Nicolas Sarkozy face à Pékin
Les Jeux Olympiques représentent un événement planétaire. Dès lors, quels sont les enjeux qui se cachent derrière une telle manifestation ? Les pays occidentaux peuvent-ils préserver de bonnes relations avec la Chine tout en montrant leur désaccord envers sa politique intérieure ?
Les Jeux Olympiques sont un ensemble de compétitions sportives mondiales, organisées tous les quatre ans. Originellement tenus dans la Grèce antique, ils ont été remis au goût du jour et réintroduits, à la fin du XIXème siècle, par le Baron Pierre de Coubertin. Cet événement, qui se déroule à chaque fois dans une grande ville différente, est généralement considéré par les athlètes comme l’ultime compétition.
Cependant, l’aspect sportif des Jeux Olympiques devient de plus en plus minoritaire, au profit des enjeux politiques et économiques qui gravitent autour de l’organisation des Jeux. Et ceci est d’autant plus vrai cette année, puisque comme vous le savez, c’est à Pékin que les JO se dérouleront en août prochain. En effet, la désignation de la capitale chinoise peut représenter un problème dans la mesure où la politique intérieure du pays d’accueil des Olympiades doit correspondre à certains critères et respecter certaines valeurs, parmi lesquelles on retrouve évidemment les Droits de l’Homme. Or, la Chine est loin de se soumettre à la Charte des Droits de l’Homme, et bien qu’elle ait promis d’importantes avancées dans ce domaine lors de son élection en 2001, on peut légitimement se demander pourquoi le Comité international olympique (CIO) lui a attribué l’organisation du plus grand événement au monde ?
La réponse met en exergue la connotation politico-économique des Jeux Olympiques. Effectivement, le choix de Pékin montre une stratégie de la part des milieux politiques et économiques, qui n’a plus grand-chose à voir avec les compétitions sportives.
Les milieux diplomatiques avaient tout intérêt à se prononcer en faveur de Pékin afin que la Chine ne s’imagine pas être seule contre le reste du monde. Cela donne aussi la possibilité à l’Empire du Milieu de prouver à la terre entière qu’il fait des efforts en matière de Droits fondamentaux (mais ce n’est pas gagné !). Quant aux milieux économiques, ils n’avaient pas vraiment le choix, puisque la Chine est en plein développement économique et il est impossible d’arrêter un pays qui fait figure de future première puissance mondiale.
Les enjeux économiques des Jeux Olympiques sont colossaux, les retombées en infrastructures (hôtellerie, génie civil,…) et touristiques notamment sont cruciales pour les villes organisatrices, c’est pourquoi la compétition entre ces dernières est féroce. A partir des ces considérations, Pékin a donc déployé des moyens énormes et il était presque obligatoire pour le CIO de la choisir en tant que ville hôte.
On peut s’intéresser à la manière dont les pays occidentaux, et plus particulièrement la France, réagissent à cette nomination de Pékin. En effet, comment ne pas manifester son désaccord lorsque le slogan olympique chinois (« Un monde, un rêve ») invite le monde entier à se joindre à l’esprit olympique et à construire un avenir meilleur pour l’humanité, alors que le gouvernement chinois ne respecte même pas les Droits de l’Homme en son pays et mène une politique agressive envers le Tibet ?
C’est notamment pour ces raisons que des manifestations ont éclaté lors du passage de la flamme olympique à Paris. C’est là que nous arrivons à un sujet épineux : les relations entre Nicolas Sarkozy et la Chine. Le Président français se trouve dans une position délicate et bien que nous ne voulions en aucun cas faire le procès personnel de M. Sarkozy, celui-ci étant déjà largement bafoué par la presse, on constate qu’il ne sait plus vraiment sur quel pied danser. Président du pays qui se réclame celui des Droits de l’Homme et futur Président de l’Union européenne (comme cela sera le cas au mois d’août), il ne peut décemment pas être en accord avec la politique intérieure orchestrée par la Chine. C’est pourquoi il condamne les actions menées contre le Tibet. En revanche, il ne peut pas non plus se permettre de perdre un allié économique de cette importance. Sarkosi est donc forcé d’ériger des mesures d’apaisement entre la France et la Chine. Parmi elles, la lettre d’excuse et l’invitation que le Président a adressées à Jin Jing, une athlète chinoise handicapée, violentée alors qu’elle portait la flamme olympique à Paris. Grâce à cette lettre, le mouvement anti-français en Chine, qui voulait boycotter les magasins « Carrefour » et donc causer des pertes gigantesques à l’économie française, est en train de s’inverser. Les relations entre les deux pays semblent, à l’heure actuelle, moins tendues. Pour faire bonne figure, Nicolas Sarkozy a cependant posé une condition à sa participation à la cérémonie d’ouverture : la reprise du dialogue entre le gouvernement chinois et le Dalaï Lama. Mais comment M. Sarkozy va-t-il pouvoir mesurer l’authenticité de ce dialogue, si jamais il a lieu ?
On constate donc que les Jeux Olympiques, ont, bien plus qu’une importance sportive, une importance économique, mais surtout politique, car il est tout à fait impossible que la Chine, sorte de propriétaire du monde et ce depuis le XVIIIème siècle déjà, avec les routes de la soie, perde la face. D’ailleurs, Nicolas Sarkozy ainsi que les Occidentaux en général doivent faire des pas en arrière, afin de ne pas rompre les relations avec la Chine, indispensable au bon fonctionnement de toute économie développée. Comme le dit l’ex-Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin : « la Chine a une place dans le monde aujourd’hui que l’on ne peut pas sous-estimer : c’est le banquier du monde. » Il faut donc tout faire pour préserver de bonnes relations avec la Chine, quitte à fermer les yeux sur certains agissements de son gouvernement.
En conclusion, l’aura et la médiatisation des Jeux Olympiques que les Occidentaux ont attribué à la Chine, font de cette dernière la vitrine d’un régime. Cette aura symbolise le retour de la Chine au rang de grande puissance entièrement intégrée dans le jeu diplomatique et économique international.
Christophe Voyame