean-René Germanier, conseiller national radical, nous confiait ceci :
«Quoiqu’en disent les conservateurs nationalistes, les accords Schengen/Dublin renforceraient la sécurité et limiteraient les demandes d’asile, le parti perdrait ainsi ces deux chevaux de bataille qui l’ont fait élire : la sécurité et l’immigration. Leur fonds de commerce ainsi mis à mal, leur électorat fondrait comme neige au soleil. Leur campagne actuelle n’est rien d’autre que du marketing politique servant à ratisser large. A mon avis, c’est le commencement de leur déclin.»
Déjà Micheline Calmy-Rey, lors de son exposé au congrès du PS fin 2004, reproche à l’UDC «le manque de respect envers les principes de notre démocratie, en jouant avec les peurs des citoyens et en racontant n’importe quoi.»
La grogne règne donc au sein de tous les milieux politiques énervés par les procédés électoraux retors utilisés par les nationalistes. Il apparaît donc que ni nos édiles politiques, ni les syndicats, ni le patronat ne soient dupes des mensonges éhontés distillés par l’UDC. Ne sous-estimant pas l’intelligence de M. Blocher et de quelques uns de ses pairs, nous sommes en droit de nous demander quels sont les véritables desseins politiques de la droite populiste.
JB