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Un coup de pouce pour décrocher un emploi à Neuch ?

Connectez vous sur la toile, inscrivez-y « job ». Vous verrez,  une multitude de pages s’ouvrent. Des pages s’ouvrent  et créent  ainsi, chez  certains, le soubresaut d’une illusion de commodité. Un emploi est à portée de moi, se dit-on, la réalité économique ne compte plus. Pourtant, nombreux sont les jeunes pour qui le voile de cette apparente opulence de choix professionnels s’estompe assez vite. Il vous faut un coup de main. Un soutien, une personne pour vous aguiller dans le magma de cet austère marché du travail. Vous êtes toujours sur la toile ? Alors ajoutez à votre requête « service ». « Job service, un service différent pour les jeunes et les entreprises » figure en tête de liste. Vous n’êtes pas sur le site d’une agence de recrutement, il s’agit d’un service public et gratuit créé depuis 1988. Il est destiné aux jeunes entre 15 et 25 ans en recherche d’insertion professionnelle. Deux bureaux, l’un à Neuchâtel et l’autre à La Chaux-de-Fonds se donnent pour mission de construire une passerelle entre le marché de l’emploi et les jeunes. Voilà qui peut-être utile. Décidés à comprendre la motivation qui anime une telle entreprise, nous nous sommes rendus pour vous sur place afin de rencontrer l’une des responsables. Dominique Wohlhauser, psychologue FSP, nous explique.

« Job Service est donc un service public et gratuit, spécialisé dans l’insertion professionnelle. Il s’adresse à tous les jeunes qui ont des questions liées à leur intégration sur le marché de l’emploi »

Qu’y a-t-il de différent par rapport à une agence de recrutement ?
« Nous faisons du placement, mais celui-ci est gratuit. C’est à dire que nous ne prenons pas de commission ni auprès de l’entreprise, des jeunes, bien évidemment. L’entreprise a un lien direct avec le candidat. On ne démarche pas, on s’occupe plutôt de favoriser le réseau. Un autre aspect qui nous différencie, c’est que nous visons exclusivement un public jeune. Nous ne proposons donc pas des personnes à hauts profils et vraiment expérimentés. »

Qu’apportez-vous aux jeunes ?
« Concrètement, nous proposons tout d’abord une inscription au service de placement. Ensuite, nous sommes là pour donner du soutien, des conseils dans la recherche. Nous proposons un accompagnement pour aborder le marché du travail. Nous sommes en quelque sorte des facilitateurs de ces mesures devenues désormais extrêmement difficiles. Nous proposons également un accès au réseau professionnel, parce que nous sommes conscients que l’aspect relationnel est un point qui peut être déterminant dans une recherche d’emploi. Quatrième aspect de nos services, nous proposons des programmes spécifiques pour les jeunes en rupture de formation. Un des aboutissements de notre engagement chez Job Service est que nous avons réussi à lancer un programme appelé « projet village d’artisans ». Sur un même lieu, vous retrouvez des micros entreprises où nous pouvons intégrer les jeunes dans le monde du travail. Notre bureau se trouve sur le site et nous sommes là pour encadrer. C’est ce que nous appelons notre tremplin vers le premier marché du travail. On y fait prendre conscience des règles que sous-tendent l’activité professionnelle. Nous essayons également d’aborder d’autres aspects de la vie du jeune, plutôt d’ordre psychologique et, si besoin étant, nous orientons la personne en difficulté vers les services adéquats. »

Quelle est la philosophie de Job service ?
« Proximité, soutien dans le parcours du jeune demandeur d’emploi. Nous sommes à l’écoute. Mais il faut garder à l’esprit que nous devons travailler avec le monde économique. C’est important. »

Comment arrivez-vous à gérer ce double rôle qui est la fois celui de conseillère socioprofessionnelle et en même temps de personne mandatée par les entreprises pour trouver de nouveaux collaborateurs ? N’y voyez vous pas deux logiques contradictoires ?
« C’est effectivement un aspect de notre travail qui peut sembler contradictoire. On est même amené à expliquer dans les Hautes Ecoles les enjeux de cette double logique. 13

En tant qu’expert travaillant au coeur du tissu professionnel neuchâtelois, que pensez-vous de celui-ci ?
« Le canton a une particularité qui est son lien avec l’activité économique horlogère. Neuchâtel a été malmené par les crises horlogères, de telle sorte que nous pouvons dire que lorsque l’horlogerie va bien, l’économie va bien. Ça va de paire ! Il est indéniable qu’actuellement et en comparaison avec le reste du pays, le canton a des difficultés d’emploi, surtout dans le haut. Le haut du Canton a aussi sa particularité; il s’agit de son passage brusque de l’industrie vers le tertiaire. Les personnes n’ont pas toutes les qualifications requises pour assumer une telle transition et ça peut poser problème. Cela dit, un point plus que positif à soulever est qu’au vu de la petite taille de la région, nous avons un bon partenariat entre les écoles, les employeurs et les pouvoirs publics. C’est bien la taille de notre canton qui permet un tel partenariat. »  

Pourquoi avoir choisi ce poste au sein de Job Service plutôt qu’une place dans un département de ressources humaines d’une compagnie « ordinaire » ?
« Tout d’abord parce qu’en fin de formation en psychologie du travail, j’étais spécialement intéressée par les aspects de la formation et de l’éducation. Je suis d’ailleurs allée suivre des cours à Genève en Science de l’Education. Le second élément qui a déterminé cette ambition est qu’un tel poste offre la possibilité d’accompagner les personnes dans leurs phases de transition. Ce qui est à mon sens un moment crucial. D’ailleurs, j’organise, à titre privé, des séminaires de préparation à la retraite dans les entreprises. Les phases de transition m’intéressent énormément. »

Selon vous, les entreprises coopèrent-elles suffisamment ?
Dans le cas contraire, qu’attendriez-vous d’elles ?
« Nous travaillons avec plus d’une centaine d’entreprises. Non, celles-ci collaborent bien. On peut dire qu’il s’agit d’un bon partenariat. Mais, je pense qu’il faut encore les sensibiliser aux aspects sociaux. Souvent, lors d’entretiens, des jeunes me font part du fait qu’ils ne se sentent pas respectés dans leurs démarches. Que ce soit au niveau du délai d’attente de réponse de courrier, ou parce que l’on ne leur répond carrément pas. Selon moi, il faut instaurer une procédure respectueuse de la personne, ce qui n’est encore pas assez souvent le cas. »

Le marché de l’emploi s’est endurci s’est dernières années. Les moyens entrepris pour recruter de nouveaux collaborateurs ont fortement changés également. Que pensez-vous des techniques de sélection et de recrutement élaborées par les psychologues pour les départements RH des compagnies actuelles?
« Il y a dix ans, les démarches pour le demandeur d’emploi étaient bien plus aisées. On commençait par chercher un endroit où effectuer un stage et ensuite, on cherchait un poste fixe. Les curriculum vitae avaient, en somme, moins d’importance. Aujourd’hui, lorsque nous devons orienter un jeune dans ses démarches, les choses sont bien plus compliquées. Tout d’abord, le marché exige un dossier de candidature en « béton ». Il faut ensuite se préparer à des examens d’entrée, qui peut-être mèneront à un entretien. Entretien qui, toujours dans la même incertitude, pourra vous mener à un éventuel poste de stage. Notons ceci dit en passant que de moins en moins de stages sont rémunérés. Finalement, peut-être, aurez-vous l’opportunité d’accéder à un emploi stable. Ce n’est pas toujours facile d’expliquer cela. Vous savez, je n’ai que trente-cinq ans, mais même à mon époque je n’ai pas été confronté à de telles difficultés. »
N.H.

Reportage

Le Liban : désillusion

June, 81 ans est en Suisse chez sa fille depuis un mois. Remplie de souvenirs d’une vie extraordinaire mais aussi d’amertume et de tristesse. Elle revient d’un pays dans lequel elle a toujours vécu, mais sur lequel elle s’est vue obligée de tirer un trait: le Liban.

Peur, horreur et déception. Tels sont les premiers mots qui sortent de la bouche de June à l’évocation des bombardements dont le Liban a été victime l’été dernier. « J’ai vécu toute ma vie au Liban, mais maintenant c’est fini. Qu’est-ce que vous voulez que je vous raconte? La guerre, c’est la peur tout le temps. On ne devrait pas en parler. » June peine à révéler ce qu’elle a vécu. Est-ce parce que les événements sont encore trop récents? Peut-être, mais c’est aussi qu’elle préfère parler des nombreuses petites choses qui font du Liban un pays exceptionnel, si cher à son cœur. Petit à petit, des bribes d’histoire sortent. « Je suis née en Palestine, d’un père anglais et d’une mère palestinienne. En 1948, nous avons quitté le pays pour le Liban. Comme tous les libanais, je parle le français, l’anglais et l’arabe. Je me suis mariée. Les années 50-60 étaient un temps de rêve. Une période fastueuse. Nous vivions dans la splendeur, étions plein d’activités. La mer, le ski, les fêtes, l’élégance… Et toutes ces senteurs, ces saveurs… ». Sa fille Jane est à ses côtés et ajoute: « Tout le monde venait au Liban, car on y vivait si bien: les américains, les français, les hollandais. Et les libanais les ont toujours accueillis avec tant de cordialité. Ensuite la guerre a commencé et a duré 17 ans. » Pour June et son mari, il n’a pas une seule fois été question de quitter leur maison près d’Antélias, au nord de Beyrouth. La mère et la fille se souviennent alors d’histoires d’autant plus effroyables qu’en périodes de guerre elles ne sont plus que des anecdotes réduites à une banalité impensable en temps normal. La peur terrible des « barrages volants », le danger couru à chaque fois qu’il s’agissait d’aller chercher du pain, les bombardements incessants, les contrôles routiers où le moindre faux pas pouvait être synonyme de mort, des kilos de dynamite trouvée derrière la boutique de famille, un repas au restaurant qui devait permettre le temps d’une soirée de faire semblant que la guerre n’existait pas et qui s’est finalement transformé en cauchemar… « N’écrivez pas toutes ces horribles histoires », me demande June, « qui vont-elles intéresser? ».

Et puis la guerre s’est terminée et les libanais y ont cru: les gens pourraient enfin à nouveau mener une existence normale. Les jeunes nés pendant la guerre allaient connaître d’autres choses que le confinement de leur quartier. « A la fin de la guerre, beaucoup de jeunes sont retournés au pays. Nous avons par exemple des cousins qui ont décidé de laisser leur vie parisienne pour participer à la reconstruction du pays. » Le train de vie des jeunes et des moins jeunes s’est à nouveau accéléré. « Les libanais aiment tellement faire la fête! », s’exclame Jane, « et puis ils en avaient besoin, pour se libérer des longues années précédentes. » Et June d’ajouter, un brin nostalgique: « Oui, mais l’élégance de nos années de jeunesse a disparu, aujourd’hui les jeunes sont un peu indécents ». Les libanais avaient repris confiance, ils se permettaient de ne plus vivre au jour le jour, d’avoir des projets. Mais voilà que cet été le pays est bombardé. June: « Tout le monde au Liban est encore sous le choc. Ces bruits des bombardements qui ont repris. Ces enfants tués, la peur au quotidien et à nouveau aucune perspective. Nous nous rendons compte au Liban que la stabilité que nous avons connue n’était qu’une façade et que notre pays ne sera jamais tranquille ». Et Jane d’ajouter:  » Ces deux guerres sont tellement différentes. Si la première était une guerre civile chaotique concernant tout le Liban et menaçant chaque habitant, la deuxième était bien plus ciblée et stratégique, et a agi comme un bulldozer: en plus d’avoir causé de trop nombreuses morts parmi les civils, presque toutes les infrastructures ont été détruites en peu de temps. »

Mais quelles que soient les différences entre les deux guerres, les bruits effrayants des bombardements sont les mêmes, la peur ressurgie après ces quelques années de trêve est restée inchangée. Et si la violence des derniers mois a été de courte durée en comparaison à la première guerre, elle aura servi à ôter aux libanais toutes leurs illusions.  » Vous savez, reprend Jane, le Liban n’a pas d’armée, c’est un pays prospère mais divisé qui a une position géographique stratégique: c’est un cible idéale. Nous avons compris que notre pays sera toujours un…, un endroit dynamité ». C’est d’une voix désappointée que June conclut:  » Pour moi, le Liban comme pays, c’est fini. Mais ce qui me manque le plus, ce sont mes amis, leur chaleur et leur gentillesse. Et l’odeur du jasmin. C’est dommage ».
D.S.