Ève a mangé la pomme en premier. Est-ce le départ de tout cet infini débat qu’est l’égalité des sexes que nous vivons au quotidien ? Une autre interprétation de ce récit aurait-elle donc littéralement changé notre vision de l’égalité homme-femme aujourd’hui ? Croquons ce sujet aussi vaste qu’actuel à pleine dent !
La « culpabilité » de la femme aurait pour racine cette histoire rocambolesque du fruit défendu auquel elle n’aurait pas résisté. Trop curieuse et désobéissante, Ève aurait en plus osé tenter son Adam après y avoir goûté elle-même. De cette légende, nous retenons que la femme s’est rendue coupable de leur descente sur terre et donc du statut « d’Hommes mortels ». Si c’est dans cette légende que la supposée infériorité féminine trouve ses origines, nous sommes mal partis pour en finir un jour ; mais croyons en la capacité humaine à se débarrasser des vieux clichés bibliques ! N’oublions-nous pas qu’Adam n’a pas non plus résisté à la tentation ? Il se serait donc lui aussi rendu « coupable », et qui plus est d’avoir été doublement tenté (une première fois par la pomme elle-même, et une seconde fois par suggestion de sa femme de goûter à ce fruit).
L’égalité entre les hommes et les femmes est un débat à priori mondial. Le sujet est cependant bien plus présent dans les pays dits développés, où la situation de la femme lui permet une émancipation déjà reconnue de ses pairs. Il est en effet difficile d’imaginer une discussion sur l’équité des salaires dans un pays où la femme n’a tout bonnement pas le droit de travailler. Ce qu’on appelle aujourd’hui « inégalité » existe depuis toujours, mais la remise en question du statut est relativement récente. Cela a été écrit dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, mais ne se met en application que très lentement (mais sûrement ?). Cette envie de révolution sociale se voit dans tous les médias, se montre dans les rues par des manifestations, se dit dans les conversations privées, bref, est omniprésente. Le combat est évidemment mené principalement par des femmes, puisque ce sont elles qui veulent une évolution de leur statut et de leur reconnaissance sociale.
Naturellement, la question se pose différemment et les situations ne sont pas les mêmes suivant où l’on se trouve dans le monde. Lorsque l’on se rend simplement au sud de l’Europe, on peut observer un quotidien qui s’apparente à celui de nos grands-parents (ou même de la génération d’avant). Une ou deux heures d’avion et hop! nous voilà projetés 50 ou 60 ans en arrière en terme de répartition des tâches quotidiennes. L’homme travaille et la femme s’occupe de la maison et des enfants (et évidemment de son petit mari lorsqu’il rentre au bercail après sa dure journée de travail).
Cela commence gentiment à changer dans notre génération (les jeunes de la vingtaine) : les filles vont de plus en plus à l’Université, parce qu’elles n’ont aucune envie d’avoir la vie que leurs mères ont mené et veulent à terme une indépendance financière. Bref, elles développent une ambition professionnelle jusqu’ici exclusivement réservée à la gente masculine. Le chemin parcouru par nos propres mères en somme. En ce qui concerne les hommes pas besoin de dessin, étudier et se former professionnellement sont et ont toujours été des notions évidentes pour eux ; dans le but de pouvoir ensuite subvenir aux besoin de leurs familles.
Ce sera maintenant à leur tour de faire le chemin que nos hommes sont entrain de parcourir : envisager un partage des tâches ménagères, accepter de ne plus être le porte-monnaie familial et éventuellement réfléchir à passer d’un travail à temps complet à un job à temps partiel pour pouvoir aussi s’occuper des enfants ?
Bien, n’en demandons peut être pas trop pour le début. Il n’empêche que de revoir et réinventer les positions sociales et familiales attribuées aux uns et aux autres depuis des siècles n’a rien d’évident.
Il semble en théorie normal que chacun ait droit à une indépendance financière après le départ de la maison parentale. En effet, le désagréable sentiment de devoir demander de l’argent à papa ou maman, qui plus est en devant se justifier, devrait n’être plus qu’un lointain souvenir après l’envol vers l’indépendance. Cependant, il existe de nombreuses femmes dans la situation de mères au foyer qui reçoivent chaque mois en guise de revenu de l’argent de poche de la part de leurs maris. Ce terme « argent de poche », d’ordinaire réservé aux enfants, est une réalité quotidienne et assez dévalorisante pour ces femmes qui ont dû ou choisi d’arrêter de travailler pour s’occuper de leurs enfants. Cela implique également le fait que pour le moindre désir d’extra il faudra négocier avec Monsieur…
Pour en finir avec cette situation autant inconfortable qu’inégale, rien de plus naturel que l’envie d’avoir une bonne formation pour pouvoir soi-même subvenir à ses envies et besoins. Fini le mariage et les enfants juste après l’école secondaire, à nous les Hautes Ecoles ! Une enquête menée par l’OFS (Office Fédéral de la Statistique) montre ce tournant entrepris par les femmes. Publiée en 2011, l’étude est intitulée « Femmes et Hommes dans les hautes écoles suisses – Indicateurs sur les différences entre les sexes ». Un des graphiques les plus marquants représente le nombre d’entrées dans les hautes écoles universitaires entre 1980 et 2010. On peut y voir que le nombre de femmes est passé d’un peu plus de 4’000 à environ 10’000, ce qui dépasse même le nombre d’hommes puisque ces derniers étaient un peu plus de 6’500 à entrer en HEU en 1980 et étaient environ 9’000 en 2010. En 30 ans, ce qui n’est qu’une poussière de seconde dans l’Histoire de l’humanité, l’évolution dans ce domaine-ci a donc été absolument fulgurante (n’en déplaise à certaines qui voudraient que le schmilblick avance encore plus rapidement).
Cela étant dit, le fait d’entrer dans une Haute Ecole est un bon et grand pas mais ce n’est pas une fin en soi. Les études sont longues et souvent entreprises à un âge où un imprévu propre aux femmes peut survenir, au hasard une grossesse. Les aides financières et l’encadrement pour la prise en charge de l’enfant ne sont pas assez nombreuses, de ce fait beaucoup de femmes dans une telle situation abandonnent leurs études. Pour les autres, fièrement et fraichement diplômées, une autre petite bataille peut être à mener lors de la recherche d’emploi. Nous sommes en effet conscients du fait qu’un employeur pourrait préférer embaucher un homme plutôt qu’une femme en âge de nécessiter d’un congé maternité. Ces chiffres représentatifs de l’entrée en force des femmes dans le monde universitaire démontrent que, malgré tout, l’égalité de l’accès à la formation est maintenant de mise.
Femmes et hommes désormais formés et employés, voyons un peu les potentiels changements quotidiens que cela implique. C’est l’arrivée des enfants qui chamboule ce nouvel équilibre professionnel : « maman à la maison et papa au travail » n’étant plus d’actualité, il faut se réorganiser. Le travail à temps partiel pour chacun est encore tabou, malgré le fait que cela semble être une solution pas loin de l’idéal. Oui, l’évolution vers l’égalité entreprise par les femmes implique une remise en cause de l’appréhension du quotidien par les hommes. Ceci est loin d’être évident : devoir s’adapter à une situation ni désirée ni créée demande un certain nombre d’efforts. On n’en parle que très peu, mais ce combat pour l’équité déclenche en cascade une réévaluation des hommes de leurs rôles et devoirs dans le ménage. En allant encore plus loin que le temps partiel, certains font le choix d’être pères au foyer ; ce faisant, ils réalisent que ce qui pouvait être vu comme dévalorisant est en réalité travail à temps plein (l’état du compte bancaire à la fin du mois en moins). Cela reste cependant une situation assez exceptionnelle, aussi admirable et révolutionnaire soit-elle. Outre ce fait, qu’il y ait « quelqu’un » au foyer dans un ménage est une bonne solution lorsque ceci est un choix, mais le panel de choix étant multiple, l’extrême n’est jamais idéal.
Il faut se fixer des buts grands et lointains pour tenter d’y arriver, tout comme il faut toujours surévaluer ses demandes pour espérer obtenir ce que l’on veut réellement. Cependant, l’égalité absolue est-elle une fin en soi ? Considérant le fait que les hommes et les femmes sont des être différents (venants respectivement de Mars et de Venus paraît-il), est-ce raisonnable et sain de vouloir être semblables à 100% au quotidien ? En ce qui concerne les salaires, le débat ne devrait même pas avoir lieu. Pour citer la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : « Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal. »
Cependant, ce qui est certainement nécessaire est une égalité des chances. Le fait de pouvoir envisager son avenir avec les mêmes paramètres et possibilités. L’égalité doit être là : dans le fait qu’à chaque virage entrepris, hommes et femmes puissent avoir les mêmes horizons pour leurs prises de décisions. Les choix de vie sont absolument personnels, mais doivent pouvoir être faits équitablement et également qu’importe notre genre. Oui, la route est longue ; mais la finalité de celle-ci du coup sûrement bien plus stable et durable.
M.D.