Suisse : note insuffisante !

Steve Remesch

Ici, le noir des forêts grimpe jusqu’à la crête; là, le vert des pâturages est parsemé de vaches et de quelques érables. Sur les hauteurs, le blanc des sommets se reflète dans d’innombrables petits lacs.  Difficile à imaginer que cette description correspond à un des pays qui dégagent le plus de CO2 par tête, un des seuls pays en Europe à ne pas prévoir de sortie du nucléaire et un pays où l’énergie renouvelable semble être une option qui ne vaut pas la peine d’être mentionnée.

Que la Suisse n’est pas un élève modèle en matière d’écologie est connu, mais le récent rapport de l’OCDE sur la production de CO2 en fournit la preuve. La Confédération Helvétique se situe au sixième rang mondial, seuls les Etats-Unis, le Canada, l’Australie, l’Allemagne et le Danemark totalisent un taux d’émission plus élevé. Avec 10,6 tonnes de CO2 par tête notre pays dépasse de loin la moyenne mondiale, qui se situe autour des 4 tonnes par année et par tête. Cette étude, qui ne considère pas seulement le CO2 produit dans notre pays, mais aussi les émissions générées lors de la production à l’étranger de biens qui sont ensuite importés en Suisse, devrait inciter le Conseil Fédéral à mettre en œuvre une stratégie climatique à long terme. Bien que le réchauffement climatique soit entré, en tant que souci majeur, dans la conscience collective ces derniers dix ans, les émissions de CO2 n’ont diminué que de 0.7% entre 1990 et 2002.

Le protocole de Kyoto, entré en vigueur le 16 février passé, qui vise notamment la réduction des taux d’émission de CO2, a été célébré comme un grand succès par les écologistes du monde entier. La Suisse, figurant parmi les 128 Etats qui ont signé ce protocole, s’est engagé à réduire ses gaz à effet de serre de 8% par rapport aux quantités émises en 1990 et la Loi helvétique sur le CO2 prescrit d’ici 2010 une réduction de 10% des émissions de CO2 provenant de l’utilisation des agents énergétiques fossiles.
La redevance sur le CO2 serait un moyen d’atteindre ces objectifs et le « centime climatique » est souvent invoqué comme solution miracle. De nombreux protecteurs de l’environnement estiment que cette mesure est insuffisante. Greenpeace va plus loin, en la dénonçant comme une tentative des lobbies de l’automobile et du pétrole de faire taire les polémiques par des pseudo-mesures. Au lieu de s’attaquer aux causes, le « centime climatique » ne ferait qu’encourager l’augmentation des émissions suisses de CO2.

Selon Greenpeace, la proposition du centime climatique aurait comme but d’éviter l’entrée en vigueur de la taxe incitative sur le CO2 prélevée sur les carburants et dont l’introduction est prévue par la loi. Elle irait aussi à l’encontre de la diminution de la consommation de carburant. L’argument principal de la proposition du centime climatique serait le fameux achat de certificats d’émissions à l’étranger. Ces certificats d’émissions de CO2 imputés à hauteur de 10 millions de tonnes au nom de la loi sur le CO2 permettraient à l’Union pétrolière de vendre plus de 4.000 millions de litres d’essence supplémentaires, une quantité qui représente un gain de chiffre d’affaires d’environ 5 milliards de francs.

En ce qui concerne le nucléaire, la Suisse fait partie des pays qui ne prévoient pas de sortie. Elle hésite largement à développer les énergies renouvelables et continue à miser sur les technologies à haut risque qu’est le nucléaire. Les critères d’arrêt des réacteurs, qui dans notre pays ont une moyenne d’âge de 28 ans, ne sont pas clairement définis, selon Greenpeace. C’est pourtant ce que demande explicitement l’étude de WISE-Paris (World Information Service on Energy – Service mondial d’information sur l’énergie). En citant les principaux mécanismes de vieillissement connus, l’étude recommande de ce fait de mettre des limites claires à l’inévitable vieillissement avec des valeurs limites et des marges de sûreté. Lorsqu’une limite de sûreté est atteinte, cela constitue un critère d’arrêt qui astreint l’exploitant à l’arrêt et à la rénovation de la centrale. Greenpeace affirme que ces critères laissent aux exploitants et aux autorités de surveillance une marge d’interprétation beaucoup trop grande. Il n’y aurait pas de valeurs limites de sûreté claire et chiffrée. En France, les centrales nucléaires sont obligées de prouver tous les dix ans, devant une commission indépendante, qu’ils sont en mesure d’assurer un fonctionnement en toute sécurité.

Yves Zenger, porte-parole de Greenpeace, considère que les engagements du Conseil Fédéral en matière de protection de l’environnement sont amplement insuffisants. « Le Conseil Fédéral a peur de s’engager. En Suisse, on a de grandes difficultés à admettre et à comprendre qu’une politique en faveur de l’environnement ne se fait pas nécessairement au détriment de l’économie du pays. Ecologie et économie peuvent parfaitement fonctionner ensemble» affirme-t-il, « maintenant le moment est venu pour construire ensemble une politique de développement durable!» En tant que pays alpin, la Suisse devrait se rendre compte qu’elle est fortement touchée par le changement climatique. Yves Zenger insiste sur le fait que les glaciers fondent dans des proportions jamais vues jusqu’ici, que le permafrost dégèle et que infrastructures, personnes et habitations sont menacées par les glissements de terrain. De grosses inondations, des canicules estivales et la diminution des chutes de neige sont autant d’incitations sans équivoque à agir rapidement.

A nous de faire tout ce qui est possible pour que le  pays des pâturages verts et des vaches «heureuses» ne devienne pas un jour un mythe.

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