Enquête

Greenpeace porte plainte contre le Conseil fédéral

Le 19 janvier passé, Greenpeace a remis à l´Assemblée fédérale une plainte à l´autorité de surveillance contre le Conseil fédéral qui ne respecterait pas ses engagements en ce qui concerne la réduction des émissions de CO2. L’objet de la plainte, l’introduction d’une taxe sur le CO2 n’est pourtant pas incontesté en Suisse.
Steve Remesch

Le Conseil fédéral s’était engagé à introduire une taxe sur le CO2 émis par les combustibles (mazout, gaz) et les carburants (essence, diesel), si les objectifs de réduction visés par la loi sur le CO2 n’étaient pas atteints. Or le délai prévu pour l’introduction de cette taxe est échu au 1er janvier 2006. Greenpeace regrette que le Conseil fédéral ait laissé passer cette date sans commentaire. Pour l’organisation écologiste, il est évident que les objectifs ne peuvent être atteints sans l’introduction d’instruments incitatifs.

En 2004, des prévisions, mises en avant par Greenpeace, faisaient état d´une lacune de 2.9 millions de tonnes de CO2 en 2010. Or, en tout état de cause, le Conseil fédéral n’aurait pas réagi. Dans le communiqué de presse relatif à la plainte déposée à l’autorité de surveillance de l’Assemblée fédérale, Greenpeace accuse le Conseil fédéral d’avoir succombé aux pressions du lobby pétrolier et de ne pas avoir pas une perception claire de la situation.

Greenpeace attend de l’Assemblée fédérale, qu’elle prenne les mesures prévues par la loi, respectivement choisisse une procédure qui corresponde aux prescriptions de la loi sur le CO2. Le Conseil fédéral devrait en outre être contraint à informer la population de la raison pour laquelle les prescriptions légales n’ont pas été respectées jusqu´à présent.

Dans le communiqué de presse, Alexander Hauri, chargé de la campagne climat chez Greenpeace, constate aussi que «le Conseil fédéral enfreint la loi sur le CO2 de façon irresponsable. Il perd un temps précieux; la Suisse, particulièrement touchée par les changements climatiques, ne peut pas se le permettre. Cela a été particulièrement visible en 2005 où des précipitations et une sécheresse extrêmes ont frappé notre pays.»

L’industrie, les PME et les propriétaires fonciers proposent par contre  de remplacer la taxe CO2 sur les combustibles fossiles par un centime climatique, semblable à celui sur les carburants. Face aux caméras de la TSR, le conseiller national Rudolf Steiner (PRD/SO), également président de l’Association suisse des propriétaires fonciers (HEV), a précisé que cela aurait surtout l’avantage de revenir moins cher à l’économie et aux consommateurs. Il suffirait de prélever entre 1,6 et 1,7 centime par litre de mazout et 1,54 centime par kilo de gaz naturel. On atteindrait ainsi l’objectif de réduction des émissions de CO2 fixé par le Conseil fédéral pour les combustibles fossiles.
Greenpeace ne le voit pas du tout ainsi.  Déjà en 2004 le mouvement écologiste considérait que la proposition du centime climatique aurait comme seul but d’éviter l’entrée en vigueur de la taxe incitative sur le CO2 prélevée sur les carburants et dont l’introduction est prévue par la loi. Elle irait aussi à l’encontre de la diminution de la consommation de carburant. L’argument principal de la proposition du centime climatique serait le fameux achat de certificats d’émissions à l’étranger. Ces certificats d’émissions de CO2 imputés à hauteur de 10 millions de tonnes au nom de la loi sur le CO2 permettraient à l’Union pétrolière de vendre plus de 4.000 millions de litres d’essence supplémentaires, une quantité qui représente un gain de chiffre d’affaires d’environ 5 milliards de francs.

Interrogé par L’Article.ch en  mars 2005 (cf. Archives 03/2005), Yves Zenger, porte-parole de Greenpeace, considérait que le Conseil Fédéral aurait peur de s’engager. « En Suisse, on a de grandes difficultés à admettre et à comprendre qu’une politique en faveur de l’environnement ne se fait pas nécessairement au détriment de l’économie du pays. Ecologie et économie peuvent parfaitement fonctionner ensemble» affirma-t-il, « maintenant le moment est venu pour construire ensemble une politique de développement durable!» Surtout en tant que pays alpin, la Suisse devrait se rendre compte qu’elle est fortement touchée par le changement climatique. Yves Zenger insiste sur le fait que les glaciers fondent dans des proportions jamais vues jusqu’ici, que le permafrost dégèle et que infrastructures, personnes et habitations sont menacées par les glissements de terrain. De grosses inondations, des canicules estivales et la diminution des chutes de neige sont autant d’incitations sans équivoque à agir rapidement.
S.R.

Photo: Steve Remesch

Édito

Un défi environnemental individuel

Steve Remesch
Le réchauffement du climat s’accélère. C’est un fait indéniable. Mais faut-il pour autant résigner? Lors du Forum sur les changements climatiques de Genève, qui a été clos vendredi passé, il a été conclu que les progrès seraient trop lents pour modifier les habitudes de production et de consommation.
Bien que les orateurs de ce Forum se soient unanimement mis d’accord pour encourager les économies d’énergie et pour mettre en œuvre un plan de développement des énergies moins polluantes, ils se montrent néanmoins impuissants face au croissement du parc automobile mondial. Or les émissions de CO2 sont la cause principale du réchauffement global.
Ce qui semble avoir été oublié à Genève est que les habitudes de consommation ressortent de  la responsabilité individuelle de chacun de nous. Trop souvent on a l’impression que l’individu se sent dépassé par le réchauffement du climat et impuissant face à l’évolution.
Et non, il ne l’est pas. Les changements de comportement, même les plus infimes, peuvent contribuer à prévenir les émissions de gaz à effet de serre sans affecter notre qualité de vie. En réalité, ils peuvent même résulter dans des économies.
Un premier pas serait d’éviter de laisser le poste de télévision, la chaîne hi-fi ou l’ordinateur sous tension. En moyenne, un téléviseur utilise 45% de son énergie en veille. Si les Européens évitaient de laisser leurs appareils sous tension, les économies qu’ils réaliseraient permettraient d’alimenter en électricité un pays de la taille de la Belgique.
Le recyclage est un autre pas facile à franchir, sans demander trop d’effort. Trier ses déchets et les évacuer de manière appropriée, ne prend pas plus d’une demi-heure par semaine. Recycler 1 kg d’aluminium usagé consomme dix fois moins d’énergie que d’en produire à partir de la matière première. Les usines dépensent nettement moins d’énergie à fabriquer du papier à partir de papier recyclé qu’à partir de pâte à papier.
Un troisième pas serait d’éviter de surchauffer les logements et ainsi le gaspillage d’énergie. En diminuant la température à l’intérieur d’un logement de 1°C seulement, la facture d’électricité ou de gaz peut diminuer de 7%.
Ce ne sont que des exemples parmi beaucoup d’autres, mais ces petits pas à franchir mènent vers un grand progrès.
A nous de jouer!