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Métamorphose possible pour la place Numa Droz

 

Quel visage pour la nouvelle place Numa-Droz ?

Imaginez une place moderne et agréable, conçue pour contenir une zone  piétonne ainsi que des voies de circulation, le tout de manière à garantir la sécurité de chacun. Un rond-point central remplace les feux de circulation et fait également office d’îlot pour les piétons. Une telle place n’existe pas encore mais elle a séduit la commune de Neuchâtel qui projette  de réaménager la Place Numa-Droz, première étape d’une succession de transformations urbaines dans la Ville. Cependant, ce nouveau projet a rencontré des oppositions et déclenché un référendum. Les habitants de la commune de Neuchâtel sont donc invités à se prononcer sur le sujet le 3 mars prochain.

En 2011,  la Ville de Neuchâtel a entamé les mesures prioritaires du  projet d’agglomération neuchâtelois. Un concours d’aménagement d’espaces publics a été mis sur pied la même année. Parmi les 19 propositions, la Ville a été séduite par celle du bureau lausannois Paysagestion baptisée  Neuch’forever. Incluant la place Numa-Droz, la place Alexis-Marie-Piaget, la place du Port et le port, le projet lauréat apporte un élan de modernité et de fraîcheur à la Ville. Outre de vastes espaces dédiés aux piétons, il est prévu d’apporter de la végétation sous la forme d’un jardin japonais place Alexis-Marie-Piaget où des pergolas place Numa-Droz. Des idées ambitieuses qui ne rencontrent pas toujours des échos favorables. Les opposants au projet représentés par le TCS, l’ACS, le PDC et le commerce indépendant de détail (CID) ont  déposé un référendum. Les habitants de la commune de Neuchâtel auront donc tranché par votation le 3 mars. Pour les y aider, la  chancellerie communale a monté l’exposition « Prenez Place ! » au Péristyle de l’Hôtel de Ville.


Il faut dire qu’un  projet d’une telle envergure mérite d’être détaillé. Selon la chancellerie communale, il permet de « mettre en valeur le cœur de notre cité, dégageant des vues sur le lac et les alpes, offrant des possibilités aux piétons de se reposer sur de nouveaux bancs et des terrasses ».  En ce qui concerne la sécurité, les autorités communales se veulent rassurantes : la vitesse autorisée sera réduite à 30km/h et certains passages piétons stratégiques subsisteront, notamment aux abords des écoles. Les piétons devront toutefois rester prudents car ils n’auront pas la priorité. Ce qui devrait  inciter piétons comme automobilistes à se prêter une attention accrue. D’ailleurs, comme le rappelle le journal « Vivre la ville ! », le projet Neuch’forever « s’inscrit parfaitement  dans la campagne nationale actuelle de sensibilisation sur les traversées piétonnes chercher le regard  ». De plus, les zones piétonnes seront différenciées des zones de circulation  par une distinction dans les couleurs et les niveaux. Les personnes souffrant d’un handicap n’ont pas été oubliées puisque certaines mesures doivent leur faciliter le passage de la place (lignes blanches, peu d’obstacles à contourner).  Au niveau de la circulation, la fluidité du trafic sera plus régulière et les places de parc supprimées de la place seront assez nombreuses dans les parkings souterrains à proximité.

Des arguments que ne partagent pas les opposants au projet, qui relèvent son coût relativement élevé : plus de 10 millions de francs, dont la moitié à la charge de la Ville. Le comité référendaire sort d’ailleurs l’argument choc en affirmant : « Numa Droz, c’est 10 millions pour le chaos et plusieurs autres millions pour le corriger. Vous payez… les « experts » n’ont pas fini d’encaisser. » Une affirmation qui laisse penser que la réalisation du projet entraînerait désordre et confusions. Les référendaires  pointent notamment du doigt le « faux sentiment de sécurité » mis en avant par les concepteurs de Neuch’forever, ainsi que  la vulnérabilité des personnes âgées et des enfants. En effet, réduire la vitesse à 30 km/h et supprimer les feux de circulation ne va pas contribuer à rendre la place plus sûre, assène le comité référendaire. De plus, l’argument de la fluidité améliorée est remis en question, puisque des 16 voies de circulation existantes, il n’en restera plus que 6. Le rond-point central pensé dans une forme rectangulaire est également sous le feu des critiques car jugé peu pratique pour la circulation des transports publics. Le comité référendaire estime que tout cela entraînera de nombreux bouchons et ne favorisera pas la réduction du trafic souhaitée par les autorités communales. De plus,  la disparition des places de parc existantes est une menace pour certains commerces, qui verront leurs clients se rendre dans les grands centres commerciaux (disposant de parkings suffisamment grands). Enfin, le comité référendaire souhaite un nouveau projet pour la place Numa-Droz  mais prenant plus de paramètres en compte (itinéraires de délestages, réelle fluidité, sécurité augmentée).

Neuch’forever est un projet ambitieux qui, s’il aboutit, peut apporter une touche de convivialité et de modernité à la Ville de Neuchâtel. Des inconnues ne sont bien sûr pas à exclure et  certaines craintes évoquées ne doivent pas être prises à la légère. Mais parfois, il vaut la peine de « prendre place » dans le train du changement lorsque celui-ci se présente à nous.

M.Ch

Pour plus d’informations : http://www.neuchatelville.ch/votation-numa-droz


Interview

Les petits plats dans les grands

Ces dernières années, nous avons pu constater un essor de la cuisine, chacun peut, s’il le veut, créer de bons menus, devenir un petit chef, comme par exemple dans le programme de M6 un dîner presque parfait, où le concept est de gagner grâce à l’originalité et le bon goût de ses plats. Fini le temps où l’on se contentait de servir des mets simples. Mousselines crémeuses, verrines ou encore confits, la cuisine tend à élever son niveau tout en étant plus accessible à tout un chacun et donc en n’étant plus forcément réservée aux grands cuisiniers. Mais peut-on dire qu’elle est élevée au rang d’art?

Selon Wikipédia, « l’art est une activité humaine, le produit de cette activité ou l’idée que l’on s’en fait, consistant à arranger entre eux divers éléments en s’adressant délibérément aux sens, aux émotions et à l’intellect ». De ce point de vue, la cuisine est donc un art puisqu’elle touche beaucoup plus que le simple sens du goût. L’odorat, le visuel voir le touché, plusieurs sens sont mis à contribution. Et ça ne s’arrête pas là: on touche également aux émotions. Souvenirs d’un plat d’enfance, beauté d’un dressage et évidemment, la convivialité qui entoure un bon repas.

Ces différents aspects sont mis en avant dans d’autres émissions télévisées, comme Top Chef, où les candidats sont non seulement jugés sur le goût de leur plat, mais également son dressage et ce qu’il évoque, les émotions qu’il peut susciter. On cherche d’ailleurs à donner « du coeur » aux plats. Nous pouvons donc parler, dans ce genre de cas, d’art culinaire. Tout comme pour la peinture ou la sculpture, certaines personnes sont prêtes à payer des sommes astronomiques pour avoir le meilleur. C’est également un art éphémère, puisqu’une fois dégusté, nous n’en gardons plus aucunes traces, à part un délicieux souvenir.

Mais nous parlons ici de bonne cuisine, de gastronomie. Lorsque la cuisine se fait pratique, économique, comme la cuisine de cantine, préparée dans des casseroles immenses, avec pour seul but de nourrir et non de ravir les papilles, est-ce toujours un art? Nous tendrions à dire non. Mais n’est-ce pas le grand Andy Warhol qui a élevé au rang d’art la grande consommation et la production de masse? Et le gribouillage d’un enfant remet-elle en cause le statut artistique de la peinture? C’est évidemment une façon de voir quelque peu extrême, mais la cuisine faite dans le simple but de nourrir ne va pas remettre en cause le statut de la gastronomie et de l’art culinaire, tout comme une vidéo amateur ne va pas faire descendre de son piédestal le cinéma, considéré comme le 7ème art.

Les chefs cuisiniers, de nouveaux artistes? Pour le savoir, L’article.ch a interviewé Eric Fotel, chef de son restaurant La Grenade, à Aubonne:

L’article.ch: La cuisine a tendance à se démocratiser, nous en entendons de plus en plus parler, mais en tant que restaurateur, l’estimez-vous comme un art? Si oui, pourquoi?

Eric Fotel: Pour moi, ce n’est pas un art. D’abord, c’est une passion. Elle vient depuis tout petit. On faisait à manger avec les parents, on préparait tout ensemble. C’est venu de là. Ça devient un art quand ça arrive chez les « grands », comme des Rochat, Girardet, Ducas, Bocuse, etc. C’est comme pour le sport, un Messi par exemple, c’est un artiste. Après, ça reste des exceptions.

L.ch. : Donc, tout le monde ne peut pas être un artiste?

E.F. : À partir du moment où on transforme, c’est une forme d’art. Mais non, pas tout le monde ne peut prétendre être un artiste. La cuisine, c’est un métier. Les émissions télévisées sont un bon moyen de faire parler de la cuisine, de créer des vocations. Par contre, elles donnent une fausse idée de ce qu’est vraiment la cuisine. Courir sur le Trocadero pour créer un plat, ça n’existe jamais en réalité.

L.ch. : Comment ressentez vous cette engouement pour la cuisine? Est-ce positif ou négatif ? Est-ce que l’approche des clients a changé?

E.F. : C’est bien, ça fait découvrir le métier. Découvrir les gens qui gravitent autour du métier. Les producteurs et autre… On ne les voyait pas forcément avant, on ne se rendait pas compte, mais grâce aux médias, on les découvre quelque peu, et c’est une bonne chose. Internet aide aussi. Il permet de chercher des idées, de l’inspiration. On tape pigeon, par exemple, et on trouve plein de recettes, donc je ne les suis pas forcément, mais ça permet de s’inspirer.

Par contre, les gens s’intéressent peut-être trop à la cuisine et font beaucoup à manger chez eux, donc vont moins au restaurant, ce qui ne fait pas trop mes affaires (rires). Ils ont beaucoup à disposition. Il faut trouver des trucs en plus, des innovations ou chercher des meilleurs prix. On peut utiliser internet (proresto.ch, lafourchette.ch, etc.), c’est payant, mais utile. Après, il faut être réactif. Se tenir à jour et être prêt. Ça peut être à double tranchant. C’est un métier ou il faut bouger. Ne pas rester inactif. Changer la carte, la décoration, les tables. Il faudrait trouver le « truc », la « combine » qui change.

Sinon, j’ai constaté que les gens sont plus pointus au niveau des questions, il faut être plus concret, plus pertinents dans nos réponses. Ils s’y connaissent mieux. Ils ont aussi plus l’habitude d’aller au restaurant. La clientèle est donc plus exigeante qu’auparavant.

L.ch. : Vous considérez-vous comme un artiste lorsque vous cuisinez?

E.F. : Je ne me considère pas comme un artiste. Je fais de la cuisine. J’essaie de faire plaisir au gens, mais ce n’est pas forcément de l’art. Les grands sont des artistes, comme je l’ai dit précédemment.

L.ch. : Comme l’affirment vos tableaux dans le restaurant (ndlr: « De tous les arts, l’art culinaire est celui qui nourrit le mieux son homme » Pierre Dac; « Le bel art de la gastronomie est un art chaleureux. Il dépasse la barrière du langage, fait des amis parmi les gens civilisés et réchauffe le coeur » Samuel Chamberlain), la convivialité fait partie intégrante de la bonne cuisine. Est-ce aussi une nouvelle forme d’art?

E.F. : Je pense qu’il est important de sortir de sa cuisine, que le patron aille voir les clients, ils apprécient beaucoup. Le contact est génial. Si il y a un problème, ça permet de tempérer, si on ne le fait pas, il peut souvent y avoir de mauvaises remarques sur internet. Ça peut détruire un restaurant.

La convivialité fait partie de la cuisine, l’accueil est important. Il faut l’être de A à Z. C’est pour cela que je sors. La décoration, le personnel, l’ambiance, tout cela fait partie de l’impression qu’on aura après, de la convivialité. Elle fait partie du métier!

L.ch. : Que conseillez-vous à ceux qui veulent s’essayer à cette nouvelle forme d’art?

E.F. : Il ne faut pas le faire juste parce que c’est une mode, un « art ». Il faut de la passion. Il y a pas mal d’inconvénients à ce métier. Le stress, les horaires pas toujours faciles, etc. Il faut aimer. Plus que de l’art, c’est un métier. C’est très large. La cuisine permet d’amener ses connaissances. D’exporter son art.

L.ch. : Voulez-vous rajouter quelque chose?

E.F. : La cuisine a beaucoup évolué depuis trente ans, il y a de meilleures avantages, surtout pour les jeunes qui veulent se lancer. Il faut savoir que nous ne sommes pas tous des alcooliques (rires). C’était notre réputation. Finalement, c’est le plus beau métier du monde. Nous sommes de gros râleurs, mais on finit toujours par dire cela. Nous travaillons de beaux produits, on se fait plaisir à soi et surtout, on fait plaisir aux gens!

Ainsi, la cuisine n’est pas forcément un art à la portée de tous, si l’on en croit Eric Fotel. Mais art ou non, elle réjouit les sens et rend les gens heureux. Ce qui est évidemment essentiel. Et c’est peut-être en cela que nous pouvons la considérer comme une oeuvre, artistique? Le débat est ouvert.

Propos recueillis pas ChaM