Eclairage

Quel rôle joue aujourd’hui la télévision?

La télévision est le média prépondérant dans notre société. Depuis ses débuts, elle a subi de profondes évolutions qui ont largement modifié son rôle et son contenu. Quels sont-ils aujourd’hui ?

John Reith, fondateur de la BBC et du concept du média télévisuel comme service public, appliquait à la télévision trois buts fondamentaux : informer, divertir et éduquer. Par « éduquer », il entendait offrir à la société la possibilité de s’élever, de mieux vivre ensemble.  Aujourd’hui, si l’on considère les grilles de programme des diverses chaînes, on remarque que le divertissement occupe une place prépondérante. L’information vient ensuite, cependant que l’espace accordé à l’éducation est assez restreint. Le média prépondérant qu’est la télévision s’est donc quelque peu éloigné du but fondamental posé par l’une des grandes figures de l’histoire télévisuelle. Toutefois, ce n’est de loin pas le seul changement qui a affecté la télévision au cours de ces dernières décennies.

Depuis ses débuts, la télévision a subi de profondes évolutions. Umberto Eco, complété par Missika, découpe l’histoire télévisuelle en trois grandes étapes. La première était celle de la paléo-télévision qui mettait surtout en scène les politiques faisant figure d’autorité. L’accès était limité aux personnes qualifiées et le spectateur considéré comme un citoyen-élève qu’il fallait informer, éduquer. La deuxième étape était celle de la néo-télévision où s’est développé le rôle social du média. Ce sont des personnes au vécu extraordinaire qui étaient invitées afin de parler de leurs expériences. Ainsi est apparue l’information comme spectacle. La troisième étape, développée par Missika, s’intitule la post-télévision. Celle-ci figure des personnes au vécu ordinaire et permet au spectateur d’agir directement sur le contenu télévisuel. La téléréalité constitue un exemple type.

Le développement des technologies a aussi engendré de profondes transformations, par le passage notamment d’une ère mécanique, puis électronique à une ère numérique. En 1953, le premier direct international, couvrant le couronnement de la Reine Elizabeth II, était une révolution. Aujourd’hui, l’accès à l’information est plus rapide, plus simple et s’étend au monde entier et à tous les domaines. Cette évolution ne compte toutefois pas que des éléments positifs. A cause des contraintes posées par la notion d’actualité du jour, l’information tend à être moins pensée, moins réfléchie, ce qui peut entraîner des erreurs de contenu importantes. Une autre pression s’exerçant sur l’information est liée à la nécessité des chaînes de faire de l’audience, de vendre leurs produits. De ce fait, on assiste à une sélection de sujets séduisants, qui laisse de côté certains faits. Concernant le plan économique encore, la publicité a fait de la télévision un média de consommation plutôt que de culture véritable.

La prépondérance du divertissement dans les grilles de programme va dans ce sens. Il faut séduire le spectateur, l’amuser. Un grand changement a été provoqué dans ce domaine avec l’apparition de la téléréalité. Montrer au spectateur que des gens ordinaires peuvent avoir accès aux plateaux de télévision et lui donner la possibilité d’intervenir dans le processus d’une émission sont autant de moyen d’accrocher son attention et de renouveler la notion de divertissement.

Sur le plan social, la télévision tend à reprendre le rôle de la famille. Etant un média principalement domestique, la télévision s’est vite imposée dans une sphère familiale de plus en plus affaiblie par le mode de vie actuel (familles recomposées, repas rarement pris ensemble, etc.) A cela s’ajoute que le nombre de postes de télévision dans une maison s’approche de plus en plus du nombre de membres que compte la famille. Par conséquent, la télévision joue un rôle de troisième parent, parfois même prépondérant, si bien que le spectateur se construit une vie familiale autour des personnages virtuels qui se déploient devant ses yeux.

En conclusion, la télévision occupe une place considérable dans notre société et reste une source d’information prépondérante quant à l’actualité de tout type (mondiale aussi bien que régionale). Cependant, son impact sur la société, qui s’avère encore difficile à calculer par manque de recul, et l’évolution de son contenu ne manquent pas de faire émerger une certaine perplexité.
S.B.

Interview

Le droit à la terre, une question de Constitution

Pot de terre contre pot de fer, le drame des cultures indigènes colombiennes

Après avoir achevé le Forum de Colombie «Les voix tuées par la guerre» à la Johanes Kirche de Berne, sous l‘égide de diverses associations (voir pied de l’article), l’un des protagonistes nous à concédé un interview exclusif.
Propos recueillis par Viviana von Allmen

L’éclairage
Selon le gouvernement d’Alvaro Uribe Vélez, les niveaux de violence politique se sont réduits significativement, ce qui permet une avance vers la démocratie et le progrès. Les sphères institutionnelles insistent sur la méconnaissance d’un conflit armé, la situation d’émergence humanitaire et les limites qu’a la démocratie colombienne pour que l’opposition puisse être exercée en totale liberté. Malgré les annonces du gouvernement, la réalité montre une situation bien différente. Selon des rapports des différentes organisations internationales, dans ce pays sud américain, la situation de précarisation de la population croît, les violences contre les droits de l’homme grandissent, les inégalités sociales augmentent et l’impunité se maintient.
Pour les organisations sociales en Colombie et pour de larges secteurs de la population, il est clair que si l’on veut trouver des solutions durables à la crise social et politique, il faut explorer des chemins alternatifs à celui de la guerre.
Seul un processus, incluant tous les acteurs et leurs propositions saura apporter la stabilité requise dans ce pays, fortement secoué par la violence. La politique économique dominante en excluant la population, ne pourra que fortifier les inégalités et les conflits.

Pérégrination
Les peuples d’Amérique du sud notamment les colombiens, se mobilisent en dénonçant les abus de la part des compagnies pétrolières multinationales dans les territoires «Resguardos» appartenants, selon la constitution de 1991, à la collectivité indigène de Colombie. Soutenus par la REDHER -Réseau Européen de Fraternité et Solidarité avec la Colombie- et après une assemblée entre indiens, paysans et syndicalistes du département de ARAUCA,  une tournée à travers quatre pays et trente villes du vieux continent se met en marche.
Le Cacique U’wa (chef indien) Ismael Uncacia, invité par des ONG européennes nous raconte la vérité sanglante de son peuple.

En Europe pour défendre une vie naturel

-M. Ismael Uncacia, pourquoi avez-vous décidé de venir en Europe ?
Notre situation n’a pas d’espoir dans le confins de la Colombie. Seuls des appuis politiques extérieurs peuvent influencer nos autorités. Nous voulons montrer l’autre face de la médaille aux peuples qui comprennent les valeurs des traditions. Nous sommes opposés au message du Président qui à travers ses discours très élabores donne une image erronée de notre peuple, y compris des minorités. -Nous ne sommes pas des terroristes-  comme le gouvernement veut le montrer.

-Comment sont les conditions de vie chez vous ?
Nous habitons dans les plaines orientales de la cordillère des Andes colombienne. Nos maisons sont construites avec les matériaux que nous trouvons  dans la nature. Notre nourriture provient de nos cultures. Notre société est basée sur un modèle économique simple, le surplus de nos récoltes sont vendus sur des marchés locaux et ainsi nous pouvons nous procurer des vêtements et du matériel scolaire. Nous vivons en harmonie avec la nature, notre médecine naturelle reste celle de nos ancêtres et c’est comme ça que nous voulons rester.

-Pensez-vous pouvoir continuer longtemps à vivre en marge de la société moderne ?
Nous espérons bien. Nous ne voulons pas subir le même sort que certains indiens de nos voisins qui se sont vus proposer des sommes dérisoires pour leurs terres. Dans l’ignorance de savoir comment gérer cet argent ils se retrouvent  aujourd’hui mendiant dans les rues de Bogotá.
Nous sommes profondément attachés à notre terre et refusons l’expropriation.

-Quels résultats avez-vous déjà obtenus de votre voyage européen ?
En Espagne on a obtenu de la part des députés de Valence, le soutient pour toutes les demandes administratives en relation avec la  dégradation des cultures indigènes et la violation des droits de nos territoires. A Munich, plusieurs ONG travaillant déjà au Nicaragua, Honduras et Equateur  vont sensibiliser l’opinion internationale sur notre problème. En Suisse nous espérons fortement, grâce à notre participation à deux Forums, dont « Forum social suisse » de Fribourg, les 4 et 5 juin, avoir en appui politique déterminant.

-Que comptez-vous faire à votre retour en Colombie ?
Informer les 14’000 membres de notre communauté des divers soutiens obtenus auprès de nos frères européens. Ceci va leur donner l’espoir et la force de continuer la résistance face aux décisions de notre gouvernement. Notre peuple ne demande pas autre chose que le respect de la constitution qui nous octroie l’autodétermination sur nos terres.
V.vA.