Sortie dorée pour Sarah Meier

Du 24 au 30  janvier dernier se déroulaient à Berne les Championnats d’Europe
de patinage artistique. La Suissesse Sarah Meier disputait à l’occasion sa dernière compétition avant de prendre se retraite sportive. A «domicile », la Bernoise s’est offert une apothéose finale en remportant la médaille d’or pour la première fois de sa carrière. Chez les hommes, Amodio et Joubert ont permis à la France de signer un superbe doublé. Durant une semaine, la patinoire de la PostFinance-Arena de Berne a vibré au rythme des pirouettes, « double boucle piqué » et autres « triples axels » de ces magiciens de la glace.

Sur une ultime pirouette, Sarah termine son programme libre. Submergée par l’émotion, elle enfouit son visage dans ses mains puis fond soudainement en larmes. Des larmes exprimant à la fois une joie intense et une nostalgie prenante. La Bernoise sait en effet qu’elle vient de réaliser une brillante prestation, tout en réalisant brutalement qu’elle vient d’effectuer la dernière
pirouette de sa longue carrière.

Sans aucun doute, cette image restera le moment fort de ces Championnats d’Europe 2011. L’exploit réalisé par Sarah Meier est d’autant plus retentissant qu’il s’agissait là de sa première compétition officielle de l’hiver et que ses trois dernières saisons ont été minées par une cascade de blessures. Dans ce contexte, personne n’osait espérer un résultat probant en guise d’adieu.

Pourtant, la Zurichoise allait très vite prouver qu’elle était parfaitement remise de ses pépins physiques en se hissant au troisième rang du classement provisoire après le programme court. « J’ai réalisé une première partie dont je suis fière, le plus difficile sera de confirmer demain lors du programme long. Tout reste très ouvert, je me battrai jusqu’au bout. », a expliqué Sarah Meier,
soulagée.
Le tirage au sort a déterminé que la Suissesse serait la dernière concurrente à patiner pour le programme libre. C’est donc depuis les vestiaires qu’elle a pu constater les déboires de ses deux principales adversaires, à côté de leurs patins samedi soir. C’est tout d’abord Ksenia Makarova (2ème  à l’issue du court) qui commettait une série d’erreurs inhabituelles. La Russe était
imitée peu de temps après par Korpi (1ère du court) qui se ratait sur ses quatre premiers sauts. Dès lors, c’était la voie royale pour Sarah Meier au moment de s’élancer sur la glace sous l’ovation d’un public totalement acquis à sa cause. Encore fallait-il résister au stress, car en sortant des vestiaires, elle glissait un « Je vais mourir » pas très rassurant à l’oreille de Stéphane
Lambiel venu l’encourager. Mais l’expérience de la patineuse de 26 ans (la plus
âgée des concurrentes !) allait parler en sa faveur. Quatre minutes et un merveilleux programme plus tard, la Zurichoise, en pleurs, pouvait enfin évacuer cette pression qui l’a finalement galvanisée. « Je n’arrive toujours pas à y croire, j’ai toujours rêvé de ce moment. C’est exactement comme je l’imaginais. », s’émerveille-t-elle à la descente du podium. « L’atmosphère et la foule étaient extraordinaires, c’était très émotionnel ! C’est le moment parfait pour
se retirer, une fin rêvée ! »
La patineuse de Bülach s’impose finalement devant la favorite de l’épreuve, l’Italienne Carolina Kostner qui s’est fait l’auteur d’une superbe remontée après son programme court raté (6ème). La belle Finlandaise Kiira Korpi complète un podium qui a fière allure.Relevons également la très belle 16ème place de la Zurichoise Romy Bühler (16 ans !) pour ses premiers championnats d’Europe.

Doublé français chez les hommes
Chez les messieurs, on redoutait que l’absence des deux stars de ces dernières années, le Suisse Stéphane Lambiel (double champion du monde), retraité, et le Russe Evgeni Plushenko (triple
champion du monde), suspendu, ait un impact négatif sur l’intérêt porté à la compétition. Il n’en a rien été, le spectacle était au rendez-vous dès les premiers coups de patins. En effet, les qualifications déjà ont livré leur lot d’émotions : la vista du tango du Belge Hendrickx (1er des qualifs), la malice de Kim Lucine (2ème) sur un « Singin’ in the Rain » qui a ensoleillé la Bern Arena ou encore la cruelle désillusion du malheureux Estonien Romanenkov, condamné à abandonner après quelques secondes de présentation suite au bris de la lame d’un de ses patins… Côté suisse, la satisfaction était au rendez-vous avec les qualifications des deux jeunes Suisses Stéphane Walker (voir ci-dessous) et Moris Pfeifhofer qui ont rejoint le Genevois Laurent Alvarez,
qualifié d’office pour le programme court.
Cette présentation « courte » de 2’50’’ maximum a réservé bien des surprises. En effet, la jeune génération a surclassé les « aînés ». En effet, avec Amodio (20 ans), Brezina (20 ans) et
Gachinsky (17 ans), la moyenne d’âge du podium provisoire ne dépassait pas les 20 ans ! Les favoris comme Verner, Contesti et Van Der Perren ont dû se contenter des accessits. Il en a été de même pour le Français Brian Joubert, grandissime favori, qui a chuté sur son « triple Lutz ». « Le problème n’est pas technique, mais psychologique.  Ce Lutz, ce n’est qu’en compétition que je le rate ! », pestait-il, très déçu, en sortant de la glace.
Le triple champion d’Europe s’est parfaitement rattrapé deux jours plus tard en signant le meilleur
score du programme libre. Cette performance lui a permis de faire un bon au classement final passant du 7ème au 2ème rang final. Seul son compatriote Florent Amodio l’a devancé grâce à deux programmes époustouflants. Arborant un costume violet flashy, le français d’origine brésilienne a fait valoir ses qualités de showman. Sur une musique de Michael Jackson, ses pas de danse endiablés et ses déhanchements digne du « roi de la pop » ont mis le feu à la patinoire. Même s’il n’a intégré ni « quadruple » ni combinaison « triple-triple » à son programme (les sauts les plus difficiles techniquement), il a su se mettre le public et les jurys dans la poche. Le jeune Français, dont c’était la première participation à des championnats d’Europe (!), peut donc encore
progresser au niveau technique. Doublé français donc, mais avec deux patineurs aux personnalités diamétralement opposées. Si Joubert représente la classe, le panache et la force tranquille, Amodio rime avec culot, fougue et audace. Au final, les deux compatriotes se complètent bien et forment un beau podium avec le Tchèque Tomas Verner (3ème) à qui la musique de Michael Jackson, décidément très en vogue samedi soir, a également plutôt bien réussi.

Dimanche, le gala a clos en beauté ces championnats d’Europe. Le menu était particulièrement copieux avec la présence sur la glace de la légende du patinage helvétique féminin Denise Biellmann dont on a pu apprécier toute la classe sur ses pirouettes malgré ses…48 ans, du Valaisan Stéphane Lambiel qui a montré que, même s’il n’a pas participé au concours, il reste le maître dans l’interprétation, et des meilleurs de chaque catégorie, l’occasion pour le public d’acclamer une dernière fois Sarah Meier avant une retraite bien méritée.

Ces championnats d’Europe ont parfaitement su mettre en valeur ce sport trop souvent sous-estimé. Comme l’a rappelé Ottavio Cinquanta, président de l’ISU (International Skating Union), « le patinage artistique est techniquement le sport le plus difficile au monde ». En tous les cas, il génère des émotions uniques ! La grâce des concurrents aura certainement eu raison du fan de hockey le plus endurci. L’ambiance y est si particulière, magique même… l’espace d’un saut, le temps semble suspendu, le public retient son souffle avant d’exploser de joie. Les nombreux spectateurs présents tout au long de la semaine peuvent en témoigner.
Raphaël Crettol

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *