Analyse

Coup de grâce pour Swissinfo

Le 22 mars dernier le Conseil administratif de la SRG SSR Idée Suisse annonçait la disparition de Swissinfo sous sa forme actuelle, avec la suppression de 70 à 80 postes de travail sur 120. Il n’en restera qu’un service Internet en anglais. Les mesures prises devraient permettre d’économiser 16 millions de francs par an – économies nécessaires, selon la SSR, après la suppression d’une partie de la contribution financière de la Confédération Suisse.
Steve Remesch

Depuis le démantèlement de Radio Suisse Internationale (RSI) en octobre 2004, Swissinfo assurait le rôle de « voix de la Suisse à l’étranger » en  tant que plateforme multimédia de la SSR – pas uniquement pour les Suissesses et Suisses vivant à l’étranger, mais aussi pour le public international en général. Afin d’assurer une couverture mondiale, Swissinfo offrait ses services en anglais, français, allemand, espagnol, portugais, arabe, japonais et chinois. De tous ces services, seul subsisterait une rédaction anglophone de 7 personnes assurant une édition réduite à la moitié de sa taille normale.
Le télétexte situé jusqu’à  présent à Bienne, sera aussi réorganisé pour être produit dans les studios régionaux de la SSR. Les informations brèves seront diffusées à l’avenir 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, pour alimenter les différents sites de la SSR. La production et la diffusion de sous-titres seront maintenues par Swisstxt. 

Une mauvaise plaisanterie
Le syndicat des médias Comedia considère le recours à la seule langue anglaise pour ce portail comme « une mauvaise plaisanterie, qui ignore tout du primat des quatre langues officielles de notre Etat ». Comedia estime aussi que l’offre d’information, existant jusqu’ici, fait partie intégrante du mandat de prestations lié à l’attribution légale d’une concession à la SSR en tant que service public.
De son côté, Mathieu Fleury, secrétaire central de la Fédération Suisse de Journalistes estime que  les raisons évoquées par le conseil administratif de la SSR ne sont pas valables : « Le prétexte des finances est une mauvaise raison, ou seulement un moyen de pression sur les politiciens pour revenir en arrière sur les coupures de budget prévues ».
Le Conseil National va probablement se charger de Swissinfo et Swisstxt en juillet dans le cadre des débats sur la révision de la loi sur la radio et télévision (LRTV).Le Département Fédéral de l’Environnement, des Transports, de l’Energie et de la Communication (DETEC) et le Conseil Fédéral ne vont prendre position qu’en automne.

Actualité

Liberté de la presse dans le monde, un triste bilan

20 ans de combat pour la liberté de la presse

A l’occasion de la 15e Journée internationale de la liberté de la presse, le mardi 3 mai prochain, Reporters Sans Frontières fêtera ses 20 ans. Le triste bilan de 2004, présentant de longues listes de journalistes agressés, emprisonnés ou tués, démontre que le combat de cette organisation est plus que jamais nécessaire.
Steve Remesch

C’est en 1985 qu’un journaliste de Radio France International, Robert Ménard, prend l’initiative de fonder une agence de presse alternative sous le sigle Reporters Sans Frontières. La vocation est de garantir un suivi aux conflits internationaux, surmédiatisés dans un premiers temps, tombés dans l’oubli dans un deuxième. Rapidement RSF se rend compte que la couverture de conflits et la  dénonciation de l’injustice ne vont pas sans révéler les soucis inhérents au métier d’informer. La défense de la liberté de la presse devient rapidement le cheval de bataille des Reporters Sans Frontières.
Aujourd’hui RSF dispose d’un conseil d’administration composé de journalistes  et de membres de la société civile. Le secrétariat international compte 33 personnes et peut compter sur un travail de veille de 150 correspondants. Aux 9 sections nationales (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Grande-Bretagne, Italie, Suède et Suisse) s’ajoutent des représentations à Abidjan, Bangkok, Istanbul, Montréal, Moscou, New York, Tokyo et Washington. A coté de son rôle de gardien de la liberté d’informer, RSF essaye d’assurer un soutien aux familles des journalistes agressés, pris en otage, emprisonnés, tués « pour avoir voulu nous informer ». RSF alloue des bourses d’assistance aux familles démunies, finance les frais d’avocat lors de procès de presse, accueille des journalistes contraints de fuir leur pays et prête des gilets pare-balles identifiés « PRESS » aux journalistes indépendants se rendant en zone de conflit. Le financement n’est guère assuré par la contribution des membres. RSF compte surtout sur le sponsoring, des subventions, des parrainages et sur la vente de l’annuel album de photos « Pour la liberté de la presse » qui peut rapporter jusqu’à 80’000 francs par année.
Dans les 4 premiers mois de 2005 Reporters Sans Frontières déplore déjà 11 journalistes tués,  102 journalistes et 75 cyberdissidents emprisonnés. En 2004, 53 journalistes ont été tués en exercice de leur profession. Le nombre de morts n’avait pas été aussi élevé depuis 1995. L’Irak reste le pays le plus dangereux du monde pour les reporters: 19 d’entre eux y ont trouvé la mort en 2004 et plus d’une quinzaine ont été enlevés. En Asie, 16 reporters sont tombés la même année. 907 journalistes ont été interpellés, plus de 1 146 agressés ou menacés et 622 médias censurés. Près du tiers de la population mondiale vit dans un pays où il n’existe aucune liberté de la presse. La Chine reste la plus grande prison du monde pour les journalistes avec 26 détenus. A Cuba, plus de deux ans après le « printemps noir » de mars 2003, 22 professionnels des médias attendent toujours leur libération.
C’est dans ce contexte très particulier que Reporters Sans Frontières célèbra son 20e anniversaire lors de la Journée internationale de la liberté de la presse. A cette occasion RSF présentera l’édition 2005 de son annuel album photo. Cette année, ce sera le travail de Jeanloup Sieff qui est présenté. D’origine Polonaise, né le 30 novembre 1933 à Paris, il est l’un des plus grands photographes de ces dernières années, disparu en 2000. Exposé dans les plus grandes villes du monde, il a écrit les textes qui accompagnent ses photos, et réalisé des campagnes et des films publicitaires. Préfacé par Michel Tournier, vendu à 12 francs, ce magazine, qui regroupe 80 pages de photographies, va permettre à l’organisation de mener ses actions au jour le jour.