Interview

Le graffiti

Même s’il connaît un succès croissant depuis une vingtaine d’années, le phénomène du graffiti existe dès l’instant où les premiers hommes ont trouvé de quoi écrire. La preuve les dessins d’animaux, entre autres, retrouvés dans les grottes de Lascaux. Si cette manière de s’exprimer a disparu durant des siècles, elle est revenue sous formes de messages de révolte durant la 2ème Guerre Mondiale. Des injures antisémites sont apparues sur les murs des villes. Injures auxquelles les Juifs ont aussi rétorqué par le biais des inscriptions murales.


Ce n’est qu’à la fin des années 70 que le graffiti tel que nous le connaissons aujourd’hui a fait son apparition à Philadelphie mais surtout à New York. Des artistes comme Jean-Michel Basquiat (1960-1988) ou Keith Haring (1958-1990) en sont les pionniers. Tous les deux voulaient, Basquiat avec des poèmes sprayés sur les murs et Haring avec ses dessins dans le métro (cf. photos), communiquer des messages au plus grand nombre de personnes possibles. Trouvant l’atmosphère des musées et des galeries trop fermés et visités par un nombre de spectateurs trop restreinte, la rue était alors un endroit propice à leur art. Malgré leurs « débuts illégaux », chacun a tout de même chacun intégré des galeries d’art et des musés réputés.
Si vous êtes intéressés à voir ce que Jean-Michel Basquiat a peint, car hormis le graffiti c’est un grand peintre qui a collaboré avec Francesco Clemente ou Andy Warhol, une exposition d’une partie de son œuvre a lieu au Musée d’Art Moderne de Lugano jusqu’au 19 juin prochain.

Passons maintenant à l’interview d’un jeune de la Riviera pratiquant le graffiti :

Pourquoi as-tu commencé le graffiti et à quel âge ?
Les copains essaient les tags*, tu essaies de ton côté et finalement tout le monde peint ensemble. C’était par curiosité. J’ai commencé à la fin du collège il y a un peu moins de 6 ans.

Pourquoi s’exprimer sur les murs urbains ?
Pourquoi pas ?

As-tu d’abord fait du graffiti légal ou illégal ?
Durant ma première année ce n’était pas réellement du graffiti, plutôt des tags. Mes premiers essais de graff* se trouvent sur des murs et piliers de ponts cachés dans la forêt ou du moins dans des endroits sans de passage, donc illégal. D’ailleurs comment voudrais-tu commencer légalement en affichant des graffs immondes à tout le monde ? Non, d’abord il faut s’entraîner avant de s’imposer.

Laquelle de ces 2 manières de graffer préfères-tu ? Pourquoi ?
Clairement l’illégal. Le légal c’est ce qui te permet de mettre au point de nouvelles formes, de nouvelles techniques, d’organiser les différentes étapes de la pièce. Une fois le lettrage* bien maîtrisé tu vas le faire sur un spot* où personne ne se trouve et surtout où personne ne te repassera*. Celui qui souhaite faire sa galerie d’art uniquement avec des pièces légales peut oublier. Dans les fames* tu te fais direct repasser. Mes pièces restent, c’est le temps qui les efface. Quel kiffe quand t’es sur l’autoroute de voir tes pièces défiler ! C’est ça une galerie d’art pour tout public.

Comment choisis-tu tes pseudonymes ? Selon les lettres ? Selon leur signification ? Les deux ?
J’ai un ensemble de lettres qui me plaisent et que je ne maîtrise plus. Je les combine de manière à trouver de bons mots de préférence avec une signification, mais le choix des lettres prime sur une éventuelle signification.

Préfères-tu graffer seul ou en groupe ?
En groupe bien sûr mais c’est un hobby et quand t’as trouvé un pur spot et que personne ne veut venir le peindre avec toi, tu ne renonces pas pour autant. Ça c’est pour l’illégal. Pour le légal c’est super lourd de peindre seul. En légal il faut : 1) du soleil, 2) des potes et 3) des bières.

As-tu connu les membres de ton groupe grâce au graffiti ou les connaissais-tu déjà avant ?
De quel groupe parle-t-on ? Légalement c’est plutôt des copains de longue date et on a commencé ensemble. Certains d’entre eux sont restés dans l’illégal aussi mais les gens avec qui je peints illégalement, je les ai plutôt connus par l’intérêt commun.

As-tu un message à faire passer à travers tes graffitis ?
Non, en général pas. Illégalement c’est juste un peu de pub (ndlr : envers le milieu du graffiti). Légalement c’est purement pour moi.

Que t’apporte le graffiti ?
Premièrement, c’est un hobby. La distraction qui est indispensable à mon bon équilibre, que je devrais faire une fois par semaine au moins mais ça n’est pas le cas et ça me saoule.
Deuxièmement, je crois qu’il ne faut pas se le cacher : quand tu peints et qu’ensuite des gens viennent te féliciter, c’est trop kiffant, gratifiant, ça te donne un peu une identité. Mais ça t’apporte aussi de faux amis qui ne veulent se retrouver sur le même mur que toi que pour se la péter.

Penses-tu arrêter un jour ? Pourquoi ?
J’arrêterai quand j’aurai craché mes poumons ou quand  mes jambes ne me porteront plus car je serai trop âgé. Ou le pire des cas serait que je me fasse coller parce que là ça ferait cher…
Virginie Burion

Voyage

La découverte du dragon vietnamien

Jo, Catherine, et Sophie, tous étudiants en graphisme à Lausanne, ont passé un mois au Vietnam l’été dernier. Ce vaste pays s’étend du delta du Mékong à la baie d’Along, de la mer de Chine  aux montagnes du Haut Tonkin. Découverte du  dragon vietnamien qui renaît de ses cendres après un passé historique tumultueux, découvrant sa vraie nature, authentique, merveilleuse, et émouvante dans son dénuement.

Tout d’abord, pour des raisons économiques et de visa, ils ont atterri à Bangkok. Effectivement cela coûte moins cher d’aller à Bangkok et de partir en bus pour le Vietnam.
Bangkok, humide, polluée, surpeuplée, arnaques, touristes, bref pareille à elle-même, il fallait partir tout de suite. C’est donc à Kao San Road, « camp de base » des routards, qu’ils ont pris un billet de bus et acheté un visa pour le Vietnam. Départ en direction de la « Perle de l’Orient ». Après environ 13 heures de trajet, un premier arrêt à Angkor au Cambodge (autre avantage de faire le voyage par la Thaïlande).
« C’est un site complètement hallucinant qu’il faut absolument voir » nous affirme Jo. Ils offrent des pass pour 1, 3 ou 4 jours. Nos trois aventuriers ont opté pour la solution 3 jours à 40 USD. « C’est un peu cher, mais ça vaut vraiment la peine ». Le bon truc, c’est de louer des vélos, de se balader à son rythme et de découvrir les trésors des civilisations passées. C’est aussi une bonne solution pour sortir un peu des sentiers battus envahis de touristes. Pas un coin d’ombre dans ce parc historique monstrueux, alors attention au soleil !
Reprise d’un bus et cette fois pas d’arrêt avant Hochi Min City (ancienne Saigon), mis à part à la douane où il vaut mieux avoir son visa et surveiller ses bagages!
Une ville très large au niveau des rues, un trafic ahurissant (environ 9 millions de motos), malgré cela on peut traverser les yeux fermés tant qu’on le fait en diagonale… Les gens sont très accueillants, ils viennent très facilement vous faire la conversation, notamment les plus vieux qui parlent encore le français (le Vietnam était colonisé par les Français jusqu’en 1945). Une ville très sympa et très culturelle, il y a de multiples temples à visiter.
Sophie ayant déjà visité la région avec « Nouvelle Planète », leur a fait profiter de ses relations. Ils ont pris contact avec un jeune homme qui les a emmené dans deux petits villages authentiques où aucun touriste ne pointe son nez. « C’est le genre de village où l’on découvre vraiment la vie vietnamienne tant au niveau des gens que de la nourriture ». Ces deux villages se trouvent dans le Delta du Mékong, région très agréable, mais qu’il vaut mieux l’arpenter avec quelqu’un qui connaît, à moins d’être  un grand aventurier dans l’âme.
Retour à Hochi Min City pour prendre un « open bus ticket ». C’est une sorte de package qui permet de sillonner le pays à son rythme, en allant dans les villes que l’on veut, sans se soucier à chaque fois de prendre un ticket de bus. Lors de ces itinéraires à la carte, on peut faire 10 arrêts au maximum et il faut simplement avertir la compagnie de bus 24h à l’avance de son départ. (Attention pour Hue et Hoian il y a beaucoup de monde, il vaut donc mieux prendre les devant !) Non seulement c’est pratique mais en plus c’est la solution la moins chère (environ 19 USD) pour remonter le pays depuis le delta du Mékong à la baie d’Along.
Bus donc pour aller à Nha Trang. Aucun intérêt, si ce n’est la plage s’il fait beau. La ville en soi ne vaut vraiment pas le détour, à tel point que nos trois routards n’y ont même pas passé une journée. Ils ont attendu le prochain bus qui les emmènerait à Hoian.
« C’est l’endroit où il faut aller à tout prix ! C’est la plus belle ville du Vietnam.» Cette ville, épargnée par la guerre, est formée de maisons relativement basses et très colorées. Jo a eu un sentiment de tranquillité provençale à la sauce asiatique ! Des petits bars qui donnent sur un port avec de vieux bateaux. Des petites allées où il fait bon de prendre son temps tout simplement. C’est une ville qui respire ! C’est aussi La ville des tailleurs, on y trouve même un marché de tailleurs. Possibilité de se faire faire sur-mesure un des multiples costumes qu’ils proposent, Et cela pour rien du tout et en 24h !
Grands adeptes du vélo (la solution la plus agréable pour sillonner les villes), Catherine, Sophie et Jo sont partis un petit peu au nord pour profiter d’une plage qui leur a été vivement conseillée. « Surtout ne pas se laisser impressionner par les restos touristiques qui ne valent vraiment pas la peine ! » Il faut y aller le soir, car à la tombée de la nuit des centaines de Vietnamiens y viennent, soit avec leur cuisine ambulante, soit simplement pour profiter de la bonne cuisine des autres. Il faut donc y aller pour manger quelque chose et surtout ne pas repartir sans s’être baigné. Rentrer dans une eau noire ça fait peur mais ça vaut vraiment le coup ! Pourquoi ? C’est au plus aventurier d’entre vous de le découvrir, je ne vais pas vous gâcher la surprise…
Difficile de quitter cette ville, mais le temps passe et il y a encore plein de belles choses à découvrir, notamment Hue.
Le court trajet en bus pour y arriver est grandiose. Le véhicule s’engouffre dans une forêt à végétation luxuriante et sèche. Les plantes de « base » semblent se faire engloutir par une sorte de tapis glouton et vivant qui, à l’image d’une bête, déguste sa proie lentement mais sûrement. Des falaises bordent la route ainsi que des rizières flamboyantes au coucher du soleil.
Hue est une ville où la vie est un petit peu plus chère, surtout les hôtels. Il a plus de monde aussi, est-ce à cause de la cité impériale ? Prendre une demi-journée pour visiter cette cité vaut vraiment la peine. Ses temples rouges, jaunes, bleus aux boiseries époustouflantes et  cette odeur d’encens qui vous enivre, c’est magique… À nouveau c’est une ville qu’il fait bon visiter à vélo. Ses petites ruelles pleines de charme, sa librairie (très connue), ses cafés mondains et ses marchés colorés en font une escale obligatoire avant de filler vers la capitale.
Hanoi, mégapole bouillonnante où il y a toujours quelque chose d’intéressant à voir ou à faire. Si vous arrivez de Bangkok, une impression de déjà-vu vous envahira, mais c’est une ville plus accueillante et sympathique que cette dernière.Le centre ville se forme de petites ruelles qu’il fait bon arpenter à pied, s’aventurer plus loin ne vaut pas vraiment le coup, c’est vraiment pas terrible. Allez admirer les laques, les soies et les batiks du splendide musée d’art asiatique. C’est surprenant et culturellement parlant très intéressant.
S’il vous reste un jour, peut être que la Baie d’Along et ses rochers à la James Bond vous plairont. C’est une excursion qui vaut la peine pour les paysages et pour les vieux bateaux aux poupes en forme de têtes de dragon, mais il faut faire le poing dans la poche au niveau du tourisme de masse !  Si vous avez plus de temps, peut être qu’un trek de deux jours serra plus à même de répondre à vos attentes. Les bateaux vous emmèneront vers des îlots plus éloignés. Pour ce genre de journée, il faut prévoir un peu plus d’argent. Les Vietnamiens ne sont pas fous, vu l’affluence de touristes les prix grimpent !
Le voyage s’est terminé par un retour sur Bangkok par les airs (pour environ 100 FRS) et par une visite des principaux sites de la capitale et de ses environs.

Ces trois étudiants ont découvert un pays fabuleux, né de l’eau et du riz, forgé dans la lutte et les combats, encore gouverné par de très vieilles valeurs  issues du confucianisme et du bouddhisme, mais aussi un peuple courageux  et  intelligent, capable de passer sans mal du char à bœufs à la voiture climatisée, de l’aò dài à la minijupe, de la pirogue à l’airbus.
Mélanie Francioli