Commentaire

Au milieu des cartons

Déménager n’est jamais plaisant, mais rentrer dans un nouveau chez soi peut s’avérer plein de découverts. Et le choix de devenir colocataire, une expérience qui fait envie. Et bien voilà, il se trouve que je suis en plein déménagement avec mon colocataire! Et oui, je quitte mon studio et me met en colocation avec un ami de l’université. Je me permet alors de laisser tous ces meubles et cartons qui m’entourent le temps de vous conter ma petite histoire, qui peut ressembler à tant d’autres.

Il y a huit mois je venais depuis Genève pour m’installer à Neuchâtel et y commencer l’université. Comme de nombreux étudiants, je cherchais un logement pas cher et trouvai un beau studio à prix abordable, je pensais (et le pense toujours) être tombée sur la perle rare. J’emménageais donc seule, me disant que la colocation n’était pas pour moi. Il faut dire aussi que je ne connaissais personne dans cette nouvelle ville. La pensée d’habiter avec quelqu’un ou plusieurs inconnus me faisait un peu peur. Je me disais ça serait comme un tirage à la loterie, une question de chance : cela peut se passer très bien ou pas du tout, dans mon for intérieur, je n’osai pas prendre ce risque.

Après quelques mois à l’uni j’avais fait de nombreuses connaissances. J’adorais toujours mon petit chez moi mais voyais tous ces autres étudiants qui eux avait osé la colocation et n’avait pas du tout à s’en plaindre. J’en devenais vite un peu jalouse parce que finalement le fait d’habiter toute seule m’embêtait et j’avais l’impression de passer à côté d’une étape de la vie. La colocation n’est-elle pas une de ces choses à vivre qui fait justement partie de « la vie d’étudiant » ? Je restais encore quelques temps dans l’hésitation à me convaincre que c’était plus une chance qu’autre chose de se permettre d’avoir son propre appartement. Finalement l’envie d’habiter à deux prit le dessus. C’est alors ainsi que je lançai cette idée folle à un ami. Il disait toujours qu’il en avait marre de son appartement trop loin du centre, et me proposa d’emménager ensemble. Le lendemain nous lancions les premiers appels pour faire des visites …

La hâte et l’excitation de changer d’habitat étaient là certes, mais déménager comme cela sur un coup de tête ce n’est pas si simple ! Il faut à la fois trouver l’appartement mais aussi trouver quelqu’un pour reprendre nos actuels logements et cela sans savoir pour quelle date. Un peu perdu dans le nombre de choses à faire, on commença par visiter plusieurs appartements jusqu’à ce que l’on tombe amoureux de l’un d’entre eux. C’était mi-avril et la date d’entrée était prévue pour le premier mai ! Armé de confiance, de folie et sûrement d’inconscience on s’est inscrit, n’ayant alors plus que deux semaines pour trouver quelqu’un désirant reprendre nos appartements. C’est là que, la course a vraiment commencé : s’inscrire et constituer le dossier pour l’un, mettre des annonces pour l’autre, faire passer les visites, appeler les gérances,… Toute une paperasse administrative pas encore finie à ce jour. Chanceuse jusqu’au bout je trouvai quelqu’un pour la reprise de mon bail et peu après suivit la confirmation de la gérance : on a été choisit pour louer le nouvel appartement. Mon futur colocataire, lui, est toujours en attente d’une réponse de la gérance pour savoir ce qu’il en est de la reprise de son ancien logement.

La prochaine étape était bien sur le déménagement même, la précipitation n’ayant pas aidé ce fut plutôt chaotique. En une journée il fallut faire tous les cartons dans les deux appartements et les emmener dans le nouveau ainsi que les meubles et autres babioles à transporter. Nous avons eu les clés à 10 heures, à 22 heures nos anciens logements étaient vides et le nouveau totalement encombré. Tout était là oui, mais entassé l’un sur l’autre. L’accès à la cuisine se faisait par-dessous un bureau, celui des toilettes par-dessus un canapé et pour entrer dans les chambres…. Il fallait être souple !

Malgré une grande envie d’aménager ce nouveau chez soi, il y avait encore quelques efforts à donner, avant tout, nettoyer de font en comble les appartements à remettre. J’y ai passé une journée. Un long week-end qui se termine, demain je rends les clés et commence à mettre de l’ordre. Voilà une bonne chose de faite… quand je pense qu’il y a deux semaines je croyais finir l’année scolaire dans mon studio, le déménagement je l’envisageais plutôt pour les vacances…

Cela ne fait qu’un jour que j’habite en colocation pourtant, je sais déjà que je ne regretterai pas ma décision, même si ce fut deux semaines de course, cela valait la peine. J’ai fait le bon choix ! Bien sûr c’est facile à dire, je n’ai pas encore eu droit aux premières prises de tête avec mon colocataire ou autres désagrément que je découvrirai peut-être par la suite. Il faudra apprendre à vivre avec, mais le simple fait qu’il y ait une présence là dans l’appartement pendant, par exemple, que je suis en train d’écrire cet article me réjouit. Je sais que maintenant, j’aurai du plaisir à être chez moi, que je n’aurai plus à cuisiner juste pour moi ou à sortir juste parce que je n’ai pas envie d’être seule… Et d’ailleurs, malgré que ce « chez moi » ne ressemble pas à grand-chose pour l’instant, je m’y suis déjà fait ma place et y suis totalement attachée, drôle de sentiment que je n’avais pas du tout ressenti en entrant dans mon studio.

Il me reste encore bien des choses à faire et organiser alors je retourne à mes cartons, histoire que je puisse au moins accéder à mon lit avant minuit…
M.B.

Analyse

Le parcours du combattant, logement d’étudiant :

Aujourd’hui plus que jamais, concrétiser un bail pour un étudiant relève d’une force mentale accrue…
Zoé Decker

À lire les journaux et à entendre les déclarations de certains responsables politiques, il semble bien que la crise du logement revienne périodiquement frapper comme l’anticyclone des Açores amène le beau temps en été. Ce discours qui assimile un fait social à un phénomène naturel sert évidemment à dissimuler les responsabilités de ceux qui créent la crise pour assurer leur profit personnel. Les mécanismes de la spéculation immobilière ont été beaucoup décrits dans les années 80, notamment dans le sillage du mouvement squat ; nous n’y reviendrons pas ici. La spéculation n’est en réalité que la partie la plus révoltante des pratiques qui structurent le marché immobilier.

Aujourd’hui, dans sa recherche d’un logement, l’étudiant(e) suisse est confronté(e) à bien des difficultés et des barrières.
Après un long silence statistique, l’OFS (l’Office Fédérale de la Statistique) s’est enfin penché sur la situation sociale des étudiant(e)s. Ces chiffres nous apprennent que le loyer est la dépense la plus lourde sur leurs budgets concernant ceux qui ont quitte´ le cocon familial.

L’étudiant est donc le premier affecté par la crise du logement. En effet, les ressources financières des jeunes en formation ne leur permettent pas de remplir les conditions d’accès au logement. L’étudiant doit verser une caution, qu’il n’a en général pas et mis encore en concurrence avec d’autres locataires potentiels et parfois salariés. Il doit souvent demander à un proche de se porter garant pour lui/elle auprès de la gérance, voire de prendre le bail à son nom.
De plus, alors que le système de Bologne, nouvellement entré en vigueur, cherche à favoriser la mobilité des étudiant(e)s, voire la revendique comme une amélioration du système de formation. Les jeunes provenant d’autres cantons ou de l’étranger sont défavorisés car ils ne peuvent pas produire les garanties nécessaires de solvabilité.
À cela s’ajoute le fait que le marché du travail a beaucoup évolué ces dernières années. De plus en plus, les étudiants se voient proposer des stages, plutôt que des emplois stables, à leur sortie de l’Université. «Une manière pour l’employeur de «tester» ses nouveaux employés», constate Marc Worek d’Uni Emploi. Parfois, ces stages ne sont pas payés.
Selon la CUAE (Le Centre Universitaire d’Aide aux Entreprises), qui s’est abondamment penchée sur la question du logement des étudiants depuis 2002, “La source de profits constituée par les marchés financiers semble être pleine de risques depuis au moins cinq ans. Dans ce contexte, les investisseurs mettent à l’abri une partie de leurs capitaux et l’immobilier est le marché rêvé pour qui veut s’assurer une rente à vie : chacun a besoin d’un toit et la structure de la demande dépend très peu de celle de l’offre.“
En d’autres termes, pour peu qu’on lui fasse croire qu’il n’y a plus de logements libres, le locataire est prêt à accepter à peu près n’importe quelles conditions pour se loger. S’il en a les moyens, il acceptera des augmentations de loyers ; s’il n’en a pas, il vivra à trois dans un deux pièces ou acceptera de faire duex heures de trajet pour se rendre à son travail.

Il est grand temps d’améliorer la situation générale des jeunes en formation. Dans cette perspective, il est nécessaire de mettre en place des politiques de logement qui puisse répondre à cette volonté.
Dans certaines villes de suisse romande, des actions sont engagées dans ce sens. À Genève en août 2006, l’Etat a prévu une extension de la Cité Universitaire en permettant la construction d’un bâtiment de logements pour étudiants d’une hauteur de six niveaux sur rez-de-chaussée, comprenant 240 chambres. Dans un contexte de pénurie de logements pour étudiants -manque d’environ 1’000 logements pour l’Université-, ce plan localisé de quartier vise une extension de la Cité universitaire afin de constituer une opportunité de résorber le déficit.
Dans le canton de Neuchâtel, la Fédération des Etudiants Neuchâtelois (FEN), ayant repris la gestion d’un immeuble pour y loger des étudiants de l’université de Neuchâtel, a permis que les loyers soient fixés à 320 fr. pour une chambre dépendante avec ménage une fois par semaine.
Ainsi, une fédération d’étudiants a pu fournir des loyers 35% moins cher que les prix du marché libre.
Le problème semble avoir été perçu, mais les difficultés pour l’étudiant de trouver un logis persistent encore. Il est donc important que les autorités s’attardent à discuter des politiques de logement pour les étudiants et jeunes en formation.
Z.D.